lundi 22 août 2011

Algérie- Le changement est inéluctable ! Pourquoi ? Comment ?





Par le Dr Ahmed BenbitourLa Nation est en danger et le pays est à la dérive, sous l’effet de l’accumulation d’un certain nombre de maux qui s’autoalimentent mutuellement, rendant inévitables l’explosion sociale et l’installation de la violence comme seul moyen de règlement des conflits entre individus, entre groupes d’individus et entre groupes d’individus et le pouvoir. Après étude des expériences de l’Algérie, des pays d’Amérique latine, de l’Europe du Sud (Espagne, Portugal, Grèce), de l’Europe de l’Est et de l’Asie, nous pouvons retenir trois hypothèses de travail, fiables :

(I) Le régime algérien travaille à sa propre destruction ; mais avec la rente, le chemin de la dérive est lent. Du fait de la lenteur de ce processus, lorsque le système se détruit, il détruit avec lui toute la société par un mélange détonnant de pauvreté, de chômage chez les jeunes, de corruption et de perte de la morale collective. La perte de la morale collective, c’est une Algérie qui perd ses valeurs humanistes les plus précieuses, connaît un incivisme généralisé, intériorise la violence, la prédation et la corruption comme un mode de fonctionnement normal. La généralisation de la corruption à tous les secteurs d’activité, c’est un cheminement prévisible qui mène au gaspillage des ressources nationales, plus particulièrement, la fuite du capital humain vers l’étranger et l’exploitation irrationnelle des hydrocarbures. Ce cheminement a commencé avec la petite corruption au niveau des bureaucrates et des petits fonctionnaires. Ensuite, c’est la grande corruption qui se manifeste par des scandales financiers lors des passations de contrats de réalisation de projets d’infrastructures, de l’achat des équipements collectifs et de prêts bancaires. C’est alors l’entrée en jeu de hauts responsables et des «nouveaux riches». Ils voudront monnayer leur richesse mal acquise par le maintien du pouvoir entre leurs mains. L’accès au pouvoir, dans un tel système, est le moyen le plus efficace pour l’enrichissement aujourd’hui et demain. C’est alors l’accaparement de l’Etat. La pauvreté, c’est le manque d’opportunité pour utiliser sa force de travail et son savoir-faire pour s’assurer d’un revenu décent. C’est aussi le manque de capacité d’accès à l’école et à la santé. De même le manque de sécurité face à la violence, aux chocs économiques, aux désastres et aux calamités naturelles. C’est enfin, le manque de voix, le manque de pouvoir pour influencer les débats et les décisions ainsi que le contrôle et l’allocation des ressources.
(II) Le changement pacifique recherché ne peut venir de l’intérieur du système, ni des institutions officielles entièrement soumises au contrôle du pouvoir en place (Parlement, partis politiques de l’Alliance ou de l’opposition), ni de la société civile telle qu’elle a été organisée par le pouvoir (associations satellites transformées en relais durant les périodes électorales). Il ne viendra pas davantage via l’agenda gouvernemental actuel (élections, référendum, assemblée ad hoc…). Le changement ne vient de l’intérieur que dans des situations tout à fait exceptionnelles, où sont réunis trois facteurs : (i) une pression forte et croissante de la société et qui dure (ii) une alliance stratégique des forces du changement (iii) un événement déclencheur.
(III) La décennie 2010-2020 enregistrera la dérive de l’Etat algérien de sa situation actuelle de défaillance vers une nouvelle situation de déliquescence. Un Etat déliquescent est un Etat chaotique, ingouvernable. Face à une telle conviction, le choix est clair :
- ne rien faire et subir le changement avec tous les risques de dérapage, ou bien
- préparer ce changement dans le calme et la sérénité pour placer le pays dans la voie du progrès et de la prospérité. Nous avons choisi la solution de la mobilisation pacifique pour le changement.
Pour réussir le changement, il faut réunir trois facteurs :
- Une pression des citoyens forte, croissante et durable sur le pouvoir en place pour réclamer le changement du système de gouvernance et pas seulement le changement des dirigeants,
- Une alliance stratégique entre les forces du changement pour construire une capacité viable de propositions, de négociations et de mise en œuvre du changement,
- Un événement déclencheur. Les expériences tunisienne et égyptienne de ce début de l’année 2011 permettent de tirer un certain nombre de conclusions qui pourront dessiner les hypothèses fiables pour réunir ces facteurs. Il s’agit de quatre leçons qui définissent quatre hypothèses de travail.
1. Des citoyens réunis avec persévérance en un endroit stratégique de la ville, sans leaders, sans programme politique préétabli et face à des forces de répression importantes, sont capables de faire partir les symboles du régime et en premier lieu le chef de l’Etat. D’où la première hypothèse : quelle que soit l’ampleur des moyens mobilisés pour imposer l’autocratie, les citoyens sont capables d’amorcer le changement et faire partir les symboles du régime.
2. Les dirigeants actuels ne peuvent plus bénéficier du paradis de l’exil. Il y avait l’hypothèse que les dirigeants peuvent quitter le pays en cas de tensions intenables et aller profiter des avoirs qu’ils ont frauduleusement placés à l’étranger. Ceci n’est plus possible, ni pour eux, ni pour leur famille, ni pour leurs collaborateurs proches. De même qu’ils ne peuvent plus bénéficier des soutiens bienveillants des puissances internationales, qui ont fini par comprendre que leurs intérêts se situaient du côté du peuple et non du côté des autocrates. La peur s’est déplacée de chez les citoyens vers les autocrates. D’où la deuxième hypothèse :Les autocrates se trouvent aujourd’hui face à une pression multiple, de la société, de leurs familles, de leurs collaborateurs proches et des puissances internationales.
3. Les expériences tunisienne et égyptienne ont démontré que quelle que soit l’ampleur des gratifications des autocrates en direction des forces armées et des forces de l’ordre, celles-ci s’alignent en dernière instance sur leur peuple et non du côté des autocrates. D’où la troisième hypothèse : les forces armées et les forces de l’ordre se rallieront aux forces du changement immanquablement.
4. Les instruments des nouvelles technologies de l’informatique et des communications NTIC (Facebook, internet …) ont joué un rôle de premier plan dans la mobilisation des citoyens pour le changement et sont accessibles à notre jeunesse en tout temps et en tous lieux. D’où la quatrième hypothèse : les instruments virtuels NTIC sont accessibles à une grande majorité de notre jeunesse et sont un moyen très efficace de mobilisation pacifique pour le changement. Avec ces quatre hypothèses solides parce que construites à partir d’expériences vécues, à savoir la capacité des citoyens à changer le régime, les pressions multiformes exercées sur les tenants du pouvoir, la neutralité positive sinon encourageante des forces armées et des forces de l’ordre et l’accès facile aux instruments nouveaux de mobilisation, nous savons la voie à suivre pour réunir le premier facteur du changement : la pression de la société. Mais il faut bien noter que ces quatre hypothèses nous offrent les moyens d’amorcer le changement, mais pas ceux de le réaliser. Autrement dit, nous savons ce qu’il faut faire pour le départ des symboles du régime, notamment le chef de l’Etat, mais nous n’avons pas encore le mode de gestion du changement. Nous avons la condition nécessaire pour amorcer le changement, mais elle n’est pas suffisante pour le concrétiser. En réalité, une telle fin de règne est très coûteuse pour les autocrates et aléatoire pour le changement. Elle est très coûteuse pour les autocrates : Kadhafi a perdu ses fils dans la bataille, Abdallah Ali Nacer a subi des dommages corporels importants, Moubarak a été humilié par une apparition dans une cage, en face des juges. Tous les autocrates ont vu leurs avoirs, ceux des membres de leurs familles et ceux de leurs proches collaborateurs, saisis à l’étranger. Donc pour leurs propres intérêts et leur propre sauvegarde, ils n’ont aucun avantage à laisser faire et voir la situation sécuritaire leur échapper. Elle est aléatoire pour la réalisation du changement. Dès le début, les autorités en place, après le départ du chef de l’Etat, se trouvent devant un enjeu contradictoire :
- Aller rapidement vers des élections pour installer un gouvernement légitime capable de mettre en œuvre une stratégie du changement ; mais,
- Elles ont besoin de temps pour réaliser un accord avec des forces disparates sur les principes de base qui doivent définir le nouveau système politique. D’où le report des dates prévues pour les élections. C’était le cas aussi bien en Tunisie qu’en Égypte. Plus le temps passe, plus le nouveau gouvernement perd de sa légitimité, plus le danger de s’installer à nouveau dans l’autocratie commence à se répandre à travers la société. C’est alors, le retour à la rue avec des situations de plus en plus chaotiques ! En réalité, le désir des autorités des pays non encore engagés dans le changement de voir l’échec de la mise en place du changement en Tunisie et en Égypte. Mais il faut bien noter que ces difficultés ne sont pas inhérentes au processus du changement imposé par la société. C’est la faute des autocrates qui n’ont pas su aménager une voie de sortie, sécurisée pour eux-mêmes et favorable à la réussite du changement dans l’intérêt du pays. D’où l’importance de la construction du deuxième facteur, à savoir la création des conditions d’alliance entre les forces du changement pour définir une capacité de propositions, de négociations et de mise en œuvre. 
La construction d’alliance s’impose comme une solution viable, parce que :

- Après vingt années de divisions idéologiques qui nous ont dressés politiquement, physiquement, moralement et intellectuellement les uns contre les autres, les blessures sont encore profondes et douloureuses au sein de notre société,
- L’incapacité de courants politiques continuellement divisés à proposer une alternative crédible risque de provoquer la lassitude et la démotivation d’une population fatiguée et désabusée.
- Les tentatives répétées de fractionnement, divisions et manipulations de la part de certaines franges du pouvoir, rendent impossible un travail d’union des forces du changement dans le court terme. Il faut, par conséquent, bien noter que, l’appel à l’alliance ne signifie ni fusion, ni union, mais la mise en commun des moyens de mobilisation pacifique pour le changement. C’est un appel à une coopération «gagnant-gagnant». Les associations et partis participant aux coordinations et alliances conservent leur autonomie. A l’issue de la période de transition, chaque partie sera libre de se lancer seul ou dans des alliances dans les futures compétitions électorales. Quant au troisième facteur, à savoirl’événement déclencheur, il est difficile d’en prévoir l’avènement avec précision. Les conditions de son apparition sont variées. En Indonésie, l’événement déclencheur est intervenu à la suite d’une grève massive des étudiants, à la suite de l’augmentation des prix des produits dérivés des hydrocarbures à la pompe et donc du coût du transport ! Les grèves ont commencé dans les universités à l’intérieur du pays ; puis les étudiants en grève ont convergé vers la capitale. Leur rassemblement par milliers à Jakarta pendant plusieurs jours a fait intervenir le commandement militaire qui a demandé au général Suharto de quitter ses fonctions, après 32 ans d’exercice de pouvoir autocrate. En Espagne, c’était la mort du dictateur Franco. En Tunisie, c’était l’immolation par le feu du jeune Bouazizi. En Égypte, c’était l’exemple tunisien qui a servi de déclencheur à la forte mobilisation. En Algérie, cela aurait pu être les émeutes du 5 Janvier 2011 ; mais les deux autres facteurs, surtout celui de l’alliance stratégique entre les forces du changement, n’étaient pas réunis. Face à ces facteurs du changement, le pouvoir s’appuie sur trois ingrédients :
- La démocratie de façade et la politique du faire semblant pour plaire aux puissances étrangères et tromper l’opinion internationale,
- Le pari sur la division des forces du changement et la faible mobilisation politique de la population,
- L’utilisation de la rente et de la prédation pour acheter la population par des concessions et des mesures démagogiques, en puisant dans les réserves d’hydrocarbures non renouvelables au détriment des générations futures. Mais il faut bien noter que l’autisme du pouvoir d’un côté et le mécontentement grandissant de la société de l’autre, nourrissent la double violence de la rue et des autorités, qui font que la situation peut devenir insoutenable à tout moment. D’où l’urgence et la nécessité de construire les alliances stratégiques entre les différentes forces du changement, afin de prévenir la dérive et le chaos. C’est l’objectif primordial de notre travail à la mobilisation pacifique pour le changement. Pour les autorités en place, le choix est clair :
- Laisser faire et vendre des réformes cosmétiques et alors, ils subiront ce qu’ont subi les dirigeants de Tunisie, d’Égypte, de Libye, de Syrie et du Yémen, en mettant le pays dans le chaos.
- Etre partie prenante de la préparation du changement en négociant avec les forces du changement une feuille de route et un agenda pour la mise en œuvre du changement du système de gouvernance. C’est la concrétisation d’une période de transition.
A. B.

Lettre-programme à tous ceux qui ont à cœur de sauver l’Algérie
La Nation est en danger. Le pays est à la dérive, sous l’effet de l’accumulation d’un certain nombre de maux qui s’autoalimentent mutuellement, rendant inévitables l’explosion sociale et l’installation de la violence comme seul moyen de règlement des conflits entre individus, entre groupes d’individus et entre groupes d’individus et le pouvoir. Attention ce que j’exprime n’est pas mon espoir, mais des prévisions avec beaucoup de fiabilité. Que confirment, d’ailleurs, les événements intervenus dans la région durant cette année 2011. Sans être exhaustif, les principaux maux dont souffre l’Algérie sont :
1- La perte de la morale collective.
Le changement signifie le lancement d’un programme ambitieux d’éducation citoyenne 
pour passer à une société qui repose sur des lois et des règles saines, où les individus se font confiance lorsqu’ils interagissent, où la bonne éducation et le travail sont des atouts de la réussite sociale et individuelle, où la justice prévaut et où la malhonnêteté, le vice et la brutalité sont proscrits comme mode de progression dans la sphère publique et dénoncées et combattues dans la sphère privée.
2-La généralisation de la corruption à tous les secteurs d’activité.
Le changement signifie l’installation d’un nouveau système de transparence 
dans la gestion des affaires publiques. Le système sera mis en place graduellement avec le souci maximum de pédagogie pour permettre à tous de s’y adapter progressivement et à s’y conformer au-delà d’une période de grâce suffisante. Ce n’est qu’après la période de grâce, clairement affichée, que des institutions performantes et non des individus, quel que soit leur niveau dans la hiérarchie de la nouvelle gouvernance, mettront un terme aux défaillances de ceux qui refusent de se conformer aux nouvelles règles de transparence dans la gestion des affaires. La garantie du traitement équitable sera assurée pour tous, dans le seul respect de la loi.
3- La pauvreté.
Le changement signifie la mise en place d’une véritable politique sociale moderne 
à même de mobiliser tous les citoyens autour d’une approche axée sur la lutte contre la pauvreté, la préservation de l’environnement et la justice sociale. Cette politique sociale n’est pas la charité. Elle consiste en une stratégie globale contre la marginalisation en encourageant la participation des pauvres à l’essor économique. Elle passe par un investissement massif dans la santé, l’éducation, les autres services sociaux, afin de libérer le gisement de créativité et de participation économique de nos concitoyens complètement marginalisés aujourd’hui.
4-La pénurie prévisible des ressources naturelles non renouvelables que sont les hydrocarbures.
Le changement c’est une économie compétitive 
qui assure la protection des individus et un développement individuel et collectif harmonieux. Le programme de mise en œuvre de cette économie s’appuiera sur une politique rigoureuse et efficace de transformation du capital naturel non renouvelable (les hydrocarbures) en un capital humain générateur de flux de revenus stables et durables. Cette politique comprend notamment la réallocation d’une partie significative des investissements excessifs actuels dans les infrastructures vers des investissements ciblés dans le secteur productif de biens et de services, mais surtout des investissements de plusieurs milliards de dollars dans les ressources humaines (éducation, savoir, compétences…), afin de promouvoir une génération d’entrepreneurs possédant la capacité de leadership, la moralité, l’intelligence et le jugement, et de former des cadres gestionnaires à tous les niveaux dans les entreprises et l’administration. La relève des cadres dirigeants partant à la retraite doit être assurée en urgence par le biais d’ambitieux programmes de formation et de promotion de la relève, pour compenser la trêve remarquée pendant deux décennies dans la formation des cadres. Cette politique a été suivie avec succès dans les pays émergents qui ont connu cette phase de développement, la Chine notamment. C’est aussi, la constitutionnalisation de l’utilisation des réserves d’hydrocarbures. Je le répète aujourd’hui. Il faut bien considérer que chaque baril ponctionné sur les réserves non renouvelables est, au départ, une perte pour la Nation. Une fois qu’il sort du sous-sol, il ne fait plus partie du patrimoine des générations futures.
5- La dérive d’un Etat défaillant vers un Etat déliquescent.
Le changement, c’est la mise en place d’un système de gouvernance
dans lequel les citoyens puissent s’exprimer et sanctionner, c'est-à-dire où les citoyens ont les moyens d’exiger des comptes de la part de leurs gouvernants et d’en recevoir effectivement. L’année 2011 verra, je l’espère, tous les citoyens algériens prendre conscience que notre salut en tant qu’Etat et nation ne peut venir que d’un système démocratique et d’une forte participation citoyenne aux prises de décision, à tous les niveaux.
6- L’isolement diplomatique dans un monde de plus en plus globalisé,d’une Algérie dépassée et marginalisée, en queue des classements internationaux dans tous les domaines. Le changement, c’est une nation sûre de ses atouts et capable de défendre ses intérêts bien exprimés, bien compris et bien intériorisés dans la course mondiale actuelle. Aujourd’hui, la puissance d’une nation se mesure par sa capacité d’innovation et la qualité de son système éducatif et de son système de formation de managers. A ce titre, l’on peut considérer que les expériences menées ces vingt dernières années par des nations comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, véritables pays continents, dessinent des perspectives de développement dans d’autres parties du monde, à travers des groupements sous-régionaux tels que le Maghreb. Celui-ci, en raison de son appartenance à une culture et à une civilisation communes à l’ensemble des populations qui le composent, peut s’ouvrir globalement sur le monde en cultivant une relation homogène avec les autres pays, au sein d’une organisation adéquate que nous nous appliquons à mettre sur pied. Par ailleurs, notre orientation maghrébine- sahélienne nous offre des opportunités et nous impose des obligations.
7- Le risque de dislocation de la Nation et le partage du territoire. Des forces significatives appellent de plus en plus ouvertement à l’autonomie de certaines régions, voire le partage du territoire. Il faut s’en inquiéter sérieusement. La situation de non gouvernance actuelle conforte la forte probabilité de vivre en même temps la violence sociale et la violence terroriste. C’est alors la trappe de misère permanente et la porte ouverte à la dislocation de l’unité nationale et le danger sur l’unité du territoire. Dans le cas de l’Algérie, et dans l’état actuel des choses, cela interviendra avec la baisse sensible des capacités d’exportations d’hydrocarbures que je situe entre 2018 et 2020. Mais avec le mélange détonnant de pauvreté, de chômage chez les jeunes, de corruption généralisée et de perte de la morale collective, elle peut intervenir à n’importe quel moment. Le changement, c’est la mise en place d’une période de transition pour la sauvegarde de la Nation et la préservation des intérêts des générations futures. Ce sont là, les sept programmes d’urgence sur lesquels doit se construire le changement. De même que les trois dossiers fondamentaux : la refondation de l’école, la refondation de l’Etat, la refondation de l’économie. Si le changement de tout le système de gouvernance est sollicité par la grande majorité des forces vives, comment le réaliser ? Avec l’expérience tunisienne et égyptienne, nous avons le mode opératoire du départ des symboles du pouvoir, notamment le chef d’Etat. Il s’agit de quatre leçons qui définissent quatre hypothèses de travail solides parce que construites à partir d’expériences vécues, à savoir la capacité des citoyens à changer le régime, les pressions multiformes exercées sur les tenants du pouvoir, la neutralité positive sinon encourageante des forces armées et des forces de l’ordre et l’accès facile aux instruments nouveaux de mobilisation, nous savons la voie à suivre pour assurer le départ des symboles du pouvoir. Nous avons le mode opératoire pour faire partir les premiers responsables du régime actuel. C’est certes, une condition nécessaire, mais elle est loin d’être suffisante pour réaliser le changement. Alors, une fois le départ des chefs réussi, comment faire pour réaliser le changement ? En réalité, le changement se fera en deux étapes : celle du départ des symboles du pouvoir en place qui se réalise dans la mobilisation des masses et particulièrement la jeunesse, celle de la réalisation du changement qui nécessite la mobilisation des compétences nationales en symbiose avec les forces de la première phase. Dans cette deuxième étape, la réussite du changement passe par la mise en place d’une période de transition et de sauvegarde selon le programme suivant.
1- Organiser une Conférence Nationale pour le Changement composée des éléments du pouvoir capables de saisir l’opportunité de leur propre sauvegarde et celle du pays d’un côté et des personnalités ayant une présence de caution au sein de la société et disposant d’une respectabilité de l’autre pour le choix d’un Haut Conseil de l’Endiguement de la Crise (HCEC), composé de 5 à 6 personnes, avec pour mission en trois mois :
- Elaborer une feuille de route pour l’endiguement de la crise et la préparation du changement du système de gouvernance.
- Lancer un grand programme de communication pour expliquer la mission du HCEC avec l’ouverture d’un débat à toutes les composantes de la société. Ce programme de communication n’aura de crédibilité que s’il est précédé de la levée effective et non cosmétique de l’état d’urgence, l’autorisation de création de partis politiques nouveaux pour l’implication de la jeunesse dans le travail politique et l’ouverture du champ médiatique avec la possibilité de création de nouvelles chaînes de télévision et de radios en dehors du contrôle du pouvoir.
- Sélectionner et préparer à la nomination les membres d’un Gouvernement pour l’Endiguement de la Crise (GEC) qui aura pour mission, la mise en œuvre des feuilles de route établies par le HCEC et la préparation du changement sur une période de 12 mois. A la fin de la période de trois mois, interviendra la nomination du gouvernement GEC avec des missions rigoureusement consignées dans des feuilles de route pour chaque secteur et bien entendu, les sept programmes ainsi que les trois grands dossiers déjà présentés plus haut. Il aura à préparer pour la fin de la période de sa mission, un référendum sur la Constitution, des élections présidentielles anticipées et des élections législatives. Les membres du HCEC auront pour mission durant ces douze mois, la mise en place d’un système de contrôle de la réalisation des missions confiées au gouvernement GEC. De même la continuation des débats et des consultations avec toutes les catégories de la population pour la rédaction d’un projet de révision de la Constitution qui sera soumis à référendum à la fin de la période des douze mois.
Aux tenants du pouvoir, il faut dire :
- Le train du changement est en marche ; le freiner ou le retarder ne fera qu’aggraver la situation et en premier lieu votre propre salut.
- Le choix est évident : anticiper la catastrophe ou la subir.
- La rente est un moyen de se maintenir au pouvoir qui deviendra bientôt l’accélérateur de sa destruction.
- Vous devez reconsidérer tout le problème du changement à la lumière des derniers événements dans la région et ainsi préparer une sortie honorable.
- Depuis le début 2011, bien des choses ont changé et le monde est de plus en plus en éveil ; la peur est passée du côté des citoyens vers celui des autocrates.
- Les réformes qui n’ont pas été réalisées en douze ans d’exercice du pouvoir le seront-elles en quelques mois ?
- Mais quel est l’homme d’Etat au pouvoir qui est capable de faire entendre raison aux autocrates et leur faire comprendre et accepter la nécessité du changement ?
Aux forces du changement, il faut dire :
- Bien que convaincus de l’inéluctabilité du changement, les tenants du pouvoir ne veulent pas, n’osent pas ou n’ont pas la force morale pour affronter les intérêts puissants qui s’accommodent du statu quo, derrière les rideaux.
- Entre un pouvoir autiste et fermé à toutes les revendications et des forces vives de la Nation décidées à défendre leurs droits à la liberté, le choc est inévitable.
- Le pouvoir s’imagine que par la dilapidation des ressources financières, la corruption et une répression mieux organisée, il peut s’assurer des allégeances et acheter la paix sociale.
- Il est fort probable que si les autocrates ne se ressaisissent pas à temps pour prendre les devants et rechercher avec les forces du changement, des compromis honnêtes et sérieux que nécessitent les circonstances et que commandent les intérêts partagés, la jeunesse maltraitée, humiliée, menacée de perdre son âme, embrase tout le pays, à l’image des incidents du début de cette année 2011.
- Les autocrates semblent vouloir vendre l’idée que l’Algérie est différente des autres pays de la région et que ces revendications répétées ne sont que des remous passagers. Alors en gagnant du temps, ils pourront conserver toutes leurs positions. C’est le sens qu’il faut donner au dernier discours du président de la République.
- Hier la lutte pour l’indépendance s’est appuyée sur le nationalisme au niveau local et sur la décolonisation au niveau international. Aujourd’hui, la lutte pour la libération de l’individu s’appuie sur la citoyenneté au niveau local et sur les droits universels à la liberté et à l’émancipation au niveau international. Les temps, les espaces, les environnements sont différents mais les processus sont les mêmes. Hier, c’était la lutte armée pour chasser l’occupant sourd à toute idée de négociation ; aujourd’hui, c’est le combat citoyen pour changer le système autocrate, répressif, sourd à toute idée de dialogue, par une mobilisation pacifique qui s’exprime dans les marches, les rassemblements, les manifestations et les grèves.
J’appelle tous ceux qui ont à cœur de sauver l’Algérie, quels que soient la position et le lieu où ils se trouvent, quelle que soit l’institution à laquelle ils appartiennent, à se mobiliser, réunir leurs forces pour la réalisation des objectifs tracés dans cette lettre programme dans les plus brefs délais. Nous sommes déterminés à aller dans cette direction, d’autant plus courageusement que le peuple ne croit plus en la sincérité des systèmes de pouvoirs actuels et réaffirme sa conviction que l’heure des réformes de façade est largement dépassée. Plus que jamais, le peuple exige le changement et veut éradiquer les stigmates des malheurs qu’il a endurés. De fait, tout est déjà en place pour assurer la fin de partie pour les gouvernants reniés par leurs peuples. La suite des événements pourra alors s’envisager dans un esprit nouveau, d’ouverture, de justice et de sagesse. Une transition sera instaurée, comme diverses personnalités n’ont pas manqué d’y faire référence. L’heure est certainement grave. Cependant le peuple algérien, comme il l’a déjà démontré, saura y faire face. Il saura surmonter toutes les épreuves et vivre sa modernité dans la sérénité et la liberté ! «Et qui atteints par l’injustice, ripostent.» Coran 39-42.
A. B.

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