vendredi 17 juin 2011

Maroc : la nouvelle Constitution va réduire les pouvoirs du souverain

Le roi Mohamed VI, entouré de son fils Moulay El-Hassan (à gauche) et de son frère Moulay Rachid, va présenter le projet de réforme constitutionnelle au peuple marocain.
Le roi du Maroc Mohammed VI a présenté, vendredi 17 juin, lors d'une adresse à la nation, une réforme constitutionnelle très attendue. Le nouveau texte prévoit notamment de réduire certains des pouvoirs politiques et religieux du souverain, ainsi qu'un renforcement des pouvoirs du premier ministre. Le projet de réforme sera soumis à référendum le 1er juillet.
De nouveaux pouvoirs pour le premier ministre. Le nouveau projet de réforme propose notamment un renforcement des pouvoirs du premier ministre, qui deviendra "le président du gouvernement", désormais désigné au sein du parti arrivé en tête d'élections législatives. La politique générale du pays sera, elle, débattue au sein du conseil du gouvernement, qui se tiendra chaque vendredi sans la présence du roi. Jusque-là, seul le conseil des ministres, présidé par le roi, pouvait décider de cette politique.

le premier ministre pourra également dissoudre le Parlement, un pouvoir uniquement réservé au souverain dans la Constitution actuelle, et son pouvoir de nomination est accru (fonctions civiles, entreprises publiques, administrations publiques, etc.).
"La nouvelle Constitution s'annonce extrêmement libérale et démocratique", estimeJean-Noël Ferrié, politologue spécialiste du monde arabe et directeur de recherche au CNRS. Libérale, parce qu'elle devrait comporter de nouveaux droits et créer une Cour constitutionnelle. L'égalité entre hommes et femmes devrait être constitutionnalisée et "la Constitution devrait reconnaître, indirectement, la liberté de conscience", par le biais de références à des conventions et traités internationaux.
Les Marocains pourraient également avoir la possibilité de saisir la Cour constitutionnelle nouvellement créée et ainsi faire progresser leurs droits. Selon Jean-Noël Ferrié, les organisations féministes pourront l'utiliser pour attaquer certaines lois inégalitaires, comme celle qui s'applique en matière d'héritage. Le politologue évoque également la possibilité d'un référendum d'initiative populaire.
Une réforme de la justice. Du côté de la justice, le Conseil supérieur de la magistrature ne sera plus présidé par le ministre de la justice, qui y représentait le roi. "C'est un des moyens par lesquels s'opérerait l'indépendance de la justice", explique Jean-Noël Ferrié. Une indépendance confirmée par les informations obtenues par l'AFP. L'article 107 prévoit que le roi en soit le garant.
Des limites au champ d'intervention du roi comme "commandeur des croyants" vont être posées. Contrairement à son prédécesseur, Mohammed VI n'a jamais fait un usage politique de ce titre. La Constitution devrait acter cette pratique en le réservant explicitement aux seules questions religieuses. "Elle fera bien la différence entre le roi en tant que chef d'Etat, et le roi comme chef religieux", résume Jean-Noël Ferrié. Enfin, le berbère deviendra la deuxième langue officielle du pays, au même titre que l'arabe.
Après l'annonce du roi, un référendum viendra clore le processus en juillet. Pour Jean-Noël Ferrié, ce sera "le véritable test" pour la nouvelle Constitution. "S'il y a une participation aux alentours de 60 %, cela voudra dire que la population soutient fortement la Constitution", estime-t-il. Pour le politologue, il s'agit d'un compromis raisonnable, entre l'ancienne Constitution et les monarchies constitutionnelles européennes : "Nous ne sommes pas dans une situation où le monarque est dénué de pouvoir comme en Espagne ou au Royaume-Uni, mais dans une situation où le roi détient des pouvoirs d'arbitrage."
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Le roi et ses pouvoirs actuels

Mohammed VI a succédé à son père Hassan II en 1999. Diplômé de droit et de sciences politiques, il se dit d'emblée prêt à mener des réformes après les 38 ans de règne sans partage de son père. En 2004, il fait adopter un code de la famille qui donne aux femmes des droits proches de ceux des hommes. Mais les autres réformes, politiques et judiciaires, se font attendre.
Au Maroc, le roi bénéficie de larges pouvoirs. Sur le plan politique, ses pouvoirs sont les mêmes que celui du président de la République en France. Il préside le conseil des ministres, nomme et révoque le premier ministre et le gouvernement. Il peut dissoudre les deux chambres du Parlement. C'est également lui qui dirige la diplomatie du pays et commande les forces armées.
En matière de justice, le roi préside le Conseil supérieur de la magistrature, ce que ne fait plus le président français depuis 2011, exerce le droit de grâce et nomme les magistrats. Enfin, sur le plan religieux, il est le "commandeur des croyants" et la seule autorité religieuse légitime.

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