En attaquant la Libye, les Occidentaux tentent, selon l´analyse de Bendoukha Benyakho, de s´offrir l´or noir de la Libye et couler les organismes financiers qui pourraient un jour rendre possible l´autonomie financière de l´Afrique. L´expert a soutenu aussi que les colossaux fonds souverains de la Libye seront gérés par les États-Unis et par les plus grandes puissances européennes, quand ils seront «dégelés», et pour payer la facture de guerre contre El Gueddafi.
L´Expression: Vous êtes partisan de l´idée que ce qui se passe dans le Monde arabe a été programmé. Comment est-ce possible?
Bendoukha Benyakho: L´agression militaire contre la Libye et les événements qui se sont déclenchés dans les autres pays arabes en l´occurrence, la Tunisie, l´Egypte et la Syrie, sont des opérations programmées par des puissances étrangères. Des puissances qui, sournoisement, prétendent avoir été surprises par les révoltes arabes. Au nom de la promotion de la démocratie, des pays ont été déstabilisés, plongés dans des guerres civiles, dans des conflits ethniques et tribaux et crises alimentaires. Mais aussi, au nom de la démocratie, nombre de pays arabes ont vu leurs structures de base détruites et réduites en ruines. Voilà, où mène donc, la démocratie conseillée et exigée par les Occidentaux aux pays arabes. A ce titre, il faut dire que l´exemple de la Libye est illustratif. Et puis, il faut souligner que l´agression occidentale contre la Libye n´a pas seulement pour but de s´emparer du pétrole libyen, car cette richesse naturelle est déjà entre les mains des compagnies occidentales qui avaient déjà été autorisées à l´exploiter depuis la normalisation des relations diplomatiques en 2003, entre Mouamar El Gueddafi et les Occidentaux. Il ne s´agit donc pas d´une guerre de ressources. Par contre, la reconnaissance précipitée par la France du Conseil national de transition (10 mars) et le Sommet de Londres (30 mars), ont permis aux multinationales occidentales de modifier les termes de leurs contrats et de ne plus payer que des droits d´exploitation symboliques. De ce point de vue, il s´agit donc d´une guerre coloniale. L´invasion de la Libye, contrairement à ce qui se dit, a déjà commencé. Les unités d´assaut qui, opérant depuis longtemps sur le territoire libyen, ont préparé la guerre, sont en train de l´effectuer: ce sont les puissantes compagnies pétrolières et les banques d´investissement états-uniennes et européennes.
A l´évidence, il y a des intérêts stratégiques en jeu en Libye.
Les intérêts en jeu sont certes inavoués, mais ils se précisent et deviennent de plus en plus lisibles au regard de l´évolution des événements. Par ailleurs, il faut dire que les enjeux stratégiques de l´intervention militaire contre la Libye ont été soulignés et traités dans un article du Wall Street Journal, le réputé quotidien d´affaires et de finance. Ceci dit, après la levée des sanctions en 2003, les compagnies pétrolières occidentales ont afflué en Libye avec de grandes attentes, mais elles ont été déçues. Le gouvernement libyen, sur la base d´un système connu sous le nom d´«Epsa-4», concédait les licences d´exploitation aux compagnies étrangères, qui laissaient à la compagnie étatique (National Oil Corporation of Libya, NOC) le pourcentage le plus élevé du pétrole extrait: étant donné la forte compétition. Ce pourcentage arrivait à environ de 90%. «Les contrats Epsa-4 étaient ceux qui, à l´échelle mondiale, contenaient les termes les plus durs pour les compagnies pétrolières», dit Bob Fryklund, es-président de la société états-unienne Conoco Phillips en Libye. Les raisons apparaissent ainsi clairement dans le cadre de l´opération décidée non pas à Benghazi, mais à Washington, Londres et Paris. La création par le Conseil national de transition de la «Libyan Oil Company»: une coquille vide, semblable à une des sociétés clés en mains, prêtes pour les investisseurs dans les paradis fiscaux. La gestion de la LOC a été confiée au Qatar qui, en échange, a mis Al Jazeera à la disposition des «volontaires» pour déstabiliser la Syrie. Il apparaît aussi clairement pourquoi a été créée, en même temps, à Benghazi, la «Central Bank of Libya», autre coquille vide mais avec une mission future importante: celle de gérer formellement les fonds souverains libyens, estimés à plus de 150 milliards de dollars. Une grosse manne financière que l´État libyen avait investie à l´étranger. Aujourd´hui, ces colossaux fonds souverains seront gérés par les États-Unis et par les plus grandes puissances européennes, quand ils seront «dégelés».
Qui gèrera donc ces fonds souverains?
Celui qui les gèrera effectivement est démontré par le colosse bancaire britannique Hsbc, principal «gardien» des investissements libyens «congelés» au Royaume-Uni (environ 25 milliards d´euros): une équipe de hauts cadres d´Hsbc est déjà au travail à Benghazi pour lancer la nouvelle «Central Bank of Libya». Il sera facile pour Hsbc et d´autres grandes banques d´investissement d´orienter les investissements libyens en fonction de leurs stratégies. Un de leurs objectifs est de couler les organismes financiers de l´Union africaine, dont la naissance a été rendue possible en grande partie par les investissements libyens: la Banque africaine d´investissement, avec siège à Tripoli; la Banque centrale africaine, siège à Abuja (Nigeria); le Fonds monétaire africain, siège à Yaoundé (Cameroun). Ce dernier, avec un capital programmé à plus de 40 milliards de dollars, pourrait supplanter en Afrique le Fonds monétaire international, qui a, jusqu´à présent, dominé les économies africaines, en ouvrant la voie aux multinationales et aux banques d´investissements états-uniennes et européennes. En attaquant la Libye, les alliés essaient de couler les organismes qui pourraient un jour rendre possible l´autonomie financière de l´Afrique. En conclusion, quand il y a un incendie chez ton voisin, il faut prendre les mesures les plus adéquates pour combattre ce feu à la racine. Car le «nouveau-né, collaborateur de CNT», a montré ses cartes contre l´Algérie au nom de la démocratie que veulent les Occidentaux.
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