Xi Jinping est un "prince rouge", un "fils de prince", comme on appelle, en Chine, les enfants des vétérans de la révolution communiste. À 59 ans, le prince est en passe de prendre en main les rênes de la deuxième puissance économique mondiale. À l’issue du XVIIIe congrès du Parti communiste chinois, qui se réunit jeudi 8 novembre, il sera, sauf coup de théâtre, nommé à la tête du Parti communiste chinois (PCC) pour succéder à Hu Jintao. En mars prochain, il devrait également être nommé à la présidence du pays, pour deux mandats de cinq ans.
L’homme, à l’allure décontractée, est présenté depuis près de deux ans comme le successeur de Hu Jintao. Depuis précisément le 19 octobre 2010, date de sa nomination au poste de vice-président de la puissante Commission militaire centrale (CMC), poste par lequel sont passés tous les premiers secrétaires du Parti communiste chinois. Politicien habile, personnage affable et sociable, Xi Jinping a gravi avec patience et détermination les échelons de l’appareil politique chinois depuis son adhésion au Parti en 1974.
"Une épée s’affûte sur la meule"
Son adolescence aurait pourtant pu le mener sur le chemin d’une opposition farouche au système communiste chinois. À 16 ans, le jeune Jintao, jusqu’alors élevé dans le faste réservé aux élites du Parti, est envoyé dans une brigade de Shaanxi, une province pauvre du centre de la Chine, en tant que travailleur rural.
Nous sommes en 1969. Le Grand timonier avait lancé un an plus tôt la révolution culturelle qui vit son père, Xi Zhongxun, héros de la guérilla communiste dans le nord du pays et compagnon de Mao Zédong, tomber en disgrâce. Il est emprisonné, son fils Jintao intégré dans un centre éducatif. Sept ans durant, le jeune homme vit les humiliations, la faim, le froid. "En janvier, il y avait encore assez à manger, en février, on crevait de faim, en mars-avril, on était moitié vivant, moitié mort. Les gens se nourrissaient d’écorces d’arbre et d’herbe sauvage, et les femmes et les enfants allaient mendier", racontait-il en 2000, dans un entretien accordé à un magazine chinois cité par "Libération". Son père, lui, survit tant bien que mal dans une geôle insalubre.
Pourtant, loin de ruminer une vengeance, Xi Jinping adhère aux idées du Parti, au point de s’enrôler, en 1971, dans la Ligue de la jeunesse communiste chinoise. "Une épée s’affûte sur la meule, comme le caractère d’un homme dans l’adversité", écrit-il dans un essai autobiographique cité par "Libération". Trois ans plus tard, après plusieurs tentatives vaines – sa filiation à un "ennemi du peuple" joue contre lui – il parvient à devenir membre du Parti communiste chinois.
Il part alors étudier la chimie à l’université Qinghua, à Pékin, puis décroche un diplôme de théorie marxiste. Après un bref passage dans les bureaux du ministère de la Défense dans le début des années 80, au moment de la réhabilitation de son père, il repart en province faire ses armes dans les comités locaux du Parti communiste. Il devient successivement gouverneur des riches régions côtières de Fujia puis Zheijiang dans les années 2000. Puis, en 2007, c’est la consécration : il est intégré au comité permament du bureau politique du Parti, et devient directeur de l’école du Parti.
Nouvelle génération politique
"Xi Jinping n’est pas un révolutionnaire, estimait en septembre dernier John Russel, directeur d’un cabinet d’intelligence économique, dans les colonnes de "Jeune Afrique". Il est arrivé au sommet en suivant sagement les règles et en nouant des alliances stratégiques. Il est le fruit d’un système."
Présenté comme un réformiste "raisonnable", il incarne la nouvelle génération politique chinoise. Féru de films hollywoodiens sur la seconde Guerre mondiale, qu’il apprécie pour "leur sens du bien et du mal", le futur numéro un chinois se montre souriant et ouvert. Il sait faire preuve d’un étonnant franc-parler, tranchant avec l’austère réserve de son prédécesseur Hu Jintao. "Il y a des étrangers paresseux au ventre plein qui n’ont rien d’autre à faire que de montrer la Chine du doigt, s’emporte-t-il lors d’un déplacement au Mexique en 2009, face aux critiques occidentales concernant les droits de l’Homme. Primo, la Chine n'exporte pas la révolution ; secundo, elle n'exporte ni la famine ni la pauvreté ; et tertio, elle ne se mêle pas de vos affaires."
Sens de la communication
Au printemps dernier, lors d’une tournée aux États-Unis, Xi Jinping a dévoilé un sens de la communication inédit chez un dirigeant chinois, en se prêtant au jeu des journalistes – il s’est fait photographier sur un tracteur ainsi que dans les gradins d’un match de basket. Il s’est attiré les bonnes grâces des élites occidentales en réitérant ses promesses de coopération avec Washington sur les dossiers économiques, en affichant son soutien à l’Europe en difficulté et en assurant vouloir construire une Chine moins polluante et plus respectueuse des droits de l’Homme (de ces derniers propos, tenus lors de son voyage aux États-Unis, aucun n’a été retranscrit dans les médias chinois).
En Chine, il reste assez peu connu, mais jouit d’une image d’homme moderne, à laquelle sa seconde femme - la sculpturale Peng Liyuan, star de la pop connue pour ses chants à la gloire du régime - n’est pas étrangère. Inversement, le nouvel homme fort de Pékin est parvenu à séduire l’aile la moins libérale du parti en réintroduisant, dans l’école du Parti, les cours de marxisme-leninisme.
Le meilleur atout de Xi Jinping, face aux défis sociaux et économiques qui l’attendent, reste cependant sa réputation de monsieur propre de la politique, qu’il a acquise au cours de ses années en tant que gouverneur. Une qualité indéniable pour le Parti communiste ébranlé par de nombreuses affaires de corruption – la dernière en date ayant mené Bo Xilai, l’un des piliers du régime, à la disgrace et peut-être à la prison. Cependant en juin dernier, celui qui aime à se qualifier d’"homme du peuple" a vu sa réputation écornée par les révélations de l’agence financière américaine Bloomberg, qui a estimé la fortune de sa famille à plus de 290 millions d’euros.
Par Gaëlle LE ROUX in fr24
L’homme, à l’allure décontractée, est présenté depuis près de deux ans comme le successeur de Hu Jintao. Depuis précisément le 19 octobre 2010, date de sa nomination au poste de vice-président de la puissante Commission militaire centrale (CMC), poste par lequel sont passés tous les premiers secrétaires du Parti communiste chinois. Politicien habile, personnage affable et sociable, Xi Jinping a gravi avec patience et détermination les échelons de l’appareil politique chinois depuis son adhésion au Parti en 1974.
"Une épée s’affûte sur la meule"
Son adolescence aurait pourtant pu le mener sur le chemin d’une opposition farouche au système communiste chinois. À 16 ans, le jeune Jintao, jusqu’alors élevé dans le faste réservé aux élites du Parti, est envoyé dans une brigade de Shaanxi, une province pauvre du centre de la Chine, en tant que travailleur rural.
Nous sommes en 1969. Le Grand timonier avait lancé un an plus tôt la révolution culturelle qui vit son père, Xi Zhongxun, héros de la guérilla communiste dans le nord du pays et compagnon de Mao Zédong, tomber en disgrâce. Il est emprisonné, son fils Jintao intégré dans un centre éducatif. Sept ans durant, le jeune homme vit les humiliations, la faim, le froid. "En janvier, il y avait encore assez à manger, en février, on crevait de faim, en mars-avril, on était moitié vivant, moitié mort. Les gens se nourrissaient d’écorces d’arbre et d’herbe sauvage, et les femmes et les enfants allaient mendier", racontait-il en 2000, dans un entretien accordé à un magazine chinois cité par "Libération". Son père, lui, survit tant bien que mal dans une geôle insalubre.
Pourtant, loin de ruminer une vengeance, Xi Jinping adhère aux idées du Parti, au point de s’enrôler, en 1971, dans la Ligue de la jeunesse communiste chinoise. "Une épée s’affûte sur la meule, comme le caractère d’un homme dans l’adversité", écrit-il dans un essai autobiographique cité par "Libération". Trois ans plus tard, après plusieurs tentatives vaines – sa filiation à un "ennemi du peuple" joue contre lui – il parvient à devenir membre du Parti communiste chinois.
Il part alors étudier la chimie à l’université Qinghua, à Pékin, puis décroche un diplôme de théorie marxiste. Après un bref passage dans les bureaux du ministère de la Défense dans le début des années 80, au moment de la réhabilitation de son père, il repart en province faire ses armes dans les comités locaux du Parti communiste. Il devient successivement gouverneur des riches régions côtières de Fujia puis Zheijiang dans les années 2000. Puis, en 2007, c’est la consécration : il est intégré au comité permament du bureau politique du Parti, et devient directeur de l’école du Parti.
Nouvelle génération politique
"Xi Jinping n’est pas un révolutionnaire, estimait en septembre dernier John Russel, directeur d’un cabinet d’intelligence économique, dans les colonnes de "Jeune Afrique". Il est arrivé au sommet en suivant sagement les règles et en nouant des alliances stratégiques. Il est le fruit d’un système."
Présenté comme un réformiste "raisonnable", il incarne la nouvelle génération politique chinoise. Féru de films hollywoodiens sur la seconde Guerre mondiale, qu’il apprécie pour "leur sens du bien et du mal", le futur numéro un chinois se montre souriant et ouvert. Il sait faire preuve d’un étonnant franc-parler, tranchant avec l’austère réserve de son prédécesseur Hu Jintao. "Il y a des étrangers paresseux au ventre plein qui n’ont rien d’autre à faire que de montrer la Chine du doigt, s’emporte-t-il lors d’un déplacement au Mexique en 2009, face aux critiques occidentales concernant les droits de l’Homme. Primo, la Chine n'exporte pas la révolution ; secundo, elle n'exporte ni la famine ni la pauvreté ; et tertio, elle ne se mêle pas de vos affaires."
Sens de la communication
Au printemps dernier, lors d’une tournée aux États-Unis, Xi Jinping a dévoilé un sens de la communication inédit chez un dirigeant chinois, en se prêtant au jeu des journalistes – il s’est fait photographier sur un tracteur ainsi que dans les gradins d’un match de basket. Il s’est attiré les bonnes grâces des élites occidentales en réitérant ses promesses de coopération avec Washington sur les dossiers économiques, en affichant son soutien à l’Europe en difficulté et en assurant vouloir construire une Chine moins polluante et plus respectueuse des droits de l’Homme (de ces derniers propos, tenus lors de son voyage aux États-Unis, aucun n’a été retranscrit dans les médias chinois).
En Chine, il reste assez peu connu, mais jouit d’une image d’homme moderne, à laquelle sa seconde femme - la sculpturale Peng Liyuan, star de la pop connue pour ses chants à la gloire du régime - n’est pas étrangère. Inversement, le nouvel homme fort de Pékin est parvenu à séduire l’aile la moins libérale du parti en réintroduisant, dans l’école du Parti, les cours de marxisme-leninisme.
Le meilleur atout de Xi Jinping, face aux défis sociaux et économiques qui l’attendent, reste cependant sa réputation de monsieur propre de la politique, qu’il a acquise au cours de ses années en tant que gouverneur. Une qualité indéniable pour le Parti communiste ébranlé par de nombreuses affaires de corruption – la dernière en date ayant mené Bo Xilai, l’un des piliers du régime, à la disgrace et peut-être à la prison. Cependant en juin dernier, celui qui aime à se qualifier d’"homme du peuple" a vu sa réputation écornée par les révélations de l’agence financière américaine Bloomberg, qui a estimé la fortune de sa famille à plus de 290 millions d’euros.
Par Gaëlle LE ROUX in fr24
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