jeudi 15 novembre 2012

Gaza: punir le Hamas pour affaiblir le Djihad islamique


En assassinant le chef militaire de l'organisation islamiste, Israël rend aussi service à l'Egypte et aux dirigeants politiques du Hamas.A Gaza, le 15 novembre. REUTERS/Suhaib Salem


Comme le disait le président Shimon Pérès, il y a une «limite à ce que peut endurer le pays». A quelques semaines des élections législatives, Benjamin Netanyahou ne pouvait pas laisser passer les tirs de missiles sur le sud d’Israël sans réagir. Sa décision de laisser les mains libres à l’armée est significative d’un changement de stratégie vis-à-vis du Hamas qu’il rend responsable de la réactivation du front sud alors qu’il est notoire que le véritable coupable est le Djihad islamique, équipé, armé et financé par l’Iran.

En fait, Israël ne cherche pas une déflagration totale de la région mais renoue avec les éliminations ciblées qui servent d’avertissement aux belligérants et qui ont pour but de désorganiser les militants à Gaza. En ciblant Ahmed Djabari, chef du bras armé du Hamas et organisateur du rapt du soldat israélien Gilad Shalit, il lui semblait nécessaire de briser la motivation des groupes terroristes. La symbolique du chef est grande chez les islamistes.


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Mais Israël voulait aussi que cesse le double jeu du Hamas dont le discours politique est parfois apaisé et qui dans le même temps a une activité militaire intense et n'a de cesse de renforcer ses moyens, ses structures et d'élargir ses alliances. D’une part, il cherche à mieux faire fonctionner l'économie de Gaza pour cesser de désespérer la population et élever son niveau de vie, notamment grâce aux dollars du Qatar. Et d'autre part, il tolère, laisse faire ou ne se donne pas les moyens d'empêcher des actions terroristes qui auront pour conséquence à terme de mettre en danger l'amélioration de la situation économique et les infrastructures financées de l'extérieur.
Les multiples ennemis de Djabari

La double nature du Hamas, une organisation islamique terroriste et un pouvoir contraint au pragmatisme, lui a permis de prendre le pouvoir et de s'y maintenir, mais elle est aussi un handicap. C'est ainsi qu'Ahmed Djabari est l’homme qui a fait Ismaël Haniyeh (le chef du Hamas) roi. Fort de ses troupes bien armées et bien organisées, il s'est imposé auprès de la direction politique du Hamas et transmettait ses directives aux chefs de l'organisation qui restaient sous ses ordres, ou du moins sous le contrôle des Brigades Azzedine Al-Quassam.

Il s’est ainsi fait beaucoup d’ennemis à la fois parmi les militants du Djihad islamique qui veulent d'une guerre ouverte permanente avec Israël et aussi parmi les proches de Haniyeh qui voyaient leurs plans pacifiques et de développement remis en question.

Ahmed Djabari venait d’annoncer, avant d'être assassiné, qu’il entrait dans la clandestinité tant il craignait les représailles aux dizaines de tirs de missiles qui se sont succédés depuis plusieurs jours sur le sud d’Israël. Mais son élimination prouve qu’il existe autour de lui des collaborateurs prêts à risquer leur vie pour informer les services israéliens de son emploi du temps et de ses itinéraires. A moins qu’il ne s’agisse de concurrents proches des milieux du pouvoir islamique, lassés par la grande place qu’il occupait.
Netanyahou ne craint pas la réaction égyptienne

Quant à Benjamin Netanyahou, il a voulu punir le Hamas, qui règne en maitre dans la bande de Gaza, en décapitant son chef, pour n’avoir pas réussi à canaliser et à tempérer les tireurs du Djihad.

Ce faisant, le Premier ministre israélien ne semble pas craindre une réaction violente du président égyptien Mohamed Morsi porté au pouvoir par les Frères musulmans très proches du Hamas. Au-delà des discours obligés, Mohamed Morsi combat avec la même détermination les éléments du Djihad qui sèment le trouble dans le Sinaï. Le Hamas souhaiterait que l’Egypte intervienne pour changer les règles du jeu. Mais les forces égyptiennes ont été mises en état d’alerte à la frontière entre l’Egypte et Gaza. La fréquence des patrouilles blindées a été accrue tandis que les tunnels ont été fermés.

Le président égyptien s’est en fait contenté du service minimum en sermonnant aussi l'ambassadeur d'Israël au Caire pour protester contre l'attaque israélienne à Gaza et en rappelant pour consultations son ambassadeur en Israël, en réaction à la poursuite des hostilités.

Evidemment, le Conseil de sécurité de l'ONU a fait preuve de son zèle habituel en se réunissant en urgence, en pleine nuit, pour la dizaine de morts à Gaza alors qu’il ferme les yeux sur la centaine de morts quotidienne en Syrie. Certains cadavres n’ont effectivement pas le même poids politique à New York. Ismaël Haniyeh, que l'on a peu vu dans les médias, n'a pas réagi immédiatement. Hésitation sur l'attitude à adopter ou crainte pour sa vie en s'exposant en public?

S'il persistait dans sa volonté de mettre de l'huile sur le feu, il contraindrait Israël à augmenter les frappes et éventuellement à envisager une opération terrestre. Si son objectif est d'atteindre Tel-Aviv avec ses missiles, alors le conflit prendrait une autre dimension car le Premier ministre israélien et le ministre de la Défense ne pourraient prendre le risque de compromettre le capital politique acquis durant ces dernières années et de perdre les élections.

Mais il ne semble pas qu’Israël veuille envenimer la situation sauf à riposter aux tirs de missiles par l’intermédiaire de l’aviation. La ligne rouge semble être les tirs de missiles sur la périphérie de Tel-Aviv. Le Hamas, qui s’est engagé dans une opération de reconstruction de la bande de Gaza, n’est pas prêt à remettre en question son choix. Et débarrassé de l’homme fort qui lui faisait ombrage, il n’est pas impossible qu’Ismaël Haniyeh cherche aussi avec l’aide des Egyptiens à calmer le jeu avec Israël et à mettre à la tête des Brigades Al-Quassam un chef issu de son sérail, capable de pacifier le Djihad ou du moins de le neutraliser.

Jacques Benillouche (Slate.fr)
Journaliste indépendant (Israël). Jacques Benillouche tient un blog, Temps et Contretemps.

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