Malgré une révolution arabe qui a balayé plusieurs dictateurs, la France semble cultiver une certaine bienveillance envers Alger. Ce qui ne va pas sans certaines interrogations quand on connait les relations orageuses entre les deux capitales sur certaines questions.
La France vient manifestement au secours d'Abdelaziz Bouteflika. Cela coule de source depuis quelques mois. On sait déjà que l’actuel locataire d’El Mouradia avait les faveurs de l’ancien président français, Jacques Chirac qui ne s’entendait pas avec Liamine Zeroual. Depuis, bien des promesses ont été oubliées ici comme là-bas. Mais il y a eu les visites de Chirac à Bab El Oued et à Oran. Sans plus. Les relations étaient ponctuées par des valses-hésitations. Des rodomontades à Alger et des effets de manches de quelques nostalgiques de l’Algérie française à Paris.
Seulement voilà, les va-et-vient entre Alger et Paris s’accélèrent depuis le début de l’année.
Au moment où la Tunisie et l’Egypte étaient en proie à la formidable révolution populaire, les ministres français avaient tenté de minimiser le changement en cours. Certains noms réputés de la majorité présidentielle de ce pays traineront longtemps les casseroles de cet épisode, fruits d’une ignorance patente de la volonté populaire de changement. La proximité des puissants brouille l’esprit critique et les capacités d’observation de la société. Aussi, en France, comme en Europe d’ailleurs, aucun analyste sérieux, ni observateur n’avaient vu venir cette lame de fond qui a dégommé en deux mois deux puissants potentats nord-africains installés au pouvoir depuis trois décennies. Puis, les regards étaient tournés vers l’Algérie et le Maroc. Pour le premier, la diplomatie française s’est d’emblée montrée d’une prudence de sioux. Aucune déclaration qui fâche ni le régime, ni le mouvement de révolte qui commençait à prendre forme. Paris observe sans commentaires. Les médias et chaînes de télévision restèrent également à l’écart.
Mais quelque chose a dû se produire après le discours du président le 15 avril. Un changement de ton manifeste à Paris. Alain Juppé qui salue la volonté de réforme du président. Jean-Pierre Raffarin qui parle d’un réchauffement des relations entre les deux pays et de la volonté d’Alger d’ouvrir ses portes aux sociétés françaises. Première caution du régime. Mais en sous-main, ce sont d’énormes dossiers économiques qui reviennent en surface. Ce sont plusieurs société du CAC 40 qui souhaitent avoir un pied à Alger. Par ailleurs, la France évite de fâcher le président Bouteflika, elle le sait capricieux, acariâtre. Elle fait avec.
Lors de son dernier voyage, Jean-Pierre Raffarin, l’ancien premier ministre, s’enorgueillissait d’avoir « débloqué certains dossiers ». Maintenant c’est le ministre des Affaires étrangères françaies qui passe quasiment deux jours en Algérie. Une première depuis 3 ans surtout dans un contexte internationale aussi tendu. Dans l’agenda d’Alain Juppé, des rencontres avec le premier ministre Ouyahia, le ministre des Affaires étrangères et une virée à Oran.
A quelques mois du cinquantième anniversaire de l’indépendance, il y a manifestement un deal entre Alger et Paris pour enterrer les sujets qui fâchent. La mémoire de la guerre d’Algérie en est un. Avec notamment la question du Sahara occidental dont la France est d’un soutien indéfectible au Maroc au Conseil de sécurité. La situation de la Libye est désormais écartée puisque l’Algérie a changé de ton depuis le Sommet du G8 à Deauville (France). En quelques mois, on a perdu de vue toutes ces associations proches du régime qui demandaient, à grands renforts de déclarations comminatoires des comptes à l’ancienne puissance coloniale.
Une dernière question : quel est le prix du silence d’Alger sur ces sujets et quelle est la contrepartie française ?
Yacine K.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire