Ce jeudi, jour J en Chine. La 18e session du congrès du Parti communiste chinois, qui a lieu tous les cinq ans, débute ses travaux. Elle intronisera un nouveau secrétaire général du parti communiste chinois, Xi Jinping, ainsi que 6 (ou 8) autres membres du Comité permanent, le cénacle dirigeant. Trois instances du parti doivent partiellement être renouvelées : le Comité central, qui compte environ 2 270 membres, ainsi que le Bureau politique (25 membres).
Le 18e Congrès est attendu, car il clôt le double mandat à la tête du parti et de l'état de Hu Jintao, et de son premier ministre Wen Jiabao, parvenus au pouvoirlors du 16e Congrès, en 2002. Le président Hu doit prononcer jeudi à 9 heures son discours de bilan devant les délégués du Comité central. Ce discours sera retransmis en direct dans le pays. Il devrait être tout aussi peu digeste que le bilan du 17e Congrès.
Ensuite, le 18e Congrès va entériner l'entrée en scène de la cinquième génération de dirigeants : à l'exception de Xi Jinping et Li Keqiang, les deux successeurs désignés de MM. Hu et Wen, qui ont accédé en 2007 lors du 17e Congrès au Comité permanent, les sept autres membres actuels du collectif suprême partent en retraite.
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DES ENJEUX DE TAILLE
"Ce congrès va être d'une grande importance, à un moment où la Chine traverse une phase cruciale dans la construction d'une société moderne et prospère dans tous les domaines, poursuit les réformes et l'ouverture, et accélère la transformation de son modèle de croissance", a annoncé, lors de la conférence de presse qui s'est tenu mercredi après-midi au Palais du peuple, le porte-parole du 18e Congrès, Cai Mingzhao.
Les enjeux du 18e Congrès sont de taille : c'est la première fois qu'un nouveau dirigeant, Xi Jinping, 59 ans, doit arriver au pouvoir sans avoir été précédemment imposé par un leader charismatique – à l'instar de Hu Jintao et de son prédécesseur Jiang Zemin, qui avaient tous deux reçu l'aval de Deng Xiaoping.
Or sans élection générale, ni même interne (les scrutins à l'intérieur du parti sont en grande partie factices, les candidats étant imposés de haut en bas), la légitimité d'un candidat est fragile. Les luttes de pouvoir qui ont éclaté au grand jour avec l'affaire Bo Xilai ont révélé les faiblesses intrinsèques du dispositif de succession chinois : l'alternance organisée a pour limite le consensus entre des clans que l'idéologie ne rassemble plus, et dont les intérêts peuvent être divergents.
CRISE DE LÉGITIMITÉ
Le 18e Congrès se tient, en outre, à un moment où les attentes en matière de réformes politiques sont pressantes, aussi bien à l'intérieur du parti que de la part des milieux académiques ou encore de la blogosphère – où les critiques du régime sont parfois radicales. Les dérapages de Bo Xilai, qui était jusqu'en 2011 un favori pour l'accession au Comité permanent et avait mené ouvertement campagne sur un registre populiste de lutte anti-mafia, de folklore maoïste et de mesures sociales, ont encore accru le sentiment que le plus grand parti au monde (83 millions de membres), et le seul autorisé en Chine, traverse une crise de légitimité.
"Un passage en revue du discours intellectuel en cours aujourd'hui en Chine révèle des débats passionnés sur le risque actuel d'une révolution dans le pays",avance même le politologue Cheng Li, de la Brookings Institution, aux Etats-Unis.
Dans un sondage publié mercredi, le quotidien à gros tirages Global Times, qui appartient au très officiel Quotidien du peuple, révèle que 81,4 % des personnes interrogées sont favorables à des réformes politiques. Et que 69,7 % d'entre eux souhaitent qu'elles soient graduelles.
DES ATTENTES DE RÉFORMES
Ces attentes sont nées du constat que les retards du système politique par rapport à l'état de sophistication et de développement de l'économie sont désormais un handicap : ils favorisent un sentiment croissant d'insécurité au sein de la population, nourri par les dénis de justice, la collusion entre cadres du parti et patrons, le manque de recours face à toutes sortes d'abus, la répétition des mêmes problèmes qui semblent ne jamais faire jurisprudence (les prédations de terre, la pollution, les crises sanitaires, etc.).
Les attentes de réforme portent essentiellement sur l'introduction d'une dose suffisante de démocratisation afin de satisfaire la soif de participation des Chinois aux affaires qui les concernent, notamment au niveau local. Le système de censure, ainsi que les dérèglements de la justice, sont deux autres préoccupations majeures pour les citoyens, notamment les nouvelles générations, beaucoup plus éduquées et bien plus au fait des modes de gouvernance adoptés dans le reste du monde.
Il s'agit également, mais cela reste un non-dit, de rouvrir le chantier de la séparation du parti et de l'État, à laquelle la répression post-Tiananmen et le statu quo qu'elle a produit, ont coupé court. Le multipartisme reste tabou, mais il n'est jamais loin dans les arguments des réformateurs, dont certains ont en tête le modèle de démocratisation du Kuomintang à Taïwan dans les années 1990.
PREMIER CONGRÈS SOUS L'ÈRE WEIBO
Un certain nombre de ces attentes ne sont pas explicitées dans les médias officiels, mais elles circulent relativement librement dans certains milieux et sur certains médias. Elles ne seront pas traitées directement dans les discours publics qui seront prononcés au Congrès : les observateurs vont devoir guetterdes signaux parfois subtils qui pourraient indiquer que les instances dirigeantes du parti sont prêtes à autoriser le nouveau secrétaire général à mener des réformes.
A l'inverse, une déception a tout lieu d'échauffer encore les esprits. C'est la première fois que le Congrès du PCC a lieu à l'ère Weibo, le microblog chinois (300 millions d'utilisateurs) – c'est-à-dire en présence de dizaines de millions de commentateurs engagés dans une conversation instantanée et publique.
Brice Pedroletti
lemonde.fr
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