samedi 29 janvier 2011

Comment la presse israélienne et américaine voient la révolution égyptienne


PAR DAIKHA DRIDI    SAMEDI, 29 JANVIER 2011 14:53   PDFImprimerEnvoyer


Après Benali, est ce le tour de Moubarek de dégager?

Si le Washington Post appelle solennellement le gouvernement américain à lâcher Moubarak immédiatement, le New York Times fait mine de croire que ce dernier peut encore sauver les meubles s’il engage des élections libres rapidement. Les journaux israéliens, quant à eux, tels le YediothAhronoth ou le Jerusalem Post, cèdent à la panique et se montrent ouvertement inquiets de voir Moubarak tomber.



«Quiconque a l’intention d’embarquer, dans un futur proche, dans une aventure touristique égyptienne incluant une paradisiaque croisée sur le Nil et une visite aux Pyramides, devrait le faire, sans craintes. Il n’y a aucune raison de changer de plans (…) l’Egypte n’est pas la Tunisie », écrivait le Yedioth Ahronoth à la veille seulement du soulèvement spectaculaire du vendredi dans toute l’Egypte. Aveuglement ? Arrogance ? Imbécillité ? Bizarrement la révolte populaire égyptienne a pris tout le monde de court. Le journal israélien Haaretz qui a un reporter sur place au Caire ne fait pas beaucoup de commentaires mais rapporte l’instruction ferme donnée par Netanyahou à tous les membres de son gouvernement de ne faire aucun commentaire public sur les événements en Egypte. Et « jusqu’à nouvel ordre, les familles de diplomates israéliens demeureront au Caire », ajoute le Haaretz.

« Il faudra révolutionner la doctrine sécuritaire israélienne »

Et c’est donc sous couvert de l’anonymat qu’un haut officiel de l’armée israélienne confie auYediot Ahronoth qu’un « changement fondamental de gouvernement en Egypte peut mener à une révolution dans la doctrine sécuritaire israélienne ». Pour ce militaire israélien «le traité de paix avec l’Egypte constitue un atout stratégique » et un « changement de régime » obligera l’armée israélienne à « focaliser son attention et d’énormes ressources sur le front égyptien ». Mais, « si la révolution a véritablement lieu en Egypte, les règles du jeu ne changeront pas radicalement forcément, et Dieu nous en préserve, l’Egypte ne deviendra pas forcément un pays ennemi, mais notre attention devra tout de même se tourner de ce côté », conclut-il. LeJerusalem Post quant à lui, dans un long commentaire effrayé fait un inventaire « apocalyptique » des possibles remplacements à Moubarak, et personne ne semble pouvoir le remplacer dans le cœur de l’éditorialiste israélien. En gros, pour le caricatural Jerusalem Post , Mohamed El Baradei a montré des sympathies envers les Frères musulmans, «il est donc leur allié», et ces mêmes Frères musulmans seraient en lien avec Al Qaeda en Egypte, donc il n’y a pas grand-chose à espérer de ce côté. «Il reste le mouvement Kefaya. Un groupe d’intellectuels qui se présentent comme progressistes (…) mais les racines de l’idéologie de Kefaya ne sont pas progressistes, ils sont antisémites et antiaméricains ». Résultat des courses : « La vérité exposée par les événements convulsifs du mois dernier montrent clairement qu’Israel vit dans un voisinage horrible. Un voisinage où démocratie populaire signifie la guerre contre Israel ».

« Il faut rompre avec Moubarak maintenant ! »

Les grands journaux américains eux font montre d’un peu plus de retenue même si leurs inquiétudes pour l’ami israélien filtrent et le New York Times se fait l’écho du dilemme cornélien de l’administration Obama : « L’Egypte avec Moubarak en charge est un allié américain et destinataire de près d’un milliard et demi de dollars annuels. C’est le plus grand pays du monde arabe et le premier à avoir conclu la paix avec Israël. Le Yémen est le foyer de dangereux affiliés d’Al Qaeda et a donné un feu vert aux Etats-Unis d’y pourchasser les extrémistes. Tout cela plonge Washington dans un dilemme, tentant de trouver l’équilibre entre les impératifs de sécurité nationale et sa responsabilité morale de se tenir du côté de ceux qui ont le courage de s’opposer aux dirigeants autoritaires ».

L’éditorial du New York Times conclut que « Moubarak serait beaucoup plus convaincant s’il levait le black-out sur les communications, faisait rentrer ses forces de sécurité et autorisait des candidats crédibles à se présenter cette année à des élections libres ». Et dans un autre article  du New York Times sur le rôle que peut jouer l’armée égyptienne, un analyste affirme : « Lorsque la Tunisie a plongé dans le chaos ce mois-ci, la décision du chef des forces militaires de ne pas tirer sur les manifestants a été un facteur décisif dans le départ du président Zine al Abidine Ben Ali. Personne ne pense qu’un militaire aussi loyal envers Moubarak que le général Tantawi jouera ce rôle, mais à un certain moment, ses subordonnés les plus hauts en grade peuvent considérer cette solution. (Des hauts membres de l’armée égyptienne se trouvaient à Washington dernièrement et ils se sont rués en Egypte lorsque les violences ont éclaté). »

Enfin, c’est le Washington Post qui se montre le moins équivoque et appelle, dans un éditorial solennel, le gouvernement américain à lâcher Moubarak : « Les Etats-Unis doivent rompre avec Moubarak immédiatement », écrit le journal américain, «vendredi des centaines de milliers d’Egyptiens ont fait quelque chose que l’administration Obama et beaucoup d’autres à Washington n’auraient jamais pensé possible : ils se sont soulevés contre leur gouvernement, exigeant la fin de l’autocratie du président Hosni Moubarak. Ils ont submergé les forces de sécurité que Moubarak a déployées pour les réprimer, ils ont défié le couvre-feu nocturne y compris lorsque des unités de l’armée ont été déployées, ils ont brûlé les sièges du parti au pouvoir au Caire et dans d’autres villes. A la nuit tombée, il est devenu clair que seulement deux événements pouvaient mettre fin à leur révolution : un usage massif de la force par l’armée ou le départ de Moubarak du pouvoir. » Et le gouvernement américain devrait, appelle le Washington Post , « utiliser toute son influence – y compris le plus d’un milliard de dollars d’aide aux militaires égyptiens – pour s’assurer que ce soit cette seconde éventualité qui se réalise ».


Aucun commentaire: