Au 29e jour d'une insurrection sanglante, les troupes fidèles à Kadhafi ont effectué une avancée déterminante dans leur offensive militaire. A Paris, les ministres des affaires étrangères du G8 peinent à se mettre d'accord sur une éventuelle intervention.
- Les troupes fidèles à Kadhafi se rapprochent de Benghazi
Les forces pro-Kadhafi avaient dès lundi affiché leur objectif : faire tomber la ville d'Ajdabiya, distante de 160 km seulement de la "capitale" des rebelles, Benghazi. A la mi-journée, leur mission semblait accomplie, malgré les dénégations du Conseil national libyen, qui assurait mardi soir que la ville "est toujours aux mains des révolutionnaires". "La chute d'Ajdabiya a été extrêmement rapide", expliquait dans l'après-midi l'envoyé spécial du Monde sur place, Rémy Ourdan.
Dans la soirée, l'armée libyenne a annoncé une opération imminente contre Benghazi, deuxième ville du pays, où siègent les instances dirigeantes de l'opposition, dans un communiqué diffusé sur la télévision officielle libyenne. S'adressant aux habitants de la ville, l'armée a affirmé : "Les forces armées arrivent pour assurer votre sécurité, lever l'injustice qui vous a été faite, vous protéger, et ramener le calme et la vie normale." "Il s'agit d'une opération humanitaire menée dans votre intérêt, qui n'est pas destinée à se venger de quiconque", fait savoir l'armée, fidèle au colonel Mouammar Kadhafi.
Le dirigeant libyen a déclaré dans la soirée être "déterminé à écraser les ennemis", dans un discours télévisé, martelant : "S'il s'agit d'un complot étranger nous allons l'écraser, s'il s'agit d'un complot intérieur nous allons aussi l'écraser." Peu après, plusieurs sources ont fait état sur Twitter du crash d'un avion de chasse sur la résidence de Kadhafi à Tripoli, Bab Al-Azizya. Le pilote, officier de l'armée libyenne, aurait décollé de Tripoli avant de lancer intentionnellement l'appareil sur la résidence. Deux personnes seraient mortes à l'intérieur du bâtiment.
Un journal en ligne libyen d'opposition rapporte par ailleurs qu'un chasseur MiG-23 et un hélicoptère aux mains des insurgés ont réussi à couler deux navires de guerre de la marine nationale au large du golfe de Syrte, non loin de la ligne de front d'Ajdabiya. Le site internet de Brniej, citant un officier de l'armée de l'air non indentifié de la base aérienne de Benina, à Benghazi, a précisé que le MiG a également bombardé un certain nombre de chars aux environs des localités de Brega et d'Ajdabiya, toutes deux tombées mardi aux mains des forces loyales au colonel Kadhafi.
Source : LeMonde.fr
"Les civils comme les militaires fuient désormais vers Benghazi", dernier bastion des insurgés. Les combats ont fait au moins trois morts et une quinzaine de blessés, selon des médecins, en plus de deux morts reçus pendant la nuit de lundi à mardi. Dans le courant de l'après-midi, les troupes fidèles au colonel ont barré la route reliant les deux villes.
Par ailleurs, l'agence Reuters indiquait mardi que l'armée de Mouammar Kadhafi contrôlait désormais la ville pétrolière de Brega, dans le golfe de Syrte. "Nous avons totalement perdu Brega. Nous ne pouvions pas faire face aux forces de Kadhafi", avait déclaré un rebelle à l'agence. La veille, cette ville était encore disputée aux forces loyalistes par les insurgés.
- A Paris, le G8 promet des sanctions plus fermes
Les grandes puissances réunies au sein du G8 à Paris ont écarté, faute de consensus, l'option militaire pour ralentir les forces de Mouammar Kadhafi, se bornant à promettre pour cette semaine une nouvelle résolution à l'ONU sur des sanctions renforcées. "Nous sommes d'accord pour demander au Conseil de sécurité d'accroître ses pressions", a déclaré le ministre des affaires étrangères français, Alain Juppé. Les conclusions du sommet ne mentionnent pas l'option d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye, voulue à l'origine par Paris et Londres, ainsi que la Ligue arabe.
Mardi en fin d'après-midi, Alain Juppé a indiqué devant la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale que l'idée d'instaurer une zone d'exclusion aérienne en Libye est désormais "dépassée". "Ce n'est pas ça qui aujourd'hui arrêtera l'avancée de Kadhafi, mais enfin il faut en discuter et peut-être revenir à la proposition que nous avions faite", a-t-il dit, ajoutant que "l'idée de la France était non pas de concevoir une zone d'exclusion aérienne, difficile sur un territoire aussi vaste que celui de la Libye, mais, à condition bien sûr d'avoir un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, des frappes ciblées sur un certain nombre d'objectifs militaires qui auraient permis de priver Kadhafi de cette possibilité de bombarder".
Un groupe de puissances comprenant les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France espère présenter à l'ONU, dès mardi, un projet de résolution durcissant les sanctions contre la Libye. "Si nous sommes bloqués aujourd'hui, ce n'est pas seulement parce que l'Europe est impuissante, c'est parce qu'au Conseil de sécurité, pour l'instant, la Chine ne veut pas entendre parler d'une résolution conduisant à une ingérence de la communauté internationale dans les affaires d'un pays", a déclaré le ministre. "Kadhafi marque des points", a regretté M. Juppé, estimant que la communauté internationale ne pourrait pas empêcher les forces gouvernementales de reprendre Benghazi.
De son côté, le représentant permanent de la France aux Nations unies, Gérard Araud, a déclaré mardi soir que Paris était "profondément affligé" par l'incapacité du Conseil de sécurité à réagir devant l'avancée des forces libyennes.
Barack Obama a renouvelé, lundi soir, sa mise en garde au dirigeant libyen : "M. Kadhafi a perdu sa légitimité et il faut qu'il parte", a déclaré le président américain. En revanche, sa secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, a refusé de promettre une aide militaire aux rebelles, même sous la forme de livraisons. Le Trésor américain a, pour sa part, indiqué que les Etats-Unis étendaient leurs sanctions visant la Libye à seize entreprises publiques du pays, dont sa compagnie pétrolière, des fonds souverains et des banques.
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