Quand «Zaba», le surnom de Zine El Abidine Ben Ali, a fui la Tunisie le 14 janvier, il a laissé un pays sonné par sa victoire mais libre. Deux mois plus tard, la démocratie tunisienne balbutie et les révolutionnaires sont conscients que le plus dur reste à faire.
Alors que la Libye voisine s'enfonce dans la guerre civile, la «nouvelle Tunisie» qui a donné le «la» dans le monde arabe, a connu en soixante jours crises, morts et soubresauts. Elle a consommé deux premiers ministres et en est à son troisième gouvernement. Rendez-vous est pris le 24 juillet pour les premières élections libres de son histoire depuis l'indépendance, pour choisir une assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle charte et construire la démocratie. Avec «un aller simple», affirme le ministre du Tourisme, Medhi Houas.
Un délai très court, selon les analystes, alors qu'une myriade de partis, certains sans programme, se bousculent au portillon de la démocratie, islamistes compris, pour être légalisés.
Mais avant même de dessiner les contours d'une «deuxième République», il a fallu très vite «dé-benaliser», «renationaliser» une Tunisie privatisée par le couple présidentiel.
Cette «dé-benalisation» est allée aussi vite que Ben Ali s'était attaché à gommer la moindre trace de son prédécesseur Habib Bourguiba après l'avoir déposé le 7 novembre 1987.
Son chiffre fétiche «7» a disparu, tout comme son obsédante et omniprésente couleur préférée, le mauve. «Télé 7» est redevenue «télévision nationale».
Les photos de l'ex-couple présidentiel Zine-Leïla, en Une de la presse tous les jours quoiqu'il arrive, ont fait place à des caricatures. Des rues sont rebaptisées.
Les «hommes du président» ont été arrêtés. Le clan de Leila Trabelsi qui rançonnait le pays, est en fuite ou sous les verrous. Les premières condamnations sont tombées.
Partout, on parle en public sans crainte et beaucoup.
Pendant ces deux mois, les tombeurs de Ben Ali ont maintenu la pression sur leurs nouveaux dirigeants par peur de se voir déposséder d'une victoire arrachée au prix de centaines de morts, lors de l'ultime sursaut répressif du régime aux abois.
Il faut, explique un politicien, «donner des preuves au peuple» que «sa» révolution ne sera pas confisquée.
Symbole des symboles, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le tentaculaire parti-Etat de Ben Ali, a été dissous le 9 mars.
Deux jours plus tôt, la redoutable direction de la sûreté de l'Etat ainsi que la police politique, bras armé du régime qui a mis le pays sur écoutes et en prison, 23 ans durant, ont connu le même sort.
Passés les premiers orages, le calme est revenu, grèves et manifestations ont cessé. Le célèbre «Dégage!» de la révolution a cédé la place au mot d'ordre «Je m'engage» pour remettre le pays au travail.
Patronat et syndicat ont décidé de travailler main dans la main avec les autorités car personne n'oublie que la vague révolutionnaire est montée des profondeurs d'un pays au chômage, loin de Tunis.
Désormais, la question est: que faire de cette révolution et avec qui ?
Des émeutes à Tunis fin février (6 morts) ont fait craindre que la «bête» n'était pas morte.
«Vous croyez qu'il (le RCD) n'existe plus par un coup de baguette magique?», met en garde Yadh ben Achour, patron de la commission de «réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique».
«Le parti est toujours là, partout. Ce sont des personnes vivantes qui vont se recomposer, se ré-infiltrer», martèle-t-il en évoquant les 2 millions d'«adhérents» du RCD, un cinquième de la population.
Personne de ce fait ne se risque à prédire le visage de la future Assemblée et jusque-là, la Tunisie politique, de facto sans Constitution et sans Parlement qui s'est sabordé le 9 février, restera «provisoire».
«La transition est une tâche difficile et risquée mais nous réussirons», a pourtant assuré vendredi le deuxième Premier ministre de la transition, Béji Caïd Essebsi, en «CDD» (contrat à durée déterminée) jusqu'au 24 juillet, tout comme le président Foued Mebazaa.
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