Joseph Dunford, chef d’état-major des armées des États-Unis quitte une réunion confidentielle avec des membres du Sénat, du Département d’État et du Renseignement au sujet de la Corée du Nord et de l’Afghanistan, le 6 septembre 2017 (AFP)
ALGER – « Il est intolérable que ces pays-là entretiennent des relations normales avec un pays contre lequel le Conseil de sécurité a émis des sanctions ». Selon les confidences de ce diplomate américain à Middle East Eye, la pression que États-Unis exercent depuis l’an dernier sur les pays arabes entretenant des relations diplomatiques avec la Corée du Nord s’est accentuée avec les derniers tirs de missiles menés par Kim Jong-Un.
Qui aurait cru que la crise des missiles nord-coréens aurait des répercussions sur les régions déjà fragilisées de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ? La volonté de Washington de mettre au pas la Corée du Nord, qui passe par l’isolement diplomatique, concerne pourtant six capitales : Le Caire, Sanaa, Tripoli, Koweït City, Alger et – mais le contexte rend toute pression impossible – Damas.
Selon un homme d'affaires sud-coréen impliqué dans le business des technologies dans la région, contacté par MEE, tout a débuté après l'essai nucléaire du 6 janvier 2016. « À l’époque, Séoul et Washington se sont entendus sur une stratégie permettant d'isoler Pyongyang, en demandant à ces pays [à l’exception de la Syrie] les seuls à disposer d’une représentation diplomatique, de cesser toute relation », rapporte-t-il.
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L’annonce, par la très officielle agence de presse sud-coréenne Yonhap, lundi 11 septembre, de la rupture des relations militaires entre l'Égypte et la Corée du Nord, n’a donc rien de soudain. Annonce confirmée le lendemain par Sedki Sobhi, le ministre égyptien de la Défense, qui a même promis une plus grande coopération avec Séoul pour de nouvelles sanctions contre Pyongyang. « L'Égypte s’achemine vraisemblablement vers une rupture totale des relations diplomatiques », commente à MEE un collaborateur des Affaires étrangères algériennes en lien avec Le Caire.
Si l’Algérie est informée sur le sujet, c’est parce qu’elle entretient, avec la Libye, des relations historiques avec Pyongyang. Des centaines de soldats de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) avaient participé, par exemple, à la formation de l'armée pendant le règne de Mouammar Kadhafi.
« L'Égypte s’achemine vraisemblablement vers une rupture totale des relations diplomatiques »
-Un collaborateur des Affaires étrangères algériennes en lien avec Le Caire
Heureusement pour Séoul et Washington, la guerre civile en Libye mettra naturellement fin aux relations entre Tripoli et Pyongyang, les nouvelles autorités libyennes voyant d'un mauvais œil les anciens alliés du colonel déchu.
Si la guerre au Yémen a également dissous les échanges entre les deux pays, Damas garde, malgré la guerre, sa représentation diplomatique en Corée, mais il sera très difficile, voire impossible, pour les États-Unis de faire pression sur Bachar al-Assad.
L’ambassadeur de Corée du Nord, Jang Myong (en train de lire) à Damas en 2015, lors de l’inauguration d’un parc en l’honneur du fondateur et premier dirigeant de la Corée Kim II-Sung (AFP)
Des relations historiques
Reste l'Algérie qui recevra, dès janvier 2016, de multiples requêtes officielles à travers le nouvel ambassadeur de la République de Corée, Park Sang-jin, qui avait remis ses lettres de créances au président Bouteflika à peine trois semaines avant l'incident nucléaire, et qui avait longuement discuté avec le président algérien.
« À la même époque, le Département d’État a commencé à nous ‘’sensibiliser’’ à la nécessité de rompre avec la Corée du Nord », se souvient un diplomate algérien. Embarrassée par les excellentes relations qu’elle entretient avec les deux Corées, Alger se serait proposée comme force de médiation en refusant de couper avec Pyongyang.
La raison invoquée aurait été la suivante : la Corée du Nord est le premier gouvernement non arabe à avoir reconnu le Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) en 1958.
Dans les années 1990, Pyongyang s'est chargée de la formation des troupes spéciales algériennes et a aidé l'armée algérienne à faire face à la guerre civile
Ce que les diplomates algériens ne disent pas, c'est que Pyongyang a également joué un rôle déterminant en se tenant aux côtés d'Alger durant la « décennie noire » des années 1990, pendant lequel le pays s’est retrouvé confronté, en plus de la vague de violences de la part des groupes islamistes armés, à un embargo total sur les armes et à un ostracisme diplomatique. À l’époque, Pyongyang s'est chargée de la formation des troupes spéciales algériennes et a aidé l'armée algérienne à faire face à la guerre civile.
« Ce sont d'ailleurs ces deux raisons qui expliquent qu'Alger maintient ses relations avec Pyongyang », poursuit le diplomate. « La seule limite à cette bonne entente serait une agression de cette dernière contre ses voisins. »
Photo publiée par l’agence de presse officielle de Corée du Nord montrant le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un (AFP)
Dans les pas de l’Égypte, le Koweït suivrait quant à lui le même processus de reniement après sa décision unilatérale, le 10 août, de suspendre les liaisons aériennes avec Pyongyang.
Mieux, le petit émirat du Golfe qui offrait des opportunités de travail à la main d’œuvre nord-coréenne, a suspendu l'octroi de visas, interdit les transferts bancaires, les licences d'importations et demandé la réduction du nombre de diplomates à l'ambassade. Un prélude probable à une rupture totale.
Ce qui inquiète certains diplomates algériens. « On sait que la Corée du Nord est devenue une priorité pour Washington, surtout après la dernière série d'essais de missiles et celui de la bombe thermonucléaire. Les Américains vont vouloir forcer la main aux pays récalcitrants. Pour l’instant, nous n’avons pas reçu de menaces. Mais il se pourrait qu’en interne, les États-Unis décident, par exemple, de sanctions économiques, et que l’Algérie tombe sous le coup de ces sanctions… »
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