La loi fondamentale présentée par le pouvoir militaire, acceptée sans surprise, n'a pas éteint la contestation.
La victoire du «oui» ne fait plus l'ombre d'un doute. Jeudi, au lendemain de deux jours d'un scrutin hautement controversé et placé sous surveillance renforcée, les premières estimations annonçaient une majorité écrasante en faveur de la nouvelle Constitution. Selon le quotidien gouvernemental al-Ahram, le document a obtenu 98 % des voix (dans 26 des 27 gouvernorats où les bulletins ont été dé-pouillés), avec un taux de participation de 36 % - contre 32 % l'an passée.
Un résultat sans véritable surprise dans cette Égypte post-Morsi où toute voix dissidente contre le pouvoir intérimaire, installé par l'armée, est systématiquement écartée. En six mois, les autorités transitoires ont arrêté des milliers de Frères musulmans, fermé leurs médias, gelé leurs avoirs et, plus récemment, prohibé leurs activités en désignant la Confrérie comme une «organisation terroriste».
Placé sous les verrous, l'ex-président islamiste, élu en juin 2012, est passible de la peine de mort, tandis que son prédécesseur, Hosni Moubarak, est en liberté surveillée. Cette répression tous azimuts n'a pas épargné les militants laïcs, fer de lance de la révolution de janvier 2011, également dans le collimateur de la justice égyptienne, et qui sont nombreux à avoir boycotté le scrutin. Elle s'est accompagnée d'un tapage médiatique - quasi unanime - et d'une large campagne d'affichage en faveur du nouveau texte de loi fondamentale.
Plus de 350 personnes ont été arrêtées pour avoir «perturbé les opérations de vote», parmi lesquelles un cameramen de l'agence de presse américaine AP
À travers le pays, les deux jours de vote ont été jalonnés de nombreuses scènes de liesse pro-Sissi devant les bureaux de vote: badauds offrant des chocolats, femmes distribuant des tracts frappées d'un «Naam» («oui») ostentatoire, enfants entonnant le fameux «Teslam al-ayadi», sorte d'hymne nationaliste devenu le chant de ralliement des supporteurs du général à l'origine de la destitution de Morsi et qui attend le résultat définitif du scrutin pour briser le mystère sur son éventuelle candidature à la présidentielle.
Dans certains bureaux de vote, on a pu les voir poser fièrement pour la photo aux côtés de jeunes soldats - déployés en renfort à travers le pays - et de forces spéciales du ministère de l'Intérieur. Selon ce dernier, plus de 350 personnes ont, en retour, été arrêtées pour avoir «perturbé les opérations de vote». Parmi elles: un cameraman de l'agence de presse américaine AP, dont les images avaient été retransmises sur la télévision al-Jazeera, actuellement dans le collimateur du pouvoir égyptien.
Dans ce contexte, les rares électeurs en faveur du «non» ont préféré raser les murs: une ambiance qui contraste avec le référendum de 2012 où le texte de loi, à dominante islamiste, avait provoqué un vif débat dans les files d'attente en dépit d'un contexte tendu. Jeudi après-midi, le porte-parole de la présidence se félicitait déjà des premiers résultats. «C'est un jour formidable pour l'Égypte, les Égyptiens et pour la démocratie», a déclaré Ehab Badawy dans un communiqué. Pendant ce temps, des accrochages entre pro et anti-Morsi enflammaient de nouveau le campus de l'université Aïn Chams, un des fiefs de l'actuelle contestation.
Par Delphine MinouiMis-lefigaro
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