ChroniqueLes drôles d’appuis à Jack | |
| Agence QMI Jacques Lanctôt 29/04/2011 11h00 | |
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Il y a quelques jours, La Presse publiait, dans sa section «Forum», une lettre d’un journaliste pigiste d’origine maghrébine, Abdel Kader Rahli, qui se présente comme un Néo-Québécois arrivé ici il y a cinq ans et qui s’apprête à voter pour la première fois aux élections fédérales. De telles lettres ouvertes doivent procurer une réelle jouissance aux éditorialistes de La Presse.
Il semble qu’en cinq ans, ce nouvel immigrant a pu suffisamment se familiariser avec les subtilités de la politique canadienne et connaître amplement l’histoire du Québec et du Canada pour être en mesure de porter un grave jugement sur le Bloc québécois, qu’il accuse de pratiquer «l’autisme politique». Selon Wikipédia, «l’autisme a une forte base génétique». En serions-nous tous atteints, nous qui avons voté pour le Bloc depuis 1993? Car accuser le Bloc québécois d’autisme politique, c’est accuser tous ceux qui ont voté pour le ce parti. Ça représente beaucoup de monde, M. Kader Rahli. Y a-t-il un médecin dans la salle?
Sait-il vraiment, M. Kader Rahli, notre long combat de plus de 200 ans pour assurer notre survie et pour conserver notre identité? Sait-il que nous sommes un peuple conquis, que de Canadiens nous sommes devenus des Canadiens français pour nous distinguer de l’Anglais qui a pris possession de notre pays? Sait-il que tous les gouvernements fédéraux se sont acharnés, depuis la Confédération, à déraciner notre sensibilité propre. «La culture pancanadienne est une évasion hors de notre québécité : elle s’est délestée de cette solidarité qui fonde les cultures nationales.» (Le canadien français et son double).
Comme l’affirme Jean Bouthillette, l’auteur de ce petit ouvrage remarquable que je recommande à tous de lire et relire et surtout de faire lire à tous les Néo-Québécois, «refus de soi et refuge dans l’universalisme abstrait constituent la trame irrationnelle de notre seconde idéologie traditionnelle, ce pancanadianisme dépersonnalisé qui, sous les extérieurs d’une ouverture à l’Autre et au monde, est secrètement une fermeture à soi. […] Accentuant la précarité de notre condition, c’est au moment où il proclame notre survivance assurée qu’il la met le plus en péril.»
Le Bloc québécois est venu, pour la première fois depuis que je vote au fédéral, changer la donne et donner au peuple québécois la chance de sortir de l’ornière historique et d’exister souverainement dans le concert des peuples de la Terre. Pour la première fois, nous nous sommes rassemblés en une force capable de nous représenter collectivement face à ceux qui veulent scinder notre identité en deux, en parlant faussement de dualité canadienne.
Cette dualité aliénante, M. Abdel Kader Rahli l’exprime bien: «L’immigrant que je suis a choisi le Québec pour la langue et la culture québécoise. Mais j’ai aussi fait le choix d’immigrer au… Canada.» Un Canada idéalement conçu et prêché dans toutes les ambassades canadiennes à travers le monde, où il n’y a soi-disant plus de vainqueurs ni de vaincus, un Canada où règneraient deux cultures, deux langues et un seul peuple, d’un océan à l’autre.
Et c’est là que se situe notre drame, car nous ne contrôlons pas les mécanismes de l’immigration sur notre sol, et il n’y a encore aucune constitution québécoise qui vienne régir les grands paramètres de notre vivre collectif au Québec. De telle sorte que nous invitons bien malgré nous les immigrants à devenir, comme nous, des êtres doubles, des citoyens schizophrènes et confus, ajoutant un peu plus à notre désespoir collectif.
Encore une fois, Jean Bouthillette: «S’assimiler au Québec, ce n’est pas perdre sa langue, c’est se perdre de vue: notre continuité psychologique est brisée. Faisant nôtre le regard que l’Anglais pose sur nous, nous avons perdu notre image, qui a pris le chemin de l’exil intérieur.»
Le NPD de Jack Layton, pour lequel s’apprête à voter M. Kader Rahli, ne changera rien à notre situation et il ne défendra surtout pas nos intérêts, qui sont différents de ceux du Canada. Avec le Bloc québécois, notre silence s’est transformé en cri de ralliement, notre immobilité en agitation. Le Bloc a toujours défendu des causes, notre cause, au nom d’une solidarité indéfectible. Ce n’est pas un luxe. À ce sujet, le mot d’ordre ou le silence — c’est tout comme — de Québec solidaire à voter pour n’importe quel parti sauf le Parti conservateur, en dit long sur l’ambiguïté qu’entretient ce parti au sujet de la question nationale. J’espère qu’on s’en souviendra au moment des élections québécoises, dans deux ans.
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