mercredi 17 octobre 2012

Iran: le scénario d'une frappe limitée et rapide menée par Israël et les Etats-Unis


Barack Obama au téléphone avec Benjamin Netanyahou, le 28 septembre 2012. REUTERS/Pete Souza/The White HouseIsraéliens et Américains travaillent à une attaque qui a de bonnes chances de décourager les Mollah –et de désamorcer les attaques de Mitt Romney.

Lors du discours intitulé «L’Espoir n’est pas une Stratégie» (en référence au slogan «Hope» utilisé lors de la campagne de 2008 par les partisans d’Obama) et prononcé au Virginia Military Institute, le challenger républicain Mitt Romney a concentré ses attaques sur l’instabilité actuelle du Moyen-Orient, qu’il tient pour la démonstration de l’échec de la politique étrangère du président Barack Obama.
Dans ce discours, Mitt Romney a même enfoncé le clou en affirmant qu’al-Qaida reprend du poil de la bête –en d’autres termes que la mort d’Oussama ben Laden, pour satisfaisante qu’elle ait été émotionnellement, n’a pas changé la donne dans la région, contrairement à ce que l’administration Obama avait pu déclarer alors.

Mais les Républicains ont également critiqué Obama pour son incapacité à interrompre la course à la bombe nucléaire menée par l’Iran, un sujet que Romney a repris dernièrement à son compte.
Quelques heures avant le discours de Romney au VMI,  son conseiller (néoconservateur) aux Affaires étrangères, Dan Senor, a affirmé dans l’émission Morning Joe, sur MSNBC qu’il avait fallu contraindre Obama à prendre des décisions plus musclées à l’encontre de l’Iran –ces mêmes mesures que l’administration Obama vante, car elles commencent à donner des résultats.

Une opinion publique lasse

Senor a fait remarquer que tant le secrétaire du Trésor (le ministre des Finances, NdT), Timothy Geithner que l’ancien secrétaire d’Etat (ministre des Affaires étrangères, NdT) adjoint James Steinberg se sont prononcés contre le soutien de la majorité des Républicains et des Démocrates du Congrès aux sanctions, au motif que de telles sanctions auraient des effets négatifs pour l’économie américaine et mondiale.
De nombreuses questions sont en effet posées. Malgré les assurances régulières du président que l'Iran ne se verra pas offerte la possibilité de développer l’arme nucléaire, et que la force pourrait être employée à cet effet, toute prise de décision complexe, coûteuse ou potentiellement très risquée est difficile à faire passer auprès d’une opinion publique américaine lasse des guerres d’Irak et d’Afghanistan.
Surtout, de nombreux analystes ont affirmé que les probabilité de succès de frappes militaires contre l’Iran sont assez faibles. Enfin, le désaccord public entre Israël et les Etats-Unis à propos de l’Iran laisse à penser que Washington traîne les pieds et que les Israéliens pourraient bien être contraints d’agir seuls car ils n’espèrent pas la moindre aide américaine.
Malgré les disputes et querelles qui ont précédé la récente réunion des Nations unies, les responsables israéliens et américains ont affirmé qu’en coulisse, les deux camps en étaient récemment arrivés aux mêmes conclusions.

Une opération de «quelques heures»

Si l’on ne peut véritablement parler d’un accord sur ce qui pourrait constituer une «ligne rouge» –un signe des progrès iraniens dans le domaine du nucléaire qui pourrait provoquer une réaction militaire– l’option militaire dont les Israéliens se font les avocats semble bien plus limitée et bien moins risquée que celles qui ont été publiquement évoquées et débattues.
De fait, selon une source proche des discussions, l’action que les participants considèrent comme la plus probable est une frappe «chirurgicale» américano-israélienne contre les sites d’enrichissement nucléaires iranien.
Cette attaque pourrait ne durer que «quelques heures» dans le meilleur des cas et ne durerait de toutes façons pas plus «d’un jour ou deux» selon cette source, et serait conduite depuis les airs avec des bombardiers et un soutien de drones.
Les avocats de cette approche affirment qu’elle serait à la fois plus acceptable politiquement aux Etats-Unis et que si elle se soldait par une réussite –et provoquait donc la destruction des usines d’enrichissement de l’uranium en faisant reculer le programme nucléaire iranien de plusieurs années, sans faire de pertes civiles– elle aurait également des conséquences bénéfiques dans toute la région.

Des conséquences bénéfiques

Un de ses partisans affirme que «la donne serait changée: cela permettrait de sauver l’Irak, la Syrie, et le Liban, de réanimer le processus de paix, de sécuriser le Golfe persique et d’envoyer un message clair à la Chine et à la Russie tout en assurant la mainmise des Etats-Unis sur la région pour les dix années à venir».
Si une telle approche limitait les coût négatifs associés d’une intervention plus longue, elle ne peut être une entreprise exclusivement israélienne. Pour détruire les installations iraniennes, profondément enfouies dans le sol, comme l’usine d’enrichissement de Fordo, il faut utiliser des armes perforantes dans des quantités qu’aucun avion israélien n’est capable de transporter. Cette mission doit donc impliquer les Etats-Unis, qu’ils agissent seuls ou de concert avec les Israéliens ou d’autres.
Quel rapport avec le discours de Romney, me direz-vous?
S’il devient clair que l’option première d’intervention face à l’Iran se limitera à une frappe «chirurgicale» et limitée, la menace américaine d’employer la force apparaît soudain bien plus crédible. Si cette menace est plus crédible –car le président semble prêt à prendre un risque de ce genre– elle aura également pour second bénéfice de fournir à la diplomatie américaine le levier dont elle a besoin.
En d’autres termes, l’idée d’une frappe limitée donne davantage de leviers d’action que la menace d’une attaque plus massive dont on sait qu’elle risque bien de ne pas avoir lieu.
En gardant cela à l’esprit et au vu du rapprochement des Américains et des Israéliens ces dernières semaines, la meilleure manière, pour Obama, de désamorcer les critiques de Romney à propos de l’Iran consiste sans doute à communiquer davantage sur les options qu’il envisage. Ce n’est pas l’ampleur de la menace, mais la probabilité qu’elle se réalise qui fait d’une menace militaire un outil efficace sur le plan diplomatique. Et peut-être aussi sur le plan politique...
David Rothkopf
Traduit par Antoine Bourguilleau
slate.fr

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