Les services de renseignement français sont inquiets. Patrick Calvar, patron de la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), auditionné à huis clos le 24 mai dernier par la commission d’enquête parlementaire après les attentats de 2015, dresse un sombre tableau pour le pays.
Dans le rapport, rendu public ce mardi 12 juillet, Patrick Calvar évoque les limites de son
département. « Plus de 800 personnes ont l’intention de se rendre en Syrie ; or mon service compte 3500 personnes dont beaucoup ne sont pas impliquées dans la part opérationnelle », a-t-il déclaré.
Un rapport parlementaire datant de 2013 évoquait déjà le manque de moyens au sein de la Direction centrale du renseignement intérieur (aujourd’hui DGSI). À l’époque, les parlementaires français préconisaient de recruter 300 agents au cours des cinq prochaines années et d’optimiser les ressources techniques en faisant l’acquisition de drones performants.
La France en première ligne
Le directeur de la DGSI soutient que la France est l’un des premiers pays visés vu le nombre important de ses ressortissants partis combattre en Syrie. Des bombes à retardement qui peuvent décider de revenir à tout moment afin de commettre des attentats sur le sol français. « Ils sont au nombre de 400 ou 500 » révèle Patrick Calvar qui indique que la menace ne provient pas seulement des Français, mais des francophones en général.
« Des milliers de Tunisiens, de Marocains et d’Algériens peuvent être projetés sur notre territoire », ajoute-t-il. « Mon souci, c’est que je n’ai aucune visibilité sur les francophones issus d’Afrique du Nord qui, par des alliances linguistiques puis opérationnelles nouées là-bas – puisqu’ils ont combattu ensemble – peuvent s’engager dans un projet ou être désignés pour être partie prenante au même projet ». Au total, son service suivrait près de « de 2000 personnes » sans compter les « Nord-Africains ».
« Il s’agit de vrais soldats, nous avons changé de dimension »
Patrick Calvar parle également de la facilité avec laquelle les membres des cellules terroristes circulent dans l’espace européen et ce, malgré les « 9000 noms communiqués au fichier Schengen ». Selon le responsable, « faire des contrôles d’identité n’a plus aucun sens ».
La seule solution consiste à recourir à la « biométrie » pour contrer la qualité des faux papiers utilisés par les terroristes potentiels. Pour le cas Abaaoud, l’un des responsables des attentats de Paris en novembre 2015, le directeur des renseignements intérieurs français soutient qu’il n’y avait aucun moyen de le « neutraliser avant qu’il agisse » même s’il avait été identifié et signalé par la DGSI et que sa présence en Syrie était connue des services.
Très pessimiste quant à l’évolution de la situation sécuritaire en France, le responsable dit être persuadé que les terroristes « passeront au stade des véhicules piégés et des engins explosifs ». Selon lui, ces derniers envisageraient désormais de faire un maximum de victimes sans « sacrifier leurs combattants » une fois qu’ils auront « projeté des artificiers » sur le territoire français.
Confrontation entre l’ultra droite et le monde musulman
Celui qui s’exprimait déjà sur la montée des extrémistes en Europe explique cette fois qu’il y a nécessitée de « dégager des ressources pour nous occuper (au niveau européen, NDLR) d’autres groupes extrémistes parce que la confrontation est inéluctable ».
Le responsable de la DGSI fait ainsi référence à une probable confrontation entre l’extrême droite et le monde musulman dans son intégralité, et pas seulement « les islamistes », précise-t-il. Patrick Calvar insistait déjà sur ce point ces dernières semaines lorsqu’il parlait de sa crainte de voir éclater une guerre civile. « Encore un ou deux attentats et elle adviendra. Il nous appartient donc d’anticiper et de bloquer tous ces groupes qui voudraient, à un moment ou à un autre, déclencher des affrontements intercommunautaires », prévenait-il.
TSA.
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