jeudi 14 janvier 2016

Où en est la Tunisie cinq ans après le départ de Ben Ali ?

Ce jeudi 14 janvier marque le cinquième anniversaire du départ de l’ex-président Zine el-Abidine
Ben Ali durant la Révolution tunisienne. Comment les choses ont-elles évolué depuis ce jour historique ? Où en est la Tunisie aujourd’hui sur le plan politique, sécuritaire et économique ? Eléments de réponse dans cet article.


Que devient Ben Ali ?


Le 14 janvier 2011, le président Zine el-Abidine Ben Ali et sa famille quittaient abruptement la Tunisie. Ils trouvent refuge à Djeddah, capitale de l’Arabie Saoudite, où ils vivent encore jusqu’à ce jour.
Cinq ans plus tard, Ben Ali n’a toujours pas fait la moindre apparition publique, et toutes ses déclarations se sont faites par le biais de son avocat. L’ex président tunisien a été à plusieurs reprises condamné par contumace à la perpétuité par la justice tunisienne pour la mort de manifestants au cours de la « Révolution de jasmin » à la fin de l’année 2010 et début 2011. Ben Ali a par ailleurs été condamné à de longues peines de détention notamment pour corruption, abus de pouvoir et détention de stupéfiants. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, mais les autorités saoudiennes se refusent d’appliquer son extradition.

Un chemin sinueux vers la démocratie

Le chemin traversé par la Tunisie depuis le départ du président Ben Ali aura été long et jonché de défis. L’Assemblée constituante, élue en octobre 2011, était censée rédiger une nouvelle Constitution en une année, mais elle dépasse largement ce délai. Les assassinats de Chokri Belaïd (en février 2013) et Mohamed Brahmi (en juillet 2013), conduisent la Tunisie dans une situation critique. Pour résoudre la crise grave que traverse le pays, un dialogue national entre les partis au pouvoir et l’opposition est organisé sous l’égide d’organisations de la société civile : l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), le Conseil de l’Ordre national des avocats de Tunisie et la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH). Ces quatre entités seront connues sous le nom de Quartet du dialogue national tunisien.

L’action du Quartet mènera en janvier 2014 à la démission du gouvernement du parti islamiste Ennahda et son remplacement par un gouvernement de technocrates. Surtout, la nouvelle Constitution tunisienne est ratifiée et les dates des élections législatives et présidentielles sont fixées pour la fin de l’année 2014, qui aboutissent à l’élection de Béji Caïd Essebsi au poste de président et de son parti Nidaa Tounes. Les efforts du Quartet auront été récompensés par un Prix Nobel de la Paix en octobre 2015.

Une situation politique trouble

Cinq ans après le départ de Ben Ali, la situation politique de la Tunisie paraît aujourd’hui trouble. Nidaa Tounes, parti sorti grand vainqueur des élections législatives l’an dernier, et créé par Béji Caïd Essebsi, fait l’objet d’une scission. La faction sécessionniste est dirigée Mohcen Marzouk, un des fondateurs du parti. Cette faction reproche à Hafedh Essebsi, fils du chef de l’État, de faire main basse sur le parti et la tentative de rapprochement avec le parti islamiste Ennahda. En conséquent, une trentaine de députés a démissionné de Nidaa Tounes, permettant ainsi à Ennahda de devenir le premier parti au Parlement. Une situation politique tragique pour un pays qui a tant lutté dans sa quête pour la démocratie.

Un terrorisme meurtrier

En plus d’être le pays dont proviennent le plus grand nombre de djihadistes en Syrie, la Tunisie doit faire face à la menace terroriste qui a émergé sur son propre territoire depuis près de trois ans. La première attaque d’envergure a eu lieu en juillet 2014 lorsque quinze soldats ont été tués lors d’un assaut terroriste mené à l’heure de la rupture du jeûne durant le Ramadan.


En mars 2015, 22 personnes dont 21 touristes étrangers perdent la vie lors d’une attaque terroriste au Musée du Bardo de Tunis. Il s’agissait de la première attaque revendiquée par l’État islamique. En juin 2015, la Tunisie subit l’attentat le plus grave de son histoire récente lorsqu’un daechiste tue 38 personnes sur une plage près de la ville de Sousse. En novembre dernier, un attentat-suicide contre un bus de la sécurité présidentielle en plein centre de Tunis avait fait douze morts. Une fois encore, l’État Islamique revendique l’attentat.

Pour soutenir la Tunisie face à la menace terroriste, les États-Unis ont décidé en avril 2015 de multiplier par trois son aide militaire, et de l’aider dans la formation de ses troupes. L’aide américaine s’est située en 2015 aux environs de 180 millions de dollars. La Tunisie a également obtenu le statut d’allié majeur hors-OTAN, un privilège rare accordé qu’à une quinzaine de pays dans le monde qui permet aux pays concernés d’avoir accès à une coopération militaire renforcée avec les États-Unis, notamment dans le développement et l’achat d’armements.

Une économie en grande difficulté

Le terrorisme a eu un impact négatif énorme sur l’industrie du tourisme en Tunisie, principale activité économique du pays. La Tunisie, qui n’était déjà pas épargnée par le chômage et les inégalités sociales du temps de Ben Ali, se retrouve désormais au cœur d’une crise économique. Le pays est très endetté. Lors des quatre années ayant suivi le départ de Ben Ali, la dette publique tunisienne a augmenté de 58%, passant de 12 à 19 milliards d’euros, représentant  67% du PIB tunisien. Le taux de chômage officiel est quant à lui au-dessus de 15%, et le service de la dette représente un sixième du budget de l’État tunisien pour 2015. Il est d’ailleurs le premier poste budgétaire de la Tunisie devant le ministère de l’Éducation.

Signe des temps difficiles, la Tunisie a été contrainte de faire appel à des organismes internationaux afin de leur demander un prêt. Ainsi, la Banque mondiale a annoncé en octobre l’octroi d’un prêt de 500 millions de dollars à la Tunisie pour faire face aux répercussions économiques des récents attentats et soutenir les avancées des réformes actuelles. Le FMI a lui aussi été sollicité en 2013 mais aussi en septembre dernier afin d’octroyer à chaque fois une ligne de crédit à la Tunisie d’un montant d’1.7 milliard de dollars.

Quid de la relation Algérie-Tunisie ?

Tout au long de ces cinq dernières années, l’Algérie a fait preuve d’un indéfectible soutien à la Tunisie, que ce soit face aux difficultés économiques ou au terrorisme qui affectent la Tunisie. En 2011, peu après la chute de Ben Ali, l’Algérie a accordé une première aide financière de 100 millions de dollars à la Tunisie (dont 10 millions sous forme de don). En 2014, c’était une aide financière d’environ 250 millions de dollars que l’Algérie a accordé à la Tunisie, un montant qui était appelé à être revu à la hausse selon le ministère des Affaires étrangères Ramtane Lamamra.

Sur le plan sécuritaire, en novembre dernier encore, dans le sillage de l’attentat à Tunis contre le bus de la sécurité présidentielle, le président Bouteflika a assuré une nouvelle fois au peuple tunisien de l’entière solidarité et soutien de l’Algérie, et de sa coopération pour exterminer le terrorisme.


 jeudi 14 janvier 2016 | Par Yacine Babouche | Actualité
© Reuters© REUTERS

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