ministère du Commerce a demandé à Cevital de s’expliquer sur ses nouveaux prix du sucre et de l’huile. Quelle a été votre réponse ?
D’abord, je dois dire qu’il n’y aucun bras de fer avec le gouvernement sur cette question. Je suis respectueux des lois de la république. Nous sommes à la disposition des pouvoirs publics. Je crois qu’il y un malentendu. J’étais reçu ce matin par le directeur général du contrôle des prix au ministère du Commerce, puis par le ministre lui-même. Je les remercie. Les entretiens ont été très sereins et très amicaux. Le directeur général du contrôle des prix croyait que Cevital pratiquait du dumping, c’est‑à‑dire qu’il vendait à perte. Quand on lui a donné nos prix de revient et nos prix de vente, il a pu constater qu’il n’y a pas de dumping. Cevital a appliqué scrupuleusement les engagements et l’accord signé le 9 janvier entre les opérateurs et le ministre du Commerce. Cet accord stipulait que les opérateurs doivent s’engager à vendre les produits à des prix qui permettront aux commerçants détaillants de vendre le kilogramme de sucre à 90 dinars et la bonbonne de 5 litres d’huile à 600 dinars. Cevital a répercuté intégralement les taxes supprimées par le gouvernement sur le sucre et l’huile, TVA et droits de douane, sur ses anciens prix du sucre et de l’huile. Le directeur général a bien constaté que Cevital vend avec des prix et une marge bénéficiaire correcte.
Le ministère du Commerce a-t-il demandé à Cevital de relever ses prix ?
Le directeur général du contrôle des prix a demandé à Cevital de relever les prix afin de ne pas gêner les autres opérateurs qui n’ont pas de prix compétitifs comme les nôtres. Pour ce qui est de l’huile, on a répondu favorablement, que nous allons relever nos prix. Quant au sucre, j’ai expliqué au directeur général et au ministre que si on relevait les prix de ce produit, les exportateurs étrangers allaient inonder le marché national, et que de toute façon, les trois raffineries de Mostaganem, Guelma et Khemis Miliana allaient fermer. Parce qu'elles ne pourront supporter la compétitivité internationale, ni en qualité, ni en prix. Le seul moyen de barrer la route aux exportateurs étrangers, c’est d’appliquer des prix compétitifs sur le marché national, soit l’équivalent du prix de revient du sucre importé acheminé au port algérien, sans les frais de débarquement. Il serait souhaitable que les pouvoirs publics gèlent l’exonération des droits de douane et la TVA sur le sucre blanc importé.
Est-ce que l’accord du 9 janvier stipulait que les opérateurs doivent vendre tous au même prix et avoir les mêmes marges ?
Non. Il n’était pas question de vendre au même prix de revient. Une telle entente sur les prix tuerait la concurrence. D’ailleurs, la loi ne le permet pas. Mais les quatre autres producteurs d’huile l’ont fait en procédant ensemble le 2 janvier, c’est-à-dire avant l’éclatement des émeutes, à une augmentation de 11 dinars sur le litre d'huile, soit 55 dinars pour le bidon de 5 litres. Après les évènements, ils ont constaté qu’ils avaient commis une bourde pour revenir sur leur décision.
M. Rebrab, quelle est la situation actuelle sur le marché national du sucre ?
Actuellement, il y a quatre producteurs de sucre en Algérie. Il s’agit de Cevital, Ouest import avec deux raffineries à Mostaganem et Khemis Miliana et Propolis qui a une raffinerie à Guelma. La demande nationale de sucre avoisine 1,2 million de tonnes par an. Elle est couverte à 200 % par la production nationale. La capacité de production de sucre blanc de Cevital est de 1,8 million de tonnes par an. Nous fournissons 800 000 tonnes au marché national et nous exportons le reste. En 2010, nous avons exporté 400 000 tonnes. En 2011, nous comptons garder notre part de marché domestique et exporter un million de tonnes. Nous avons investi des centaines de millions de dollars pour nous doter d’une raffinerie de sucre de grande taille et de dernière génération pour devenir compétitif sur le marché international en termes de qualité du produit et du prix. Ces investissements ont permis à l’Algérie de passer du statut d’importateur de sucre à celui d’exportateur de ce produit.
Certains opérateurs reprochent à Cevital de chercher à s’accaparer le marché national du sucre. Est-ce que c’est vrai ?
Le groupe Cevital n’a aucune intention de s’accaparer la totalité du marché national. Il a toujours protégé et respecté ses confrères producteurs nationaux contre les exportateurs qui cherchent à inonder le marché et à mettre à genoux l’industrie nationale du sucre. Cevital n’a pas de monopole sur le sucre. Il y a trois autres raffineries. S’il y a des investisseurs capables d’investir en Algérie dans le sucre, nous serions heureux de les avoir comme confrères. Mais il y a une surcapacité dans la production de sucre dans notre pays. Il serait difficile à d’autres investisseurs d’engager des investissements lourds dans un secteur en surcapacité de production.
Comment expliquez-vous la décision du gouvernement de rouvrir le marché au sucre raffiné étranger ?
Je n’arrive pas à comprendre la décision du gouvernement de supprimer les droits de douane (30 %) et la TVA (17 %) sur le sucre blanc d’importation alors que l’Algérie est autosuffisante en matière de sucre et n’a pas besoin de recourir à l’importation pour approvisionner le marché. La demande nationale est couverte et nous dégageons des excédents à l’importation. Pour le sucre produit localement, il a supprimé 5 % des droits de douane sur le sucre roux et 17 % de TVA. On ne comprend pas non plus pourquoi le gouvernement a défiscalisé le sucre blanc importé et gardé les taxes à l’importation de l’huile raffinée.
Cevital a été montré du doigt comme étant à l’origine de la décision de certains grossistes de passer au réel en facturant la TVA aux commerçants détaillants, ce qui a engendré une hausse soudaine des prix des produits alimentaires dont le sucre et l’huile. Que s’est-il passé ?
Cevital n’a jamais exigé des grossistes ou autres opérateurs de nouvelles pièces pour la vente de ses produits. Il n’a jamais exigé de payement par chèque pour les transactions supérieures à 500 000 dinars et dont l’obligation entrera en vigueur le 31 mars prochain.
Pourquoi le groupe Cevital n’a-t-il pas baissé ses prix avant les émeutes ?
Cevital n’a pas augmenté ses prix avant les émeutes et n’a pas été à l’origine de la hausse des prix de ce produit dans le commerce. Le prix kilogramme de sucre était de 92,50 dinars dans nos magasins. Le prix actuel du sucre a été calculé sur la base du prix avant les émeutes, moins les taxes (17 %) et (5 %) supprimées par le gouvernement. Nous avons donc répercuté tout simplement cette réduction sur le prix.
L’Algérie risque-t-elle de perdre son statut actuel d’exportateur de sucre ?
Aujourd’hui, il y ruée vers la demande de factures pro forma pour l’importation du sucre étranger. Les exportateurs étrangers veulent inonder le marché national et étouffer les unités de production locale, notamment celles qui n’arrivent pas à produire un sucre de qualité international avec un prix compétitif. Des travailleurs seront mis au chômage. Cevital tiendra bon parce que nos prix sont très compétitifs par rapport au marché international.
Cevital a-t-il les moyens de faire face au sucre importé ?
Cevital a investi des centaines de millions de dollars pour se doter d’une raffinerie de sucre dans une taille critique pour optimiser les coûts de production et être compétitif sur le marché local et international. Le dernier investissement était de 15 milliards de dinars. Il a servi à construire une raffinerie de sucre d’une capacité d'un million de tonnes par an, un silo de sucre blanc (80 000 tonnes), un silo de sucre roux (150 000 tonnes) et deux centrales électriques en cogénération de 2X25 MW.
Cevital a fait ses preuves en Algérie et à l’étranger. Mais il faut savoir qu’il n’y a pas de place pour de petites raffineries de sucre qui ne pourront pas lutter contre la concurrence du produit étranger, ni en qualité, ni en prix. Notre décision de fixer le prix du kilogramme de sucre à 69,50 DA est destinée à protéger le marché national des exportateurs. On n’a pas le choix.
(entretien, Hamid Guemache)
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