jeudi 24 mars 2016
Radovan Karadzic «pénalement responsable» de meurtres, persécutions et prise d'otages
L'ancien chef politique des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic est «pénalement responsable» de plusieurs accusations de crimes commis pendant la guerre en Bosnie, ont affirmé les juges, qui continuent la lecture de leur jugement.
«Radovan Karadzic est pénalement responsable, en tant qu'individu, du crime de prise d'otages», a affirmé le juge O-Gon Kwon, ajoutant que l'accusé était également responsable de meurtres et persécutions dans plusieurs municipalités et à Sarajevo.
Les juges ont cependant rejeté l'une des deux accusations de génocide, dans sept municipalités de Bosnie, qui pesait contre l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie.
«La chambre n'a pas été capable, sur la base des preuves présentées, d'identifier une intention de génocide de la part de l'accusé», a affirmé le juge O-Gon Kwon : «l'accusé ne peut être tenu responsable de génocide sous le chef d'accusation numéro 1».
Radovan Karadzic, en costume foncé et cravate rayée bleu clair, était présent dans la salle d'audience, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Plus de 20 ans après le massacre de Srebrenica et le sanglant siège de Sarajevo, les juges du TPIY rendent jeudi après-midi leur verdict contre l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic, au terme d'un procès historique.
À 70 ans, Radovan Karadzic est inculpé de 11 chefs d'accusation pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis pendant la guerre en Bosnie, qui a fait plus de 100 000 morts et 2,2 millions de déplacés entre 1992 et 1995.
Radovan Karadzic est «anxieux», a affirmé à l'AFP son conseiller juridique, Peter Robinson.
De nombreuses victimes, dont d'anciens détenus des camps et des mères de Srebrenica, ont fait le déplacement, ainsi que des diplomates et journalistes venus du monde entier.
La police est présente en nombre, un officier assurant à l'AFP être «extrêmement vigilant» deux jours après les attentats de Bruxelles.
Quelques manifestants se rassemblaient en fin de matinée, assurant à l'AFP que Radovan Karadzic devait «être puni pour les accusations de génocide» : «après, les musulmans de Bosnie pourront enfin obtenir un peu de sérénité», a affirmé Hamdija Karahasanovic, 67 ans.
«C'est un jour essentiel pour la justice internationale», a ajouté Jasna Causevic, 58 ans.
Radovan Karadzic deviendra en effet le plus haut responsable à être jugé par le tribunal pour des crimes présumés commis pendant cette guerre, après la mort en 2006 de l'ancien président serbe Slobodan Milosevic au cours de son procès.
«Nettoyage ethnique»
Reconnaissable à sa mèche indomptable, Radovan Karadzic était le président de l'entité des Serbes de Bosnie, la Republika Srpska.
Il voulait, selon l'accusation, diviser la Bosnie et «chasser à jamais les musulmans et Croates des territoires revendiqués par les Serbes de Bosnie».
Mercredi, celui qui s'était défendu seul a pourtant affirmé à BIRN, un réseau d'information dans les Balkans, avoir livré «un combat permanent pour préserver la paix, prévenir la guerre et réduire la souffrance des tous les gens, indépendamment de leur religion».
Psychiatre de formation, il est notamment accusé de génocide pour le massacre de près de 8000 hommes et garçons musulmans à Srebrenica en juillet 1995, le pire à avoir été commis en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
Selon l'accusation, ce massacre s'inscrivait dans le cadre du «nettoyage ethnique» planifié par Radovan Karadzic avec le général Ratko Mladic et Slobodan Milosevic à l'issue du démantèlement de la Yougoslavie.
Il est par ailleurs accusé de génocide dans plusieurs autres municipalités de Bosnie, mais doit aussi répondre de persécutions, meurtres, viols, traitements inhumains ou transferts forcés.
L'accusation lui impute notamment la responsabilité du siège de Sarajevo, qui dura 44 mois et tua 10 000 personnes, et des camps de détention aux «conditions de vie inhumaines», selon l'accusation.
Autrefois fugitif le plus recherché du continent, Radovan Karadzic avait échappé à la justice internationale pendant près de 13 ans, se cachant sous l'identité d'un spécialiste de médecine alternative, arborant une barbe blanche nourrie.
Arrêté en 2008, son procès s'ouvre en 2009 et se termine en 2014, après 497 jours d'audiences et 586 témoins.
Prison à vie
L'accusation a requis la prison à vie à l'encontre de M. Karadzic, qui reste pour beaucoup de Serbes un «héros» de la guerre en Bosnie.
Pour les victimes, le principal enjeu de ce jugement est le premier chef d'accusation, celui de génocide dans les municipalités autres que Srebrenica.
Contrairement au massacre de Srebrenica reconnu comme génocide par la justice internationale, les juges n'ont pas encore reconnu qu'un génocide - qui est le crime le plus difficile à prouver en droit international - ait été commis dans d'autres municipalités.
Pour le procureur, ce jugement est «l'un des plus importants de l'histoire du tribunal et met en lumière la responsabilité des hommes politiques dans la souffrance de leur peuple», a-t-il affirmé à l'AFP.
Florence Hartmann, à La Haye en 2007.... (PHOTO OLAF KRAAK, ARCHIVES AFP) - image 2.0
Agrandir
Florence Hartmann, à La Haye en 2007.
PHOTO OLAF KRAAK, ARCHIVES AFP
L'ancienne porte-parole de la procureure du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), la Française Florence Hartmann, a été arrêtée jeudi par des gardes du tribunal, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Présente à l'extérieur du Tribunal, Florence Hartmann, en pleurs, a été emmenée par les gardes sous les protestations des manifestants venus à La Haye pour la lecture du jugement contre l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic.
Florence Hartmann, porte-parole de la procureure du TPIY Carla Del Ponte de 2000 à 2006, avait été condamnée pour outrage à la Cour en 2009 pour avoir publié dans un livre deux décisions confidentielles.
La décision avait été confirmée en appel en 2011, mais Mme Hartmann, ancienne correspondante du journal français Le Monde dans les Balkans, avait refusé de payer une amende de 7000 euros (plus de 10 300 $ CAN au taux de change actuel).
Les juges avaient alors décidé d'une condamnation à sept jours de prison et demandé aux autorités françaises d'arrêter et de transférer Mme Hartmann à La Haye, ce que le ministère des Affaires étrangères avait refusé.
Dans son livre Paix et Châtiment, publié en 2007, elle mentionnait deux décisions confidentielles rendues par la cour d'appel du TPIY dans le cadre du procès de Slobodan Milosevic, qui auraient permis, selon elle, de prouver l'implication de l'État serbe dans le massacre de Srebrenica.
Sa condamnation par le TPIY avait scandalisé de nombreux journalistes et organisations actives dans les pays de l'ex-Yougoslavie, qui s'étaient rassemblés au sein d'un comité de soutien.
MAUDE BRULARD
Agence France-Presse
LA HAYE
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire