mercredi 29 mai 2013

Algérie - Benchicou au quotidien Libération : "Je crains que la pièce prenne un tour tragico-burlesque"

Mohamed Benchicou, revient, pour le journal français Libération, sur les scénarios d’un après-Bouteflika et explique le silence des autorités.

Mohamed Benchicou.


Pourquoi, selon vous, n’arrive-t-on pas à savoir ce qui se passe dans l’entourage du Président ?
 Il s’agit d’une communication entièrement tenue par Saïd, son frère. Rien ne transpire, rien ne sort. C’est le silence. On ingère, pour expliquer l’Algérie, des schémas utilisés dans les démocraties occidentales. Mais l’Algérie n’est pas une démocratie. C’est une autocratie, et dans une autocratie il n’y a pas de transparence.

Pensez-vous que les Algériens attachés à la République sont amers devant cette fin de mandat qui tournerait au népotisme familial ? 
Certainement, mais ce ne sont pas les hypothèses vers un plus de démocratie qui se dessinent. Je lis des propos, des schémas, des constructions, dont je doute de la réalisation, car nous ne sommes pas en état d’alternance. C’est un silence qui s’explique. Car le président n’est pas choisi par le peuple. Pourquoi devoir lui rendre des comptes ? C’est un jeu, un système, un groupe de décideurs qui propose un homme. Dès lors, pourquoi vouloir jouer la transparence ? On le voit chaque jour : le pouvoir et la population se tournent mutuellement le dos en Algérie. Je persiste sur mon idée, le peuple n’a rien à voir avec l’élection.
Que reprochez-vous surtout aux années Bouteflika ?
 Au-delà de mon cas personnel, c’est d’avoir déconstruit l’économie. Un travail patient, acharné, qui a consisté à tout mettre à bas. De s’être totalement reposé sur la rente, d’avoir laissé filer la corruption à grande échelle. Et, quand cette corne d’abondance va s’arrêter, que va-t-on faire de ce pays ? Au fond, le silence d’un Président qui n’est pas apparu en public depuis la mi-décembre dit une chose : le pays n’a pas besoin de président. Et, ensuite, que la maladie qui le touche n’est pas handicapante pour le pouvoir. Ce qui nous est donné à voir, c’est un système et l’illusion d’une structure démocratique. 
Que va-t-il se passer ? 
Ce qui semble se jouer, du moins pour encore un moment, c’est une pièce en deux actes : le Président, requinqué, apparaît sous le maquillage d’un homme qui se rétablit. Puis retour du même dans du coton hydrophile imbibé de chloroforme. Je crains que la pièce prenne un tour tragico-burlesque. Le nom de Lamine Zeroual revient avec insistance.
Vous y croyez ?
L’alternative Zeroual doit se lire dans l’hypothèse d’un gouvernement de salut national, c’est ce qu’avancent les militaires et les services. Mais leur but est de gagner du temps. Entretenir le flou et prolonger le Président, c’est l’assurance de l’impunité. Sa fin, c’est en revanche le risque de voir venir le temps des règlements de compte, de voir la justice se saisir des affaires qui dormaient, et des têtes tomber. Je crains que la violence ne ressurgisse dans le pays. 
Entretien réalisé par Jean-Louis Le Touzet/Libération

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