jeudi 6 septembre 2012

Interview : Mohamed Chafik Mesbah analyse le dernier remaniement----- "La crise porte sur le système de gouvernance, pas sur la composition du gouvernement"


Mohamed Chafik Mesbah.jpgLe président de la République a procédé, mardi, à un remaniement du gouvernement. Le timing choisi a‑t‑il une signification particulière ?
Le président Abdelaziz Bouteflika a l’habitude de prendre tout son temps pour prendre ses décisions, notamment quand il s’agit de remanier le gouvernement. Cette fois, la volonté de distraire l’attention de l’opinion publique de l’exécution du diplomate algérien, otage au Mali, a sans doute joué dans le choix du timing pour annoncer le changement de gouvernement. Mais le remaniement devait intervenir, dans tous les cas de figure, avant la rentrée sociale. Cet épisode malheureux intervenu au Mali a sans doute précipité les choses.
 
 
Comment peut‑on interpréter le choix d’Abdelmalek Sellal comme Premier ministre ?
 
Abdelmalek Sellal présente l’avantage de réunir trois critères importants aux yeux du président Abdelaziz Bouteflika. Premièrement, il n’y a pas de doute que M. Sellal est plus proche du chef de l’État que M. Ouyahia. Disons que le président de la République va dormir sur ses deux oreilles maintenant que le gouvernement est dirigé par un de ses proches.
 
Deuxièmement, M. Sellal est une personnalité consensuelle, chaleureuse et conviviale. Il sera sans doute moins hargneux que son prédécesseur dans ses rapports avec ses collaborateurs et protagonistes. Troisièmement, contrairement à son prédécesseur, Abdelmalek Sellal n’a pas d’agenda personnel qui soit contradictoire avec celui du chef de l’État. Il n’a pas d’ambition présidentielle. Il reste à savoir s’il disposera d’une marge de manœuvre pertinente pour donner un sens politique à sa gestion des affaires publiques en qualité de Premier ministre.
 
 
Quelle importance faut‑il accorder au départ d’Ahmed Ouyahia ?
 
Il est clair que les rapports de M. Ouyahia avec le président de la République ont été exécrables. Dans ses dernières déclarations, l’ancien Premier ministre a cherché à se décharger de la responsabilité du bilan économique et social sur la Présidence de la République. Naturellement, il est en posture d’entamer sa campagne pour les présidentielles de 2014. Mais il est dans la ligne de mire du chef de l’État. S’il se découvre trop tôt, il est mort.
 
 
Les personnalités qui dirigent les ministères régaliens (Défense, Affaires étrangères, Intérieur et Finances) ont été reconduites. Seuls les ministères techniques ont été touchés par le remaniement…
 
L’enseignement le plus important à tirer de ce remaniement ministériel, c’est le départ des ministres qui étaient comptabilisés sur le compte du premier cercle présidentiel. Abdelaziz Bouteflika préserve ses proches de poursuites éventuelles. Mais dans le même temps, il avoue l’échec de leur gestion. Pour le reste, il apparaît que le président de la République veut maintenir le contrôle sur les ministères régaliens, comme vous dites. En somme, la marge de manœuvre laissée à l’initiative du Premier ministre concerne les ministères de seconde importance. La répartition des pouvoirs entre la présidence de la République et le Premier ministère se lit en filigrane. Toujours à propos de la composition de ce gouvernement remanié, faut‑il vraiment insister sur l'élargissement du gouvernement aux représentants de ces trois partis insignifiants ?
 
 
Quel impact aurait ce remaniement sur le statut quo actuel ?
 
Malgré toute la sympathie que peut inspirer la personnalité d’Abdelmalek Sellal, il faut se rendre à l’évidence. La crise porte sur le système de gouvernance, pas sur la composition du gouvernement. Les premières déclarations du nouveau Premier ministre indiquent qu’il n’existe pas de volonté réelle d’entamer une véritable transition démocratique. C’est une continuation du mode de gouvernance précédent avec des changements qui touchent à la forme. Hélas, l'implosion, à plus ou moins brève échéance, s'annonce comme une fatalité. 

TSA

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