mardi 15 mars 2011

Le DRS, l’armature du régime algérien


                         Il exerce un contrôle systématique sur la société algérienne 
La bataille contre la police politique est assurément l’une des victoires les plus remarquables dans l’effort de construction démocratique à laquelle s’attellent actuellement les pays arabes dont les régimes dictatoriaux viennent d’être disqualifiés par les révoltes populaires. Les régimes de Ben Ali et de Moubarak entraînent dans leur chute le «démantèlement» de redoutables appareils sécuritaires sur lesquels ils ont assis leur autoritarisme. Le gouvernement tunisien a carrément opté pour la dissolution de la fameuse police politique.
En Egypte, en prenant d’assaut les locaux des effroyables moukhabarate, les Cairotes découvrent avec stupéfaction les pratiques d’un appareil qui a semé toute sa terreur à tous les niveaux de la société. Des méthodes dignes de celles de la Stasi du temps de l’Allemagne de l’Est.

Le département de renseignement et de sécurité ou le «Pouvoir réel»
Dans ces deux pays, la nouvelle situation politique nécessite la disparition ou la reconversion de «ses services» qui ont constitué jusque-là le cœur du pouvoir. Une condition sine qua non pour les besoins d’un succès démocratique.
Qu’en est-il de l’Algérie et de ses services de renseignements, le Département de renseignement et de sécurité (DRS) ? Héritier de la sinistre sécurité militaire (SM) dissoute après les évènements d’Octobre 1988, le DRS est publiquement cité par les forces politiques d’oppositions comme étant le «noyau dur du pouvoir», «le pouvoir occulte» ou encore «le pouvoir réel».
En privé, de nombreux responsables politiques proches du pouvoir admettent que «sans l’aval du DRS rien ne peut se faire» dans le pays. Son empreinte est partout, dans la nomination à de hautes fonctions de l’Etat, dont des ministres, jusqu’à la plus anodine des décisions dont l’intérêt n’est pas avéré pour le commun des mortels. «Les services de renseignement ont empiété sur le champ politique», estime l’ancien officier du DRS, Mohamed Chafik Mesbah (voir l’entretien). Cette institution, qui devait avoir comme mission, la lutte contre toute forme d’espionnage et la garantie de la sécurité du pays, a vu ses «prérogatives» prendre de l’ampleur et de l’influence au fil des années.
Elle est devenue à l’ombre de la crise qu’a connue le pays durant les années 1990 un redoutable instrument de contrôle de la société aux méthodes très contestées notamment par l’opposition.
Elle jouit de larges pouvoirs qui s’exercent souvent dans l’ombre et sans qu’elle ne soit soumise à un quelconque contrôle des instances démocratiquement élues, du reste inexistantes à cet effet justement.
«Nécessaire dissolution de la police politique»
Le Front des forces socialistes (FFS) dont son chef historique évoque régulièrement «le rôle paralysant des services», estime que les pratiques de la police politique «sont incompatibles» avec l’existence d’un Etat de droit. Le premier secrétaire de ce parti, Karim Tabbou a indiqué que «depuis sa fondation, le FFS travaille à libérer le politique de la police politique. La confusion entretenue entre police politique et missions de sécurité nationale doit être levée. Les pratiques de la police politique sont incompatibles avec l’existence d’un Etat de droit».
Selon Tabbou, «ces pratiques empêchent l’exercice de la citoyenneté. Pratiquant le noyautage des partis, des syndicats et des associations, intervenant de manière abusive dans la vie interne des organisations, détournant à des fins manipulatoires les débats essentiels de la vie politique de la société et de la nation. Par la distribution des rôles, elle remplace la diversité réelle des analyses et des positions politiques. Elle procède aussi en accordant une surface médiatique disproportionnée à ceux qui servent ses impostures».
Le premier secrétaire du FFS note aussi qu’«en tout état de cause, la police politique entrave l’émergence d’une conscience politique citoyenne. La fonction politique de cette police est de faire régner un climat de peur et d’insécurité. Elle travaille à rendre l’Etat otage du régime et la société otage des archaïsmes».
De son côté, le RCD a estimé que «l’Algérie subit les contrecoups de la police politique depuis 1962». Par la voix de son porte-parole, Mohcen Belabes, le RCD considère que «le DRS issu historiquement du MALG est responsable de tous les problèmes qu’a connus le pays depuis son indépendance. Actuellement, c’est cette institution qui détient le pouvoir et c’est le général Toufik (patron du DRS) qui a ramené Bouteflika à la présidence de la République», a ajouté M. Belabes.
Il a indiqué également que «les ministres de souveraineté sont issus de cette police politique tout comme les walis et les chefs de daïra». Si le RCD a estimé que «certes, le pays a besoin des services de renseignements pour défendre les intérêts du pays contre des ennemis extérieurs, il est par ailleurs, fondamental de dissoudre la police politique et mettre toutes les institutions militaires sous le contrôle des autorités civiles», a précisé le porte-parole du RCD. La police politique «est consubstantiellement liée aux régimes autoritaires», a rappelé l’avocat et défenseur des droits de l’homme, Mokrane Aït Larbi. Est-ce le cas de l’Algérie ? L’avocat répond : «Dans un pays où un magistrat est convoqué par un agent de la police politique pour l’interroger sur sa carrière et lui établir une fiche et c’est valable pour beaucoup d’autres domaines, veut tout dire.» Et d’ajouter, «C’est la justice qui est au service de la police politique et non pas l’inverse». «Il est temps de demander la dissolution de cette police politique», a plaidé l’avocat.
Depuis 20 ans, le général Toufik est patron des services
Les trois lettres (DRS) reviennent régulièrement dans la bouche des Algériens dès qu’il s’agit du politique et du changement.
Ce «Département», qui regroupe en son sein une dizaine de directions qui opèrent dans différents secteurs da la vie nationale, est sous le patronage du général de corps d’armée, Mohamed Mediène dit Toufik, depuis 1990.
L’homme est autant secret que les services qu’il dirige.
Il n’apparaît jamais en public. Sont très rares ceux qui connaissent le visage et la voix de cet homme, cultivant tout un mystère autour de lui.
Théoriquement dépendant de l’armée, cette institution s’est «dotée» de larges pouvoirs au point de devenir l’armature du régime.
Les autres institutions civiles, élues ou désignées, s’effacent devant elle.
L’omnipotence de cette police politique rend hypothétique toute possibilité de changement démocratique dans le pays. Mais est-ce une fatalité ? Pas si sûr. Les autres pays arabes, comme nos voisins la Tunisie ou l’Egypte l’ont déjà bien compris. Aujourd’hui, ils n’en veulent plus et ils le montrent.
Hacen Ouali
El Watan

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