Nicolas Delaunay Agence France-Presse La Haye |
La Cour pénale internationale a annoncé lundi la délivrance d'un mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité contre le colonel Mouammar Kadhafi, le second chef d'État poursuivi par la CPI, après le président soudanais Omar el-Béchir «La chambre délivre, par la présente, un mandat d'arrêt contre Mouammar Kadhafi», a déclaré la juge Sanji Mmasenono Monageng, lors d'une audience publique à La Haye.
«Il y a des motifs raisonnables de croire que (...) Mouammar Kadhafi, en coordination avec son cercle rapproché, a conçu et orchestré un plan destiné réprimer et à décourager la population qui était contre le régime», a souligné la juge.
Les juges ont également lancé des mandats d'arrêt contre le fils du colonel Kadhafi, Seif Al-Islam, et le chef des services de renseignements libyens, Abdallah Al-Senoussi, comme l'avait demandé le procureur Luis Moreno-Ocampo dans une requête déposée le 16 mai.
L'annonce des mandats d'arrêt intervient au moment où la campagne de bombardements des pays membres de l'OTAN pour aider les rebelles libyens dure depuis cent jours et où le conflit s'enlise, le colonel Kadhafi étant toujours au pouvoir.
Moummar Kadhafi, son fils Seif Al-Islam et son beau-frère Abdallah Al-Senoussi sont soupçonnés par le procureur de meurtres et de persécutions constitutifs de crimes contre l'humanité commis par les forces de sécurité sur la population civile libyenne depuis le 15 février, notamment à Tripoli, Benghazi et Misrata.
La révolte en Libye a fait des milliers de morts, selon le procureur de la CPI, et entraîné la fuite à l'étranger de près de 650.000 Libyens et le déplacement à l'intérieur du pays de 243.000 autres, selon l'ONU.
Au nom de l'Afrique, le président sud-africain Jacob Zuma avait haussé le ton dimanche face à l'OTAN, soulignant qu'elle n'avait pas été mandatée par l'ONU pour conduire «l'assassinat politique» de M. Kadhafi.
Sur le terrain, selon un correspondant de l'AFP sur place, les rebelles se trouvaient toujours lundi à une cinquantaine de kilomètres de Tripoli.
Selon le chef de la diplomatie française Alain Juppé, «des contacts ont lieu» entre représentants du régime libyen et rebelles, portant notamment sur le sort du colonel Kadhafi, qui refuse de quitter le pouvoir.
Saisi par le Conseil de sécurité des Nations unies le 26 février, soit deux semaines seulement après l'éclatement de la révolte en Libye, le procureur de la CPI avait ouvert son enquête le 3 mars.
«Les preuves démontrent que Kadhafi a conçu un plan pour réprimer les manifestations populaires de février par tous les moyens, dont l'utilisation de violence extrême et meurtrière», affirme M. Moreno-Ocampo dans sa requête.
Seif al-Islam, 39 ans, «Premier ministre de facto», et Abdallah Al-Sanoussi, 62 ans, «bras droit» du colonel Kadhafi, ont «joué un rôle clé dans la mise en oeuvre de ce plan», selon M. Moreno-Ocampo.
Les trois hommes sont, estime-t-il, «criminellement responsables des meurtres, arrestations, détentions, disparitions et mauvais traitements contre des manifestants non armés et des dissidents présumés commis par les forces de sécurité libyennes depuis le 15 février».
Un seul chef d'État en exercice, le président soudanais Omar el-Béchir, fait jusqu'ici l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI. Recherché pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre au Darfour (Soudan), M. Béchir ne reconnaît pas la compétence de la Cour, qu'il défie régulièrement.
Entrée en fonction en 2002, la CPI ne dispose d'aucune force de police propre et dépend de la volonté des États pour l'exécution des mandats d'arrêt.
La Cour a compétence en Libye en vertu de la résolution du Conseil de sécurité du 26 février, ce que contestent les autorités libyennes qui affirment ne pas être «concernées» par ses décisions, n'ayant pas ratifié le statut de Rome, son traité fondateur.
La CPI est le premier tribunal international permanent chargé de poursuivre les auteurs présumés de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
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