samedi 1 décembre 2012

Arafat, Litvinenko: pourquoi les assassins se servent-ils du polonium?

Portrait d'Arafat, à Ramallah en 2007. REUTERS/Eliana Aponte.

Le corps de Yasser Arafat a été rapidement exhumé mardi, pour permettre à des experts médicaux de tenter de déterminer s'il a été empoisonné.
La veuve d'Arafat, Souha, avait demandé l'ouverture d'une enquête pour meurtre et de fortes concentrations de polonium-210 ont été retrouvées sur certains effets personnels du leader palestinienLes lecteurs de l'Explication nous ont envoyé une série de questions sur le polonium, nous y répondons ci-dessous.

1.Pourquoi les assassinats politiques impliquent-ils si souvent le polonium?

Parce qu'il suffit d'une toute petite quantité pour que l'empoisonnement soit fatal.
Le polonium-210 est extrêmement toxique, et relativement facile à introduire clandestinement dans un pays parce son rayonnement n'est que que de courte distance.
Mais si l'assassin ne veut laisser aucune trace de son crime, c'est loin d'être son meilleur choix. Contrairement à d'autres poisons, le polonium-210 est facilement identifiable et peut laisser une trace radioactive jusqu'au coupable.
En tant qu'agent meurtrier, son utilisation n'est logique que si vous avez autre chose à signaler. En un sens, le produit fait office de carte de visite vu qu'on sait que seule une poignée d’Etats importants, dont Israël, les Etats-Unis et la Russie, possèdent des stocks de polonium-210 conséquents, et que les entités privées doivent passer par une autorisation gouvernementale pour en acquérir de petites quantités.
La popularité du polonium-210 en tant qu'agent meurtrier est sans doute surestimée du fait d'un seul cas dramatique. En 2006, à Londres, Alexandre Litvinenko avait lentement succombé à un empoisonnement au polonium-210. Avant de mourir, l'ancien agent du KGB avait accusé Vladimir Poutine d'avoir ordonné son assassinat. Pour l'instant, Litvinenko est le seul cas d'empoisonnement délibéré au polonium touchant une personnalité de premier ordre.

2.D'où vient le polonium-210? 

Du bismuth. Quand on le bombarde de neutrons, l'élément bismuth absorbe l'un de ces neutrons pour devenir le bismuth-210, un élément radioactif. En cinq jours, l'atome de bismuth subit une désintégration bêta. Le neutron devient un proton, un électron et un antineutrino, et ces deux dernières particules finissent par quitter le noyau.
Le résultat de ce processus est le polonium-210. Les réserves mondiales en polonium-210 sont produites par un réacteur nucléaire situé au centre de la Russie, près de la ville de Tcheliabinsk.
Le polonium-210 est aussi présent naturellement dans l'environnement, car il est un produit de la désintégration de l'uranium.

3.Qu'est-ce qui tue dans le polonium-210?

Ses irradiations. Le polonium-210 est un prolifique émetteur de puissantes particules alpha, et il est 5.000 fois plus radioactif que le radium. Après un premier impact, les rayonnements alpha perdent quasiment toute leur énergie, ce qui fait que l'exposition à des sources externes n'est pas mortelle, en général. Mais si la substance pénètre le corps, elle endommage la moelle épinière, cause des saignements de nez, des hématomes et la perte des cheveux.
Quand de fortes dosent circulent dans le corps, elles irradient les tissus et tuent parfois la victime. Les images d'Alexandre Litvinenko, qui aurait été empoisonné par du polonium-210 dissout dans son thé vertsont une démonstration dramatique des effets externes d'un empoisonnement au polonium, avec la perte des cheveux et un jaunissement de la peau.

4.S'il a vraiment été empoisonné, le polonium-210 pourrait-il encore être décelable dans le corps d'Arafat, après huit ans passés dans son mausolée? 

C'est possible. La radioactivité d'un échantillon de polonium-210 diminue de moitié tous les 138 jours, ce qui fait que les enquêteurs devront chercher environ deux millionièmes de la dose d'origine.
Mais si Arafat a été exposé à une dose létale, les tests pourront peut-être en détecter des traces. Il faudra probablement plusieurs mois avant que les autorités n'obtiennent les résultats.
Brian Palmer
slate.fr

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