mardi 22 mars 2011

Alger et Moscou pour la «cessation immédiate des hostilités»

L’Algérie estime que la crise profonde qui frappe la Libye s’est aggravée avec l’entrée en lice de puissances occidentales.

 
L’Algérie a décidé de ne pas attendre la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU du 24 mars prochain – qui est destinée à établir une première évaluation de l’application de la résolution 1973 autorisant la communauté internationale à mettre en place une zone d’exclusion aérienne en Libye pour protéger les populations civiles des raids meurtriers de l’armée de Mouammar El Gueddafi – pour demander l’«arrêt immédiat» de l’opération militaire menée actuellement par la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et les Etats-Unis. Le chef de la diplomatie algérienne, Mourad Medelci, a en effet appelé, hier à Alger, lors d’une conférence de presse conjointe animée avec son homologue russe Serguei Lavrov, à «la cessation immédiate des hostilités et des interventions étrangères» en Libye. Motif invoqué : l’Algérie estime que la crise profonde qui frappe la Libye s’est aggravée avec l’entrée en lice de puissances occidentales.
«La crise profonde en Libye s’est aggravée, je dis bien qu’elle s’est aggravée avec l’entrée en action des forces aériennes, que nous jugeons disproportionnée par rapport à l’objectif tracé par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1973», a martelé Mourad Medelci qui a justifié, en outre, cette position par le souci «d’épargner la vie de nos frères libyens et de leur permettre de régler pacifiquement et durablement la crise dans le respect de la préservation de leur unité, leur intégrité territoriale et de leur pleine souveraineté». Le ministre algérien des Affaires étrangères a retenu un autre grief à l’encontre du groupe de pays engagés dans la mise en œuvre de la résolution 1973. Et pas des moindres. Il les a soupçonnés notamment de s’être fixé des objectifs autres que celui initialement arrêté par le Conseil de sécurité de l’ONU. «Il semblerait, selon certains observateurs, que l’objectif ne soit pas seulement un objectif humanitaire mais également un objectif politique. J’espère que cette réunion (du Conseil de sécurité, ndlr) permettra de revenir à l’objectif de base qui est de protéger les civils (…)», a fait savoir Mourad Medelci.
L’appel de Joe Biden à Ahmed Ouyahia
Eu égard à l’évolution de la situation, le ministre des Affaires étrangères a indiqué que l’Algérie associera ses efforts à ceux de l’Union africaine, appelée à se réunir le 25 mars à Addis-Abeba, en Ethiopie, et suit avec un «intérêt certain» les efforts du secrétaire général des Nations unies qui doit réunir le Conseil de sécurité de l’ONU jeudi prochain, pour procéder à une «évaluation objective» de la situation sur le territoire libyen.
M. Medelci a, par ailleurs, confirmé que le Premier ministre, Ahmed  Ouyahia, avait eu un entretien téléphonique avec le vice-président américain, Joe Biden, à la demande de ce dernier. Afin de couper court probablement aux polémiques éventuelles que cet entretien pourrait susciter, il a tenu à rappeler que la discussion entre les deux responsables est intervenue après la réunion de la Ligue arabe du 12 mars dernier et après que l’Algérie se soit exprimée de manière officielle sur la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU.
L’Algérie n’est pas le seul pays à demander un arrêt des opérations militaires en Libye.
La Russie a également appelé, hier, par la voix de son ministre de la Défense, Anatoli Serdioukov, à un «cessez-le-feu immédiat en Libye et à des négociations politiques». «Nous appelons à faire tout ce qu’il faut pour que la violence cesse. Nous sommes sûrs que la meilleure voie pour assurer la sécurité de la population civile est un cessez-le-feu immédiat et le début d’un dialogue», a déclaré M. Serdioukov, lors d’une rencontre à Moscou avec le secrétaire d’Etat américain à la Défense, Robert Gates. La sortie d’Anatoli Serdioukov a quelque peu surpris dans la mesure où le président russe avait donné l’impression, la veille, d’être sur la même ligne que le groupe de pays engagés dans l’application de la résolution 1973 de l’ONU. D’ailleurs, M. Medvedev s’était empressé de remettre à sa place son Premier ministre, Vladimir Poutine, qui avait assimilé l’intervention militaire en Libye à des «croisades du Moyen Age». Mais il semble que Poutine et ses partisans aient eu, au bout du compte, gain de cause. Cette nouvelle donne présage sans nul doute de l’issue de la prochaine réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.

Les avancées «remarquables» des relations algéro-russes

Quoi qu’il en soit, la cacophonie qui a caractérisé, lundi, la position russe concernant le dossier libyen a d’ailleurs contraint, hier, Serguei Lavrov à la prudence. Pour preuve, il a invité les journalistes présents à sa conférence de presse à attendre la réunion du Conseil de sécurité pour connaître la position de son pays sur le conflit libyen et la manière avec laquelle la résolution 1973 est actuellement appliquée. Pis encore, le chef de la diplomatie russe n’avait pas donné l’impression d’avoir pris connaissance de la déclaration de son collègue Anatoli Serdioukov. Néanmoins, il a consenti à dire que Moscou «ne ferme pas les yeux sur les défauts qui existent dans le texte de la résolution» avant d’insister sur l’idée que ses objectifs «consistent à instaurer une zone d’exclusion aérienne et de protéger les populations civiles».

Serguei Lavrov est, rappelle-t-on, arrivé lundi soir à Alger pour faire le point avec son homologue algérien sur la coopération bilatérale et les bouleversements qui affectent actuellement de nombreux pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient.
Le contexte régional, marqué notamment par les développements que vient de connaître le dossier libyen, a eu pour effet, toutefois, de faire passer au second plan les relations algéro-russes. Mais il y a tout de même lieu de signaler que les deux parties ont eu le temps de passer en revue l’essentiel des dossiers qui constituent la colonne vertébrale de leur coopération politique, économique, militaire, universitaire et sécuritaire.

Une coopération qui, selon M. Medelci ainsi que M. Lavrov, a connu des «avancées remarquables» ces six derniers mois. Le ministre russe des AE qui, à l’occasion, a réitéré le «soutien de la Russie au processus démocratique en Algérie» et a condamné les «interventions extérieures», a fait également savoir que ses consultations avec son homologue algérien ont débouché sur «la mise en place d’un calendrier pour travailler sur tous les domaines évoqués».        
Zine Cherfaoui

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