jeudi 16 juin 2011

EXCLUSIF : Génération Ben Laden, la filière d’Orient

 Ils sont Malaisiens, Philippins ou Indonésiens… et pleurent la mort de Ben Laden. En Asie du Sud-Est, de jeunes radicaux jurent de le venger. De la jungle des Philippines aux geôles indonésiennes, nos reporters ont remonté la piste du réseau asiatique d’Al-Qaïda. Reportage exclusif.
Matthieu MABIN / Régis DESCONCLOIS / Sylvain ROUSSEAU / Vincent LEJEUNE
Le 2 mai 2011, l’histoire s’est écrite à Abbottabad, dans le Nord du Pakistan. C’est là, dans les premiers contreforts de l’Himalaya, qu’Oussama Ben Laden, l’ennemi public numéro un de l’Occident, a été abattu par un commando des troupes d'élite américaines.

Quelques semaines plus tôt, c’est Oumar Patek, l’homme le plus recherché d’Asie, qui a été arrêté à Abbottabad dans le plus grand secret. Cet activiste indonésien est suspecté d’être impliqué dans les attentats commis contre des boîtes de nuit à Bali, en 2002, provoquant la mort de 202 personnes. Oumar Patek serait un élément clé du réseau terroriste de la Jemaah Islamiyah.
Hasard ou coïncidence ? Nous avons donc poursuivi au Pakistan une enquête commencée il y a plusieurs années à travers toute l’Asie du Sud-Est pour traquer les soldats asiatiques d’Al-Qaïda. Nous avons aussi cherché à comprendre, à travers la détermination de centaines de djihadistes, ce sentiment d’injustice et de discrimination si répandu, de l’Afghanistan à l’Indonésie, et dans une grande partie du monde musulman.
Il a fallu gagner la confiance de guérilleros dans la jungle de Jolo, dans le Sud des Philippines. Comme celle de combattants islamistes à Aceh, à l’autre bout de l’Asie, en passant par des réseaux de repentis, de terroristes emprisonnés, de familles de fugitifs, d’experts et de sympathisants.
Nous avons tenté de remonter le fil d’Ariane au cœur du labyrinthe terroriste, souvent sans caméra, au gré des rencontres, des hasards. Il y a eu beaucoup d’entretiens clandestins, de rendez-vous manqués aussi. Nous avons été parfois forcés de contourner les règles, comme pour réussir à s’entretenir avec des terroristes condamnés à la prison à perpétuité, au cœur d’un quartier de haute sécurité pénitentiaire. Il a été nécessaire de forcer la porte de certains personnages clés de ces nébuleuses clandestines. Maintenir surtout, une stricte position d’impartialité, afin de convaincre des repentis de détailler - souvent pour la première fois à la télévision - les rouages d’organisations secrètes et de lever le voile sur leurs actions passées.
Il a aussi fallu pénétrer le cercle très fermé de la "nouvelle génération" terroriste, ces héritiers du djihad bercés par les récits de guerre et d’aventures de leurs aînés, les moudjahidins vétérans d’Afghanistan. Ceux qui avaient quitté leurs villages indonésiens ou philippins pour défendre, l’arme à la main, leurs frères musulmans contre les infidèles. Ils sont encore nombreux, dans ces régions, à vouloir porter le même flambeau.
Lorsque, le 2 mai 2011, le président américain Barack Obama a annoncé la capture d’Oussama Ben Laden, une partie du monde accueillait la nouvelle avec soulagement. Mais cet autre monde, clandestin, que nous avons approché, pleurait un héros et jurait de le venger.

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