Le président turc Recep Tayyip Erdogan a encore durci le ton mardi contre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en proposant de priver leurs «partisans» de leur nationalité, malgré les critiques qui dénoncent une répression déjà excessive.
Neuf mois après la reprise du conflit kurde, M. Erdogan a sans surprise écarté toute idée de discussion avec le PKK et même spectaculairement suggéré, pour la première fois, de déchoir de leur citoyenneté turque tous ceux qu'ils considèrent comme ses «complices», avocats, intellectuels, journalistes ou élus.
«Pour les mettre hors d'état de nuire, nous devons prendre toutes les mesures, y compris déchoir de leur nationalité les sympathisants de l'organisation terroriste», a-t-il lancé lors d'un discours devant des avocats à Ankara.
«Ces gens ne méritent pas d'être nos concitoyens (...) nous ne sommes pas obligés de porter sur notre dos quiconque est engagé dans une trahison à l'égard de son État et de son peuple», a martelé l'homme fort du pays.
Son premier ministre Ahmet Davutoglu a toutefois exclu mardi «pour le moment» de mesures de déchéance de nationalité. «Cette idée n'est pas mûre», a-t-il jugé devant la presse avant une visite en Finlande.
Après plus de deux ans de cessez-le-feu, le conflit kurde a repris l'été dernier et sonné le glas des pourparlers de paix engagés à l'automne 2012 par le gouvernement avec le PKK pour mettre un terme à une rébellion qui a fait 40 000 morts depuis 1984.
Un groupe radical dissident du PKK, les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), a revendiqué deux attentats à la voiture piégée qui ont fait plus d'une soixantaine de victimes en février et en mars en plein coeur d'Ankara.
Depuis l'été, M. Erdogan a ordonné de nombreuses arrestations et poursuites judiciaires contre les partisans de la cause kurde, notamment pour «propagande terroriste».
Plusieurs universitaires qui avaient signé en janvier une pétition pour dénoncer les «massacres» de l'armée contre les civils ont été placés en garde à vue. Trois d'entre eux ont même été incarcérés jusqu'à leur procès et risquent jusqu'à sept ans et demi de prison.
«Terroristes»
Le gouvernement a également lancé une procédure de levée de l'immunité de plusieurs députés du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde) qui avaient prôné une forme d'autonomie pour la minorité kurde du pays (20% de la population).
Ces initiatives ont suscité de vives critiques chez ses détracteurs, qui dénoncent sa dérive autoritaire et l'accusent de vouloir museler toute opposition.
La semaine dernière, le président américain Barack Obama avait dénoncé le «chemin très inquiétant» pris par la Turquie en matière de respect de la liberté de la presse.
Mardi, il a récidivé en prenant à nouveau pour cible les soutiens de la cause kurde. «Les partisans (du PKK) qui se présentent comme des universitaires, des espions qui s'identifient comme journalistes, un activiste déguisé en homme politique (...) ne sont pas bien différents des terroristes qui jettent des bombes», a-t-il dit.
M. Erdogan, dont le parti a remporté haut-la-main les législatives de novembre sur sa promesse «d'éradiquer» le PKK, a refusé tout dialogue avec la rébellion, une hypothèse que n'avait pas écartée, sous condition, M. Davutoglu la semaine dernière.
«Notre État n'a rien à gagner à parler avec les terroristes», a tranché le chef de l'État, «cette histoire est terminée».
Le sud-est à majorité kurde de la Turquie revit depuis des mois au rythme des combats meurtriers et quotidiens entre les forces de sécurité turques et les rebelles. Plus de 350 soldats ou policiers en ont été victimes, selon les autorités, qui évoquent un chiffre invérifiable de plus de 5.000 tués dans les rangs du PKK.
Lundi encore, l'aviation turque a lancé un nouveau raid contre les bases arrières de l'organisation situées dans le nord de l'Irak, selon l'état-major.
Les opérations lancées par l'armée pour neutraliser les militants du PKK, qui ont dressé des barricades dans plusieurs villes du sud-est, ont tué des dizaines de civils et provoqué l'exode de dizaines de milliers d'autres.
BURAK AKINCI
Agence France-Presse
ANKARA
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