jeudi 21 janvier 2016

Tunisie : ça barde de partout et un peu trop pour que ce soit innocent...Kasserine, Béja, Jendouba, Skhira, Le Kram…

Les manifestations de colère gagnent de plus en plus de villes. La nuit du mercredi au jeudi 21 janvier 2016 a été particulièrement chaude à Kasserine, Béja, Jendouba, Skhira, Le Kram… La synchronisation et la similitude même des manifestations sèment cependant le doute quant à leur spontanéité. En haut lieu, on parle carrément d’argent distribué.

Encore un mois de janvier très chaud dans les rues tunisiennes. Et encore une fois, le pays compte ses morts après des manifestations de colère contre le pouvoir central accusé de délaisser les régions et de ne rien faire de concret pour lutter contre le chômage.
L’élément déclencheur est un jeune Kasserinois, Ridha Yahyaoui tué par électrocution après avoir menacé de se suicider en s’immolant par le feu.
Derrière l’acte désespéré de ce jeune de 28 ans, un haut fonctionnaire, le délégué de la région en l’occurrence, qui a éliminé sa candidature de la fonction publique au profit d’un autre, suite à un concours public.
Les Kasserinois, déjà à fleur de peau suite au limogeage de l’« enfant de la ville » du poste de ministre de l’Intérieur, sont immédiatement sortis dans les rues pour crier leur colère contre ces vieilles pratiques qui perdurent. C’était dimanche 17 janvier.
Les autorités n’ont pas attendu longtemps pour réagir. Dès le lundi 18, le coupable est limogé de son poste. Mais c’était insuffisant pour calmer la population.
Mardi 19, la violence monte d’un cran à Kasserine, vite suivie par d’autres villes. A Thala, Feriana, Béjà, El Fahs, Siliana et Tunis. Dans certaines de ces villes, dont la capitale, les manifestants ont même pénétré de force les sièges de gouvernorat. Ici et là, on parle d’incendies de bâtiments administratifs.
Le couvre-feu est décrété à Kasserine dès la soirée de ce mardi et il n’est pas exclu qu’il soit étendu à d’autres villes.

Si la journée du mardi 19 a été chaude, celle du mercredi 20 ne le sera pas moins, alors que les autorités s’attendaient à un début de retour au calme, surtout après les décisions urgentes et instantanées prises par le gouvernement après un conseil ministériel ad-hoc.
Du côté des partis politiques, certains ont publié des communiqués appelant au calme, tout en se montrant compréhensifs quant à la colère des manifestants. Mais ce n’est pas le cas de tous, car plusieurs dirigeants politiques ont profité de la colère pour tirer à boulets rouges contre le gouvernement, ce qui est à la limite légitime, mais également pour jeter de l’huile sur le feu. Après les rues, c’est au tour des réseaux sociaux de s’enflammer.
A la tête de ces hommes politiques, Hechmi Hamdi qui devient tunisien populiste quand ça l’arrange et britannique civilisé en d’autres moments. Outre ses posts FB enflammés, Hechmi Hamdi consacre sa chaine Al Mustakilla pour relayer les attaques contre le gouvernement. Rapidement suivi par la chaîne qatarie Al Jazeera Mubasher qui diffuse en direct (ou du moins ce qu’elle prétend être du direct) les manifestations. Sont accusés également quelques sympathisants islamistes et des membres du POCT de jeter de l’huile sur le feu et de semer le trouble.
L’apothéose sera atteinte avec ce député d’Afek, parti de la coalition au pouvoir, qui accuse et dénigre en direct sur la chaine télévisée Al Hiwar, le ministre de l’Industrie et le président de son parti Yassine Brahim. Il lui reproche carrément de quitter le pays pour  « des vacances de neige », alors qu’il devait partir avec le chef du gouvernement pour le Sommet de Davos, réunion internationale inévitable pour tout pays à la recherche d’investisseurs et de solutions concrètes pour résoudre ses problèmes structurels et conjoncturels. La pression sera cependant "efficace" puisque le chef du gouvernement s'est cru obligé d'interrompre son voyage en Suisse, en dépit de son importance pour le pays.

Si aucun homme politique ne conteste la légitimité des revendications des manifestants et ne remet en question leur droit de crier leur colère dans la rue, il n’en demeure pas moins qu’il existe, depuis mercredi au soir, des suspicions quant à leur spontanéité.
Cette mise en doute a commencé à circuler dans les rédactions dès mercredi soir après le recueil de témoignages d’officiels. Des manifestants auraient reçu des sommes considérables pour aller manifester. Faute de source fiable et de preuves, il n’y a pas vraiment eu de relais à ce qui pourrait être apparenté à une manœuvre politique afin de décrédibiliser les manifestants.
Jeudi 21 janvier 2016 en début de matinée, Walid Louguini, porte-parole du ministère de l’Intérieur, lâche le morceau sur Express FM en faisant part publiquement de cette question de distribution d’argent aux manifestations. Il promet une enquête, tout en faisant remarquer que les manifestations s’accompagnant par les cocktails Molotov, l’accès aux bâtiments de souveraineté et l’incendie de pneus ne sauraient être qualifiés de pacifiques.
Dans cette même matinée du jeudi, Majdouline Cherni, ancienne secrétaire d’Etat aux martyrs, publie sur sa page FB que toutes ces manifestations ne servent que les contrebandiers, les terroristes et ceux pourvus de mauvaises intentions. Suivez son regard !
Sur terrain, des Kasserinois témoignent à Business News de la présence de membres de familles de terroristes arrêtés dans la région dans les différentes manifestations de colère.
Le secrétaire général adjoint de l'UGTT, Sami Tahri, est venu confirmer les doutes en déclarant que les actes de vandalisme commis au nord-ouest du pays sont l'oeuvre d'intrus. Il se base sur les informations remontées par les bureaux régionaux et locaux de la centrale syndicale. L'objectif de ces manoeuvres serait de relâcher la pression sur les terroristes rentranchès dans les montagnes. Il confirme également l'existence de paiements destinés à financer le chaos et à le faire perdurer.

De quoi s’agit-il exactement alors ? De manifestations spontanées de colère ou de manifestations téléguidées de loin par des parties qui n’ont pas d’intérêt à ce que le pays se stabilise ?
L’enquête promise par Walid Louguini est en cours et elle ne tardera pas à déterminer s’il existe ou non une manipulation des événements de ces quatre derniers jours. En attendant, le bilan est de deux morts, le jeune Kasserinois de 28 ans et un agent des forces de l’ordre, et plus de 80 blessés dont 43 parmi les agents des forces de l’ordre. Le bilan relatif aux forces de l’ordre s’explique par l’ordre strict du nouveau ministre de l’Intérieur de ne pas user de violence à l’encontre des manifestants et il n’y en aurait pas eu. Même l’usage de balles en caoutchouc relevé sur les réseaux sociaux a été officiellement démenti sans pour autant que ce démenti ne soit contredit par des preuves solides ou des témoins fiables.

Raouf Ben Hédi http://www.businessnews.com.tn/

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