mardi 25 janvier 2011

« MOUBARAK DEGAGE »


Des milliers d'Egyptiens défient le Raïs au pouvoir depuis 29 ans : 

 
Après la Tunisie, l'Egypte? Selon les premières estimations des services de sécurité, quelque 15.000 personnes participaient mardi après-midi au Caire aux manifestations pour des réformes politiques et sociales, inspirées par l'exemple tunisien. Dans le centre du Caire, des centaines de manifestants rassemblés aux abords de la Cour suprême ont réussi à forcer un barrage de police et à se répandre dans les rues alentours en scandant « la Tunisie est la solution », selon un journaliste de l'AFP. Le président Hosni Moubarak, âgé de 82 ans, est arrivé au pouvoir en 1981 après l'assassinat d'Anouar Sadate.

« Moubarak dégage »: sans précaution de langage des milliers d'Egyptiens sont descendus mardi dans les rues pour exprimer leur ras-le-bol d'un régime devenu pour eux synonyme de pauvreté et de répression. Parmi la foule venue sur la grande place Tahrir, au centre du Caire, Ibrahim, un juriste de 21 ans, ne mâche pas ses mots: « nous avons un régime corrompu qui veut poursuivre l'oppression sans fin ».
Ahmed, un avocat de 28 ans, a lui aussi suivi avec passion la fuite sous la pression populaire du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, après 23 ans de pouvoir, contre presque 30 pour Hosni Moubarak. « Nous devons aujourd'hui nous tenir debout comme des hommes, enfin », affirme-t-il. Mohamed, un technicien informatique, renchérit; « moi aussi, je suis venu parce qu'il faut renverser ce régime », assure-t-il.
« Moubarak dégage, tu es injuste, tu nous affames, tu nous tortures dans tes commissariats, tu es un agent des Américains », lançait une mère de famille venue manifester dans le quartier de Mohandessine, dans l'ouest du Caire, un drapeau égyptien à la main.
D'autres manifestants prenaient d'assaut les caméras des télévisions étrangères avec le même mot à la bouche ou sur des pancartes: « dégage ».
Ailleurs, ce sont les slogans tunisiens qui ont fait mouche, comme « Pain, Liberté, Dignité ». La foule est plutôt jeune, largement mobilisée au travers d'internet et des réseaux sociaux comme Facebook. Les messages sur téléphone ont aussi beaucoup contribué à la mobilisation.
Ironie, la semaine dernière le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, avait cité le nombre élevé d'usagers du téléphone portable -60 millions, selon lui, pour une population de plus de 80 millions- pour dire que tout n'allait pas si mal en Egypte.
Le départ de Ben Ali alimente aussi les « nokta », les blagues politiques dont les Egyptiens sont friands, du genre : Ben Ali appelle Moubarak depuis l'avion à bord duquel il part en exil pour Djeddah, en Arabie saoudite: « Allo Hosni, regarde ce qu'ils m'ont fait. Tu peux m'héberger cette nuit »? Moubarak répond: « Bien sûr que non. Tu es cinglé? Regarde dans quel pétrin tu nous a tous mis. Vas en Arabie Saoudite, et dis-leur que je pourrais bien faire un pèlerinage anticipé cette année ».
Environ 15.000 personnes ont manifesté dans plusieurs quartiers du Caire, notamment aux abords des bâtiments officiels du centre-ville, selon les services de sécurité. La police a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour tenter de disperser les manifestants.
Selon des spécialistes, ces manifestations anti-gouvernementales sont les plus importantes depuis les émeutes de 1977 provoquées par une hausse du prix du pain.
Plusieurs mouvements militant pour la démocratie ont appelé la population, au Caire et en province, à manifester pour faire de mardi une « journée de révolte contre la torture, la pauvreté, la corruption et le chômage ».
Cette journée coïncide avec la « Journée de la police », un jour férié destiné à rendre hommage aux forces de l'ordre. Cette initiative, qui s'adresse en particulier aux jeunes, a notamment reçu le soutien de l'opposant Mohamed ElBaradei, ancien responsable de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Plus de 90.000 personnes se sont déclarées sur Facebook prêtes à manifester. Les manifestations ont reçu l'appui d'autres formations politiques, qui n'ont toutefois pas lancé d'appels formels à descendre dans la rue. Les Frères musulmans, à la forte capacité de mobilisation, et le Wafd, premier parti d'opposition laïque, ont indiqué que leurs jeunes militants pourraient se joindre aux cortèges.
Avec plus de 80 millions d'habitants, l'Egypte est le pays le plus peuplé du monde arabe, et plus de 40% de sa population vit en dessous d'un seuil de pauvreté de deux dollars par jour et par personne.
Agé de 82 ans, malade et légèrement sourd (selon un câble américain révélé parWikileaks), le président Moubarak se maintient au pouvoir depuis 1981. Ses opposants le soupçonnent de vouloir imposer son fils, Gamal Moubarak, 47 ans, à la tête de l’Etat égyptien lors de la présidentielle de 2011.
Plusieurs immolations par le feu ont eu lieu ces derniers jours en Egypte, rappelant celle d'un jeune vendeur ambulant tunisien mi-décembre, qui avait déclenché la révolte en Tunisie. Le pouvoir de son côté a multiplié ces derniers jours les déclarations assurant que l'Egypte ne présentait pas de risque de contagion à la tunisienne.
Les autorités ont toutefois laissé entendre qu'elles prenaient des dispositions pour éviter toute hausse des prix ou pénurie des produits de base, afin de ne pas aggraver le climat social.

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