On fait le vide autour de M. Bouteflika. Pour le pousser vers la porte de sortie, ou pour lui donner des boucs émissaires en vue de préparer un quatrième mandat ? Quels que soient les successeurs, ces partis continueront de fonctionner selon la seule méthode qu'ils connaissent : l'allégeance.
En apparence, la scène politique algérienne a été bouleversée. En quelques mois, le pays a vu disparaitre les leaders de l'Alliance présidentielle, ces partis qui ont accompagné le président Abdelaziz Bouteflika depuis son avènement au pouvoir il y a quatorze ans, et qui ont fourni tous les premiers ministres, à l'exception de M. Hamed Benbitour, ainsi que la plupart des membres de différentes équipes gouvernementales.
M. Ahmed Ouyahia, l'homme qui avait lancé une OPA sur le RND précisément pour soutenir M. Bouteflika, après avoir mené le parti à une victoire éclatante aux législatives en 1997, grâce à une fraude massive, l'homme qui a été ministre ou premier pendant plus de quinze ans, sans interruption, cet homme-là a été évincé du RND, après une opération lancée de manière anodine dans un premier temps, mais parfaitement bien menée dans sa phase finale, et conclue en apothéose. « Il a reçu le signal du départ, et il s'est rendu sans même livrer bataille », dit de lui un de ses adversaires.
M. Abdelaziz Belkhadem a, de son côté, voulu résister. Pour lui, « le signal s'est brouillé », dit un membre du comité central du FLN. M. Belkhadem semblait en fait recevoir deux messages contradictoires, l'un l'incitant à partir, l'autre l'encourageant à rester. Mais lui a aussi a du rendre les armes, en menaçant toutefois d'agir dans l'ombre pour renverser la situation.
En réalité, M. Belkhadem a voulu simplement faire illusion, pour donner le sentiment qu'il n'a pas abdiqué. Car l'homme connait la nature de ce type d'opération, comme il connait les vrais acteurs et les vrais centres de décision qui mènent la danse. M. Belkhadem a lui-même mené l'assaut pour déloger son ancien compagnon, M. Ali Benflis, du FLN, dans une aventure qui a fait date : c'est à cette époque que sont apparus deux concepts qui ont fleuri depuis, les « redresseurs » et les « dobermans ». Auparavant, M. Belkhadem avait été un témoin privilégié de l'opération qui avait mis fin à l'ère Mehri. C'est à partir de là que M. Belkhadem avait d'ailleurs amorcé son rapprochement avec le vrai pouvoir, pour terminer dans la cour de M. Bouteflika.
Quant à M. Bouguerra Soltani, il n'a pas même été nécessaire de lancer un raid pour le déloger. Il a suffi que le maitre des lieux siffle pour qu'il obéisse. De manière très disciplinée, M. Soltani a annoncé son intention de quitter la direction du parti, sans faire de vague. Il a fait mieux que M. Ouyahia, qui avait subi quelques escarmouches avant de céder.
Ceci dit, ces départs ont été annoncés il y a longtemps, mais rares étaient ceux qui avaient compris le message. C'est le chef du RCD, M. Saï Saadi, qui avait annoncé le mouvement. Eclaireur très inspiré de la vie politique, ayant toujours un coup d'avance, M. Saadi avait annoncé son départ de la direction du RCD avant tout le monde.
Son retrait, que certains ont considéré à tort comme un départ à la retraite, était en fait le prélude à un mouvement plus large, touchant pratiquement l'ensemble du personnel politique qui a tenu la vedette durant la dernière décennie.
Pour l'heure toutefois, ce vaste mouvement intrigue. Il est encore difficile d'en donner une interprétation qui ne laisse pas place au doute. Il y a même des lectures contradictoires, tout aussi plausibles les unes que les autres. Ce qui montre que cette fois-ci, le scénario qui se met en place pour 2014 est particulièrement sophistiqué.
A première vue, le changement a touché l'alliance présidentielle, c'est-à-dire les partis qui ont accompagné le président Abdelaziz Bouteflika depuis son avènement au pouvoir, il y a bientôt quinze ans. Ce qui signifie que le pays se prépare à entamer une politique différente, avec de nouveaux dirigeants, un nouveau programme, un nouveau président. On fait donc le vide autour du chef de l'Etat, pour le pousser à ne pas briguer un quatrième mandat.
Cela entre dans la logique de la fameuse déclaration « tab djenanou » (il a fait son temps), et suppose en même temps qu'on fait place pour un homme nouveau qui ne va trainer ces fardeaux que constitueraient des hommes aussi encombrants que MM. Belkhadem, Ouyahia, et Soltani.
Mais d'un autre côté, ce qui se passe peut parfaitement être vu comme une préparation d'un quatrième mandat pour M. Bouteflika. Les chefs de l'alliance présidentielle ne peuvent décemment aller en campagne pour défendre une nouvelle constitution, eux qui ont déjà passé tout ce temps à dire l'inverse de ce qu'ils disaient aujourd'hui.
S'il brigue un nouveau mandat, M. Bouteflika devra également présenter un bilan. Il pourra toujours présenter les personnalités déchues comme des bouc-émissaires qui l'ont conduit à l'échec, et assuré, cette fois-ci, promis juré, qu'il fera mieux, en choisissant mieux les hommes chargés d'appliquer son programme.
Une certitude tout de même : le départ des dirigeants du FLN, du RND et du MSP ne change rien aux rapports de force politiques dans le pays, ni à la nature du pouvoir. Quels que soient les successeurs, ces partis continueront de fonctionner selon la seule méthode qu'ils connaissent : l'allégeance.
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