Les attentats qui ont frappé aux mois de juillet et août plusieurs régions de Kabylie font remonter à la surface la problématique du nombre de terroristes dont disposerait Al Qaïda au Maghreb islamique. Si les autorités algérienne répètent à l’envi depuis 1997 que le terrorisme est résiduel - c’est au Premier ministre Ahmed Ouyahia que l’on doit cette expression-, les irréductibles du djihad sont loins d’être résiduels.
Au-delà des assassinats individuels, des attentats kamikazes et des kidnappings suivis de rançons qui font mentir la théorie du terrorisme dit résiduel, ce sont les chiffres aléatoires fournis par les responsables, et repris par la presse, qui posent problème.
A l’évidence, depuis au moins neuf ans, différents responsables algériens, civils ou militaires, fournissent plus au moins les mêmes chiffres quant au nombre de terroristes d’Al Qaïda au Maghreb islamique encore actifs : ceux-ci se situeraient entre 300 et 1000.
Le grand écart
Peu importe que l’écart soit grand entre les deux chiffres dès lors que le terrorisme vit son dernier quart d’heure depuis plus de dix ans…
En une décennie de lutte anti-terroriste, de politique de réconciliation nationale, de redditions et de désertions, ce chiffre n’a pas connu de substantiels changements. En octobre 2002, un général algérien (voir ci-dessous) situait à 600 le nombre de terroristes dans le maquis. En juillet 2011 des sources officielles indiquent qu’ils sont entre 1000 et 1500, 20 à 30 % au nord et le reste dans le sud d’Algérie.
Comment ces chiffre sont-ils restés plus au moins les mêmes 11 ans après la politique de la main tendue du président Bouteflika à l’égard des « égarés » ? Comment le nombre de combattants continue-t-il de varier entre « 3000 et 1000 » alors que la presse et les officiels n’ont de cesse d’annoncer redditions, arrestations et éliminations de dizaines et de dizaines de terroristes ?
Al Qaïda continue-t-elle encore de recruter des candidats au djihad alors que, soutient-on, les sources de financements se sont taries, que les terroristes sont affaiblis par les maladies, que les fetwas et autres appels d’ex-émirs ont ébranlé le moral des combattants ?
Al Qaïda continue-t-elle de garnir ses rangs alors que les réseaux de surveillance mis en place par les services de sécurité se sont perfectionnés, que les méthodes de lutte contre le terrorisme se sont affinées, que les moyens engagés sur le terrain ont accru ?
Comptabilité aléatoire
C’est que la lecture des déclarations des officiels algériens durant les neuf dernières années fait peser un sérieux problème de crédibilité tant sur ces officiels que sur nous journalistes.
Certes, il n’est sans doute pas aisé pour ces responsables de faire la comptabilité d’activistes qui évoluent dans la clandestinité, à fortiori dans des ces maquis denses et touffus.
Certes encore, il n’est pas aisé pour les journalistes de vérifier et de recouper les informations fournies tant par des sources officielle que par des « sources sûres » ou « généralement bien informées ».
Mais peut-on continuer de fournir les mêmes estimations durant neuf ans au risque de paraitre, aux yeux de l’opinion, comme de fieffés menteurs ou des manipulateurs, voire des manipulés ?
La comparaison suivante est édifiante. En juin 2009, l’ancien ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, nommé vice-Premier ministre en mai 2010, affirmait que le nombre de terroristes encore actif est d’ « à peine 300 ». Rien que trois cents, disait-il.
1175 terroristes arrêtés ou tués en 2010
En août 2011, le rapport du Département d’Etat américain sur le terrorisme dans le monde indique que 1175 terroristes ont été tués ou arrêtés en Algérie au cours de l’année 2010. Si le chiffre de Yazid Zerhouni était à l’avenant celui du State Department est très précis.
Comment est-ce possible ? En juin 2009, il en restait à peine 300 alors que durant l’année suivante presque le quadruple a été mis hors circuit. Visiblement l’ex- ministre de l’Intérieur radotait sur les chiffres. Mais il n’est pas le seul. Comme le prouvent les déclarations ci-dessous.
Les terroristes d'Al Qaïda par les chiffres :Octobre 2002. Le général Maïza, chef d'état-major de la 1re Région militaire livrait ses chiffres au cours d’un colloque à Alger consacré au terrorisme. Il restait encore 600 terroristes au maquis en 2002 contre 27 000 en 1992, au début de l’insurrection islamistes, affirmait M. Maïza. Parmi les 600, 300 appartenaient au GSPC, 60 au GIA, précisait le général.Décembre 2004. Entretien du patron de la police nationale, Ali Tounsi (abattu en février 2010 dans son bureau à Alger), au quotidien algérien La Tribune : « Personnellement, j'estime le nombre des terroristes encore en activité entre 300 et 500. D'autres parlent de 800. »Septembre 2005. Yazid Zehouni, ministre de l’Intérieur : « 100 terroristes sur les 800 encore dans les maquis activent réellement sur le terrain».Novembre 2006. Encore Zerhouni : « Le nombre de personnes qu’ils (le ministre faisait référence aux groupes armés, NDLR) ont perdues entre prisonniers, tués et repentis, depuis septembre 2005 jusqu’à aujourd’hui, est d’environ 750 à 800, et cela se voit. C’est une perte énorme pour eux. »C’est peu, précisait le ministre, comparé au bilan de la Concorde civile, en 2000. Celui-ci a « permis la mise hors d’état de nuire de 6.000 hommes armés sur un total de 8.000. »Avril 2009. Farouk Ksentini, avocat du pouvoir et président de la commission nationale de promotion et de protection des droits de l'Homme estimait le nombre de terroristes d’Al Qaïda au Maghreb entre « 300 et 400 ». M. Ksentini indiquait que si ces desperados déposaient les armes, ils pourraient « revenir à la vie normale, et se recycler dans la société ».Juin 2009. 18 gendarmes sont massacrés à Bordj Bou Arréridj (200 km au sud-est d’Alger). Le lendemain de la tuerie, l'ex ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, encore lui, évoquait le nombre « très réduit » des terroristes encore en activité : « ils sont à peine 300 à être recherchés par les autorités », déclarait le ministre.«La pression ne cesse de s’accentuer sur les terroristes encore en activité et qui se trouvent aujourd’hui en nombre très réduit, du fait des frappes qu’ils subissent constamment dans des zones connues pour leur accalmie», professait l’actuel vice-Premier ministre.
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