mercredi 1 août 2012

La Suisse, paradis interdit pour les dirigeants algériens?


Avant Khaled Nezzar, il y a eu Bouguerra Soltani. L’ancien ministre d’Etat et président du parti islamiste MSP, Bouguerra Soltani, 57 ans, fait toujours l’objet d'une plainte judiciaire en Suisse pour tortures présumées sur un journaliste algérien. Présent en Suisse en octobre 2009 pour une conférence sur l’Islam, M. Soltani a précipitamment fui Genève pour ne pas être entendu par les juges du canton de Fribourg. La Suisse paradis perdu pour les dirigeants algériens ? L'ONG TRIAL affirme avoir déposé 16 dossiers impliquant des responsables algériens et prépare plusieurs autres affaires du même tonneau.


Ancien militaire reconverti dans le journalisme, Anouar Malek, 38 ans, accuse depuis plusieurs années Bouguerra Soltani d’avoir supervisé une séance de tortures dont il dit être victime le 1er juillet 2005 au commissariat de police de Chateauneuf, à El Biar, sur les hauteurs d’Alger.
Le supplice du chiffon mouillé
Quelques heures avant d'y être admis, Anouar Malek a été arrêté par la gendarmerie à son domicile puis conduit dans une brigade où il dit avoir été copieusement rossé.
Malek raconte qu'au commissariat de Chateauneuf ses tortionnaires lui ont fait subir plusieurs sévices, notamment celui du chiffon mouillé, et lui ont fait boire de l’eau sale.
A DNA, Anouar Malek avait raconté la scène à laquelle aurait assisté le chef islamiste.
Tu as vu comment ton heure est venue?
« Après m’avoir attaché à un banc, je vois Soltani entrer dans la cellule accompagné deux personnes en costume. Lui portrait un costumé d’été. Dans la cellule, il y avait aussi trois policiers. Soltani me dit : ‘Tu as vu comment ton heure est venue ?’. Il m’accuse d’être un terroriste et d’être de connivence avec des responsables du MSP qui complotent pour le déstabiliser. Il me dit aussi : ‘Tu as voulu me mouiller dans une affaire avec Al Qaïda, maintenant c’est toi qui est accusé d’activité terroriste.’ La séance dure deux heures ou peut être plus… Ils ne m’ont rien épargné. »
Le journaliste affirme que le chef islamiste entendait se venger de lui pour avoir cité le nom de Soltani dans une enquête réalisée pour le compte de l'armée sur les filières de recrutement de volontaires algériens pour l’Afghanistan.
Installé en France depuis décembre 2006, Anouar Malek fait porter son dossier à la connaissance de TRIAL le 17 juillet 2009. Trois mois plus tard, l’affaire éclatera.
Le couple Soltani en Suisse
Au milieu du mois d’octobre 2009, M. Soltani se rend en Suisse avec son épouse pour assister à un séminaire sur l’Islam prévu du 16 au 18 octobre dans le canton de Fribourg.
Quatre jours plutôt, TRIAL dépose une dénonciation pénale à son encontre auprès de l'Office des juges d'instruction du Canton de Fribourg.
« La dénonciation pénale allègue des violations de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », explique l’ONG.
Le lendemain, 13 octobre, Anouar Malek déposera une plainte pénale contre M. Soltani auprès de l'Office des juges d'instruction. Sur ce, l’Office prend attache avec le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) afin de s'assurer que l’ex-ministre ne dispose pas d’une immunité diplomatique.
L'ex-ministre informé grâce à des fuites
Soltani n’étant pas couvert par une quelconque immunité, Anouar Malek est donc entendu le 16 octobre 2009 à l'Office des juges d'instruction du Canton de Fribourg.
Aussitôt, un juge d'instruction décide d’auditionner M. Soltani dès son arrivée sur le territoire fribourgeois.
Mais voila la procédure capote. Pourquoi? Informé grâce à des fuites de l’existence de la plainte - l’instruction pour déterminer l’origine des fuites a été relancée en septembre 2011 par Fabien Gasser, procureur -général à Fribourg-; Bouguerra Soltani détale pour rentrer précipitamment en Algérie.
Il nie tout
En sécurité à Alger, M. Soltani dément tout : sa dérobade devant la justice suisse, l’existence d’une plainte contre lui, il nie même avoir connu son accusateur. « Je ne connais pas ce Anouar Malek du tout, se justifiait-il à l'époque. Ce n’est pas normal qu’il m’accuse alors que je ne le connais pas ».
Pour soutenir la contre-accusation, Soltani affirme que des preuves et des documents attestent qu’entre le 28 juin et le 5 juillet 2005, période durant laquelle il aurait assisté aux séances de tortures, il s’était rendu au Yémen pour la 32eme session de la conférence islamique avant de gagner la Libye d’où il s’est envolé pour l’Algérie.
Vraies ou fausses accusations, une chose est sûre : Soltani ne remettra pas de si tôt les pieds sur le territoire suisse.
TRIAL prépare des dossiers de plaintes
Pas plus que beaucoup de dignitaires du régime. C'est que TRIAL a déjà déposé 16 dossiers qui impliqueraient des responsables algériens et affirme que d'autres affaires sont en cours de préparation.
De quoi faire dégouter certains dirigeants algériens de la Suisse, de ses délicieux chocolats, de ses boutiques de luxe, de la douceur du Lac Leman et de ses banquiers muets comme une tombe.

Farid Alilat (article publié le 22/10/2011)DNA
Cet article a été publié le 22 octobre 2011 et actualisé le 31 juillet 2012 avec de nouveaux liens


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