Des députés de l’Assemblée populaire nationale (APN) issus de cette région ne sont pas du même avis. « A ma connaissance, il n’y a pas de jeunes d’Adrar qui soient partis combattre au Mali. Pour les autres wilayas, je ne sais pas », précise Ali Hamel, député du FLN pour la wilaya d’Adrar. Même son de cloche chez Mohamed Guemama, qui est également député du FLN pour la wilaya de Tamanrasset. « Cette information n’est pas fondée », lance-t-il. « On a des liens familiaux avec les Touareg du Mali, du Niger, de la Mauritanie et de la Libye, mais un Algérien reste un Algérien, et un étranger reste un étranger », explique-t-il. Pour lui, les jeunes du Sud souffrent des mêmes problèmes que ceux du Nord et des autres régions du pays. Et puis, « ce qu’il y a comme moyens dans des communes situées aux frontières, comme Bordj Badji Mokhtar, Timyaouine, Tinzerouatine, In Guezzam, n’existe pas dans les capitales des pays voisins », explique le député. M. Guemama rappelle que les manifestations contre le chômage et le mal-vivre ont vu d’abord le jour au Nord, pas au Sud. « Et elles sont partout », insiste-t-il. Le chômage ? « Il existe même en France, en Russie et aux Etats-Unis », dit-il.
Au commencement, le Mouvement des enfants du Sud pour la justice
Le désarroi des jeunes des wilayas du Sud ne date pas d’aujourd’hui. Dès 2004, ils lancent le Mouvement des enfants du Sud pour la justice. « Il était pacifique avec des revendications principalement sociales (droit au travail et au développement régional), mais aussi politiques », dit Tahar Belabès. « On voulait transmettre un message aux autorités, qui croient qu’Alger est l’Algérie », ajoute-t-il. L’aventure n’a pas duré longtemps et les initiateurs et les membres du mouvement ont été violemment réprimés, selon lui. « J’ai été accusé d’attroupement, de trouble à l’ordre public et d’agression contre un agent de l’ordre. J’ai été emprisonné à deux reprises », raconte-t-il. Le mouvement s’est par la suite dissous. « Certains, comme moi, ont continué à manifester pacifiquement. D’autres ont pris les armes et se sont radicalisés. » Parmi ces derniers, on retrouve un certain Mohamed Lamine Benchneb. En janvier dernier, il était parmi le groupe de preneurs d’otages d’In Amenas. « Il était avec nous lors de la création du Mouvement des enfants du Sud pour la justice », affirme Tahar Belabès.
Une attaque contre un avion d’Air Algérie à Djanet
Les radicaux ont mené quelques attaques, mais sans viser les civils ni les militaires. « Ils ciblaient les symboles économiques de la région », souligne Tahar Belabès. « Leur première action était une attaque contre un avion d’Air Algérie, à l’aéroport de Djanet », rappelle-il, en précisant que l’attaque s’est déroulée de nuit pour éviter de faire des victimes. Après quelques opérations, les radicaux du Mouvement des enfants du Sud pour la justice ont fini par déposer les armes. Ils ont négocié avec les autorités, après l’intervention des notables de Ouargla et de Djanet. Ils ont bénéficié d’une loi de réconciliation afin de prouver qu’ils n’avaient rien à voir avec Aqmi. Mais la démarche des autorités s’est arrêtée à ce niveau. Aucun suivi n’a été engagé pour prendre en charge ces jeunes et éviter de nouveaux évènements.
Selon Tahar Belabès, « Benchneb ne comprenait pas grand-chose à la religion. Je ne sais s’il a été endoctriné par la suite, mais, avant, il pouvait à peine lire une ou deux sourates ». Lors des dernières législatives de 2012, Mohamed Lamine Benchneb s’est porté candidat. Mais sa candidature a été refusée au motif qu’il avait pris part à l’attaque de l’aéroport de Djanet.
« L’auteur de l’attentat contre le commandement de la gendarmerie à Ouargla était mon voisin »
Comme Mohamed Lamine Benchneb, l’auteur de l’attentat suicide contre le commandement de la gendarmerie à Ouargla, en juin 2012, n’était pas un islamiste. « Je le connaissais, car c’était mon voisin. Un jeune qu’on appelait Sinane et qui s’est rebellé contre la hogra (oppression, ndlr), pas pour la religion », explique Tahar Belabès. Se sentant abandonnés par les autorités, les jeunes font dans la contrebande, quand ils ne prennent pas les armes. « Pour faire vivre leurs familles, ils peuvent même approvisionner des groupes islamistes en essence et en armes. Il y a des semblants de petites stations (informelles) dans le désert et l’Etat est au courant de tout », continue le porte-parole de la CNDDC. « Et si ça continue comme ça, la situation sera semblable à celle du Nord-Mali, car on a les mêmes problèmes », insiste-t-il. « Ouargla ressemble à Tora Bora, alors que c’est la wilaya la plus riche du pays. Une région qui souffre d’exclusion et d’oppression », dit-il. Les habitants ne se soulèveront pas pour des idéaux religieux, mais contre « l’exclusion », la « marginalisation » et la « répression ».
« La lutte pacifique se poursuit »
Mais d’autres jeunes refusent de prendre les armes ou de mener des actions violentes. Ils veulent continuer à lutter pacifiquement pour revendiquer leur droit au travail et au développement de leur région. De nouvelles manifestations sont prévues à partir de la semaine prochaine, souligne M. Belabès. « Et il n’y aura pas que des chômeurs, avertit-il. D’autres personnes vont peut-être y prendre part. » Le militant évoque une grande tension à Ouargla et dans d’autres wilayas du Sud.
L’idée d’une scission du Sud ? Elle est véhiculée par le pouvoir, selon Tahar Belabès. Pourquoi ? « Ils voudraient faire passer un message : soit vous acceptez ce régime, soit c’est la division entre le Sud et le Nord, donc la guerre civile. » Le porte-parole de la CNDDC affirme que les habitants de Ouargla sont très hostiles à l’idée de la scission. « Si vous parlez de cela à Ouargla, on vous tabassera ! »
Hadjer Guenanfa
http://www.tsa-algerie.com/divers/dans-le-sud-algerien-le-spectre-de-la-radicalisation-des-mouvements-de-protestation_23974.html
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