lundi 21 février 2011

Lahouari Addi : “Les militaires sont tentés par l’exemple de la Turquie”


Où en est l’Algérie ?
L’Algérie est un échec retentissant : d’énormes réserves pétrolières, plus de 170 milliards de dollars d’excédent budgétaire, et des régions avec 30 à 40 % des jeunes au chômage… Tous ces régimes sont plus ou moins issus des guerres d’indépendance, au pouvoir depuis une cinquantaine d’années. Ils sont minés par la corruption, coupés de la population.
Pourriez-vous dire cela en Algérie ?
Oui, et si vous lisez un journal algérien, vous aurez l’impression d’un pays démocratique… L’Algérie a fait sa révolution en octobre 1988, avec 500 morts, et ensuite l’instauration du multipartisme. Mais, l’armée a repris le pouvoir après les élections de 1991 gagnées par les islamistes…
Car la spécificité de l’Algérie, c’est que le Président n’a aucun pouvoir : Bouteflika a des privilèges, mais tout le monde sait que c’est l’armée qui a le pouvoir, et que changer de président ne sert à rien. C’est en fait une dictature militaire qui utilise les élites civiles pour diriger l’État. C’est pourquoi ce sera plus difficile en Algérie qu’en Tunisie ou en Égypte.
Comment cela peut-il évoluer ?
Les militaires se sont professionnalisés, ils sont tentés par l’exemple de la Turquie : laisser la population élire qui elle veut, même des islamistes, tout en traçant une ligne rouge à ne pas franchir. Cela peut marcher, car le mouvement islamiste a évolué, il est très divers et sa fraction radicale très minoritaire. Si elle a été mise en avant, c’est pour servir de rente au pouvoir.
Et la France qui appelle à respecter la liberté de manifester ?
Les pays occidentaux ont enfin compris que ces régimes corrompus sont une menace pour eux. Voyez l’Algérie : elle dispose d’une richesse faramineuse, mais sa jeunesse continue de vouloir émigrer vers l’Europe. Les gouvernements européens ne veulent plus de cela. Ils ont compris aussi que ces régimes, en interdisant les islamistes, facilitent le développement d’une minorité extrémiste. C’est pourquoi Nicolas Sarkozy a lâché Ben Ali, tout en pensant au régime algérien.
Entretien réalisé jeudi, avant la manifestation
Le Progrès

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