lundi 24 janvier 2011

Entretien avec Mustapha Bouchachi, président de la LADDH




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Plusieurs syndicats autonomes et partis politiques se sont constitués en coordination nationale pour le changement démocratique. Pensez-vous que ces différentes organisations ont pu dépasser leurs divergences politiques et idéologiques ?
Lors de la rencontre du vendredi passé, j'ai constaté concernant les partis politiques que chacun essayait de lancer des flèches contre l'autre. Les représentants de la société civile et les formations doivent dépasser les querelles partisanes. Je pense que c'est une responsabilité à la fois morale et politique.
 
La levée de l'état d'urgence, l'ouverture du champ politique et médiatique et la démocratisation de la société, etc. C’est un SMIG politique sur lequel tout le monde est d’accord. L'intérêt général et l'avenir de notre pays priment.
 
Il ne faut pas oublier que notre société n’est pas homogène. Il y a le régionalisme, les problèmes linguistiques… Le pouvoir algérien essaie toujours de jouer ces cartes. Il tente de diviser pour continuer à régner. On doit être conscient et dépasser ça. C'était notre but en créant cette coordination nationale.
 
 
Vous dites qu'ils doivent dépasser cela mais qu’en est-il réellement ? Le FFS a annoncé, au lendemain de la création de la coordination nationale pour la démocratie, qu’il n’allait pas participer à la marche du 9 février…
Lorsque j'ai lu le communiqué du Front des Forces Socialistes (FFS), j'étais triste. C’est l’une des raisons pour lesquelles la société algérienne n'a plus confiance en son élite. Et c'est ainsi que le régime algérien arrive à subsister malgré tout. Au lieu de s'intéresser à l'essentiel, on se noie dans des querelles partisanes qui, en fait, ne font pas avancer le processus de démocratisation de la société. L’heure n’est pas aux règlements de comptes entre les uns et les autres. Actuellement, on a un seul objectif : travailler la main dans la main et arriver à démocratiser la société.
 
Après je pense que c'est aux Algériens de dire qui a été contre le peuple et qui a eu tort dans l'histoire du mouvement démocratique. On a une dette vers un million et demi d'Algériens qui ont donné leur vie pas seulement pour la décolonisation de l'Algérie mais aussi pour la liberté des Algériens. Encore une fois, lorsqu'on s'intéresse à ce genre de querelles, on faillit à notre mission en tant que société civile ou parti politique.
 
Avez-vous introduit une demande auprès des autorités locales pour l’organisation de cette manifestation ?
La date de la manifestation n’a pas encore été arrêtée. On va se réunir le vendredi 28 janvier pour décider. Le 9 février sera un mardi. Les gens travaillent, ceux de l'intérieur du pays ne peuvent pas se déplacer. Cette manifestation pourrait être programmée le week-end. Ça sera donc le 10, le 11 ou le 12 février. Donc on va introduire la demande la semaine prochaine.
 
 
Selon vous, quelle sera la réponse des autorités locales ?
Le gouvernement a déclaré les 5 et 6 janvier que nos enfants pouvaient présenter leurs revendications d'une façon pacifique. Ils sont trois ministres à l’avoir dit : le ministre de l’Intérieur, celui de la Jeunesse et des Sports et celui de l’Etat. Donc, refuser d’accorder une autorisation à une coordination nationale, regroupant des syndicats et des partis politiques, c’est inciter les gens à user de la violence, qui pourrait avoir des conséquences désastreuses pour le pays et même pour son unité. Le régime se donne, actuellement, en spectacle. Toute l’opinion nationale et internationale est en train de regarder ce qui se passe en Tunisie et en Algérie.
 
Mais, il faut savoir qu’on ne peut pas faire une révolution à la tunisienne. Le régime algérien est trop compliqué, ce n’est pas le président seulement qui gère le pays, il y a d’autres forces et centres de décisions. Et puis l’Algérie est un vaste pays où la division existe bel et bien. Une vacance du pouvoir peut avoir des résultats catastrophiques pour le pays
 
Dans le cas où vous n’obtiendriez pas l’autorisation, maintiendrez-vous la manifestation ?
C’est aux membres de la coordination de décider. Et on va voir si on pourrait penser à d’autres formes de protestation : un rassemblement par exemple ou un sit-in.
 
 
La population semble avoir perdu confiance dans la classe politique et dans les représentants de la société civile. Est-ce que vous ne trouvez pas que cette initiative est venue un peu en retard ?
Tout d’abord, il y a des raisons à cela. Depuis l'arrivée de Bouteflika,  le régime a tout fait pour marginaliser la société civile et a refusé que celle-ci encadre la société. Résultat : la population est loin du régime. En même temps, elle est aussi loin de la société civile.
 
Toutefois, je ne crois pas que cette initiative est venue en retard. La société civile et les syndicats peuvent encadrer les protestations des Algériens aujourd'hui. C’est ce qui s’est passé en Tunisie. C’était la rue et plus précisément les jeunes qui étaient à l’origine du mouvement de protestation. La société civile tunisienne qui a gardé sa crédibilité a pu encadrer ses revendications par la suite.
 
Ils n’étaient pas nombreux à avoir répondu à la marche du RCD le 22 janvier. Pensez-vous pouvoir mobiliser beaucoup d’Algériens pour votre manifestation ?
J’ai eu des échos positifs. On n’est pas un parti politique qui veut manipuler, qui veut prendre le leadership. Il y a des associations de jeunes qui sont partie prenante dans cette coordination pour le changement démocratique. Et ces associations, ces syndicats autonomes sont crédibles auprès de la population.
 
Et puis, tout le monde est pour la levée de l'Etat d'urgence, pour un changement en Algérie. Je pense que si on nous autorise à faire cette marche, il y aura beaucoup de monde. Si la coordination prend la décision de faire cette marche. On va faire appel aux étudiants, aux jeunes, aux avocats, aux médecins. On va faire un travail de sensibilisation et de proximité.
 

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