La guerre de Libye va-t-elle durer ? La question se posait déjà avec acuité, dimanche 20 mars, après deux jours de frappes, alors que le colonel Kadhafi promettait une "guerre longue" et que la coalition internationale mobilisée contre lui semblait encore chercher ses marques, sa composition exacte et les règles qui gouverneraient son action.Le revirement de l'administration Obama en faveur de frappes aériennes a été l'élément décisif permettant l'intervention, autorisée par l'ONU à l'issue d'une bataille diplomatique où il fallut empêcher les veto russe et chinois, mais aussi rallier des pays hésitants jusqu'au bout, comme le Nigeria et l'Afrique du Sud.
Britanniques et Français ne se seraient pas engagés militairement en Libye sans l'accord et l'appui matériel de Washington. Un soutien qui, lui-même, dépendait du positionnement des pays arabes, dont les capitales occidentales observaient dimanche avec inquiétude qu'il paraissait ébranlé. Amr Moussa, le secrétaire de la Ligue arabe, s'était en effet mis à critiquer les modalités de l'intervention.
Jusqu'à la veille du vote à l'ONU autorisant l'emploi de la force, les tergiversations de Washington sur le dossier libyen avaient fini par susciter de l'agacement à Paris, où certains s'interrogeaient sur la capacité de leadership de M.Obama. Mais, à l'image des débats qui ont traversé l'establishment américain, les responsables français ont, eux aussi, connu des discussions animées en interne.
Le premier ministre, François Fillon, en particulier, avait fait connaître assez tôt son opposition à une zone d'interdiction aérienne, opération jugée trop lourde et drainant trop de ressources. Au ministère de la défense, des réticences s'exprimaient à l'idée d'un engagement militaire en Libye. Des réunions se sont tenues à l'Elysée pour unifier les points de vue. Le ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, plaidait pour l'intervention, sur la base de frappes ciblées. Nicolas Sarkozy a opté pour une politique très engagée, plaçant la France en première ligne, au risque de bousculer des alliés lorsqu'il a parlé, le 11mars à Bruxelles, d'"opérations ciblées sur quelques objectifs militaires".
WASHINGTON PLUTÔT POUR UN COMMANDEMENT BRITANNIQUE
Les Etats-Unis ont fini par se décider face à l'urgence qu'entraînait la débandade des forces de Benghazi – mais en considérant que l'affaire libyenne devait rester circonscrite. "Les Américains ont voulu y être, mais pas longtemps, et partir vite", dit une source européenne proche du dossier. D'où la question: "Jusqu'où veut-on aller?" L'administration Obama est décrite comme obsédée par le dossier Bahreïn-Arabie saoudite, au cœur d'enjeux stratégiques dans la région du Golfe. Si la crise libyenne devait durer, à qui s'en remettre ? Washington pencherait plutôt pour un rôle britannique dans le commandement.
Les Etats-Unis ont pour l'instant pris la main au plan opérationnel, après avoir laissé les avions français procéder samedi, en premier, à des frappes dites"opportunes", visant à couper la route à des unités de Kadhafi avançant vers les rebelles. La destruction des défenses antiaériennes libyennes a été prise en charge par des missiles américains et britanniques, tirés de navires et de sous-marins.
Après l'affichage d'un tandem franco-britannique en faveur de frappes, des tiraillements se sont fait sentir entre Paris et Londres, à la veille du lancement de l'opération armée. Les Britanniques ont en effet insisté, comme les Américains, sur un rôle proéminent pour l'OTAN, dont la France avait déclaré qu'il serait"inapproprié".
La bataille diplomatique sur ce thème a fait rage jusqu'à samedi matin, à quelques heures de l'ouverture du sommet de Paris, auquel le secrétaire général de l'OTAN,Anders-Fogh Rasmussen, n'était pas invité. Les Français se sont opposés avec virulence à l'activation de l'Alliance atlantique pour la zone d'interdiction aérienne, après avoir découvert que le "concept d'opération" élaboré au sein de l'OTAN courait sur plus d'une centaine de pages: Paris a refusé d'être mis devant un fait accompli. Mais chacun reconnaît en privé que, si les opérations sont amenées à durer, l'OTAN pourrait devenir un recours incontournable, en raison de ses capacités.
C'est donc pour l'instant une coalition de pays volontaires qui s'est mise en branle, avec des contours encore mal définis. L'entrée en jeu de pays arabes, essentiel au plan politique et symbolique, s'est fait attendre. L'Egypte a beaucoup déçu en refusant d'endosser un rôle.
Le Qatar, selon nos informations, finance l'insurrection de Benghazi. Il devait par ailleurs déployer "quatre avions" dans le ciel libyen, a annoncé, dimanche, le ministère français de la défense. Les Emirats arabes unis avaient pour leur part promis 24 avions, mais dimanche le nombre était révisé à la baisse, indiquait-on de source occidentale: "Peut-être une douzaine."
Le Qatar, selon nos informations, finance l'insurrection de Benghazi. Il devait par ailleurs déployer "quatre avions" dans le ciel libyen, a annoncé, dimanche, le ministère français de la défense. Les Emirats arabes unis avaient pour leur part promis 24 avions, mais dimanche le nombre était révisé à la baisse, indiquait-on de source occidentale: "Peut-être une douzaine."
D'autres inquiétudes surgissent. Un nombre important de missiles sol-air, menaçants pour les avions de la coalition, serait "sorti des parcs" libyens pendant l'insurrection. Les rebelles les utiliseront-ils à bon escient? Et qu'adviendra-t-il, à l'avenir, de ces armements? s'interroge-t-on côté occidental. "Ça ira au Sahel ?"
Natalie Nougayrède
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