lundi 14 mars 2011

Les forces saoudiennes pénètrent à Bahreïn

À la télévision bahreïnienne, lundi, les images de l'arrivée de troupes du Golfe franchissant le pont qui sépare l'Arabie saoudite de l'émirat.

À la télévision bahreïnienne, lundi, les images de l'arrivée de troupes du Golfe franchissant le pont qui sépare l'Arabie saoudite de l'émirat. Crédits photo : -/AFP

L'intervention des États voisins du petit royaume pourrait embraser la péninsule du golfe Persique.

À Doha (Qatar)
Un millier de soldats saoudiens ont pénétré en territoire bahreïnien pour restaurer le calme dans ce minuscule royaume sunnite en proie depuis un mois à une révolte de la majorité chiite de la population. Lundi après-midi, des véhicules militaires saoudiens sont arrivés à Bahreïn, via le pont qui relie l'archipel à l'Arabie saoudite. Les soldats font partie de la force commune du Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui regroupe outre l'Arabie et Bahreïn, le Qatar, le Koweït, les Émirats arabes unis et Oman.

«C'est un tournant dans la crise», avertit un expert militaire occidental dans le Golfe. Pour la première fois, en effet, depuis la création du CCG, en 1981, des troupes issues d'un de ses pays pénètrent dans un autre pays membre de l'organisation. Qui plus est pour mater sa propre population. L'opposition bahreïnienne a immédiatement dénoncé «un complot». «Nous considérons l'entrée de tout soldat, de tout véhicule militaire dans les espaces aérien, terrestre ou maritime comme une occupation flagrante», a souligné un communiqué de plusieurs formations d'opposition, dont le Wifaq, le principal parti chiite.
Officiellement, les troupes saoudiennes se limiteront à protéger des infrastructures stratégiques, comme les installations pétrolières et électriques ainsi que les banques, a précisé un conseiller saoudien. Mais à Bahreïn, qui abrite la VI e flotte américaine dans le Golfe, personne n'est dupe. Ces renforts de troupes sont destinés à soumettre les manifestants. D'autant plus qu'environ 500 policiers des Émirats ont été envoyés en renfort. Inquiète, la Maison-Blanche a appelé les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) à «respecter les droits» des habitants de Bahreïn.

Solidarités chiites


Dimanche, après avoir tenté de repousser les frondeurs chiites pendant plusieurs heures, la police bahreïnienne a dû reculer, et les contestataires sont finalement parvenus à dresser des barricades en travers de l'avenue, qui mène au quartier d'affaires de Manama, la capitale. S'en étaient suivis des affrontements d'une violence sans précédent depuis le 17 février, date à laquelle sept personnes avaient été tuées par l'armée.
Redoutant de voir basculer Bahreïn, les monarchies du CCG - Arabie saoudite en tête - ont donc pris le risque de voir le conflit embraser la péninsule. De l'autre côté de la frontière avec l'Arabie, la minorité chiite saoudienne, installée sur les immenses champs pétroliers du royaume, va-t-elle rester silencieuse face à cette ingérence? Ces dernières semaines, les chiites saoudiens (20% de la population) n'ont pas hésité à braver les interdits pour manifester contre le régime de Riyad. Chiites saoudiens et chiites bahreïniens s'estiment citoyens de seconde zone dans leur propre pays. Plus au nord de la péninsule, leurs coreligionnaires koweïtiens vont avoir, eux aussi, du mal à avaler la pilule.
«Et puis, s'interroge l'expert militaire, que va faire l'Iran?» Jusqu'à maintenant, Téhéran, qui se voit comme le défenseur des communautés chiites dans le monde musulman, n'est pas intervenu dans les soubresauts qui agitent les pays arabes. Mais face à l'intervention du frère ennemi saoudien, l'attentisme iranien pourrait ne pas durer.
Ce durcissement illustre l'incapacité des autorités bahreïniennes à engager le dialogue avec les manifestants, après plus d'un mois de face-à-face. Au préalable à toute négociation en vue d'aboutir à des vraies réformes, les opposants exigent la démission du gouvernement. Mais parmi eux, des ultras réclament désormais ouvertement le renversement de la monarchie des Khalifa. Le déploiement de troupes saoudiennes ne va qu'apporter de l'eau au moulin des plus radicaux.

Par Georges Malbrunot

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