Professeur Abderrahmane MEBTOUL
Je ne saurai trop insister que l’économie est politique et que l’histoire fondement de la connaissance, d’où l’importance du devoir de mémoire, ne se découpe pas en morceaux, existant des imbrications dialectiques au cours du temps. L’objet de cette modeste analyse certainement imparfaite se limitant aux aspects socio-économiques se veut une contribution pour dépasser la crise multidimensionnelle à laquelle est confrontée l’Algérie, personne n’ayant le monopole du nationalisme d’où la vertu du dialogue permanent entre toutes les forces socles sans exclusive.
1- La période de 1962 à 1979 où l’économie socialiste spécifique
C’est de l’hymne à la liberté chantée en I962 dans les rues de l’ensemble de l’Algérie indépendante, les espoirs suscités par le socialisme spécifique à l’algérienne, l’autogestion des domaines des colons qui devait élever la production, restituer les paysans dans leur dignité, mais aussi les luttes de pouvoir entre l’Intérieur et l’Extérieur des différents clans.
Le 19 juin I965, le Président élu auparavant est destitué et c’est le discours du sursaut révolutionnaire du fait que l’Algérie serait au bord de la faillite. Il fallait la redresser, grâce à un pouvoir fort qui résisterait aux évènements et aux hommes, à travers trois axes : la révolution industrielle, la révolution agraire, et la révolution culturelle, en prenant comme base le plan économique du programme de Tripoli qui repose sur la dominance du secteur d’Etat, comme fer de relance de l’économie nationale, à travers les grosses sociétés nationales.
Ce sont les discours triomphants de constructions des usines les plus importantes du monde, du bienfait de la révolution agraire, garantie de l’indépendance alimentaire, de l’école et de la santé pour tous et de la promesse solennelle que nous deviendrons, horizon 1980, le Japon de l’Afrique avec les lancements du plan triennal 1967-1969,du premier quadriennal 1970-1973 et du second quadriennal 1974-1977. Le système d’information, socio-éducatif participait à ces slogans idéologiques, comme façonnement des comportements.
Nous assistons aux discours de la vertu des fameuses industries industrialisantes avec la priorité à l’industrie dite lourde et au niveau international l’Algérie leader du nouvel ordre économique international dans sa lutte contre l’impérialisme, cause fondamentale du développement du sous développement.
Et voilà qu’après la mort du Président après une longue maladie et une lutte de pouvoir qui se terminera par un compromis avec la venue d’un nouveau président, qu’en 1980, nous apprenons de la part des responsables politiques que cette expérience a échoué et que la période passée était une décennie rouge.
Les nombreuses commissions, dont les résultats sont jetés dans les tiroirs après des exploitations politiques, contribueront à ces dénonciations. Du fait de la compression de la demande sociale durant la période précédente et surtout grâce au cours élevé du pétrole, les réalisations porteront sur les infrastructures, la construction de logements et l’importation de biens de consommation finale avec le programme anti-pénurie avec la construction sur tout le territoire national des souks fellahs.
L’Algérie ne connaît pas de crise économique selon les propos télévisés un d’ex Premier Ministre, qui touchait en ces moments les pays développés avec un baril en termes de parité de pouvoir d’achat 2010, équivalent à 70/80 dollars. C’est alors l’application mécanique des théories de l’organisation, en les fractionnant, car les grosses sociétés nationales ne seraient pas maîtrisables dans le temps et l’espace.
En 1986, la population algérienne contemple l’effondrement du cours du pétrole les listes d’attente et l’interminable pénurie. Et voilà que nous avons un autre discours : les algériens font trop d’enfants, ne travaillent pas assez. C’est à cette période que s’élaborent les premières ébauches de l’autonomie des entreprises publiques avec la restructuration organique. L’on fait appel à la solidarité de l’émigration que l’on avait oubliée.
IL s’ensuit l’effondrement du dinar dont on découvre par magie que la parité est en partie fonction du cours du dollar et du baril de pétrole et non au travail et à l’intelligence seules sources permanentes de la richesse.
On loue alors les vertus du travail, de la terre, l’on dénonce les méfaits de l’urbanisation, du déséquilibre entre la ville et la campagne, et l’on redécouvre les vieux débats entre partisan de l’industrie lourde qui serait néfaste, les bienfaits de l’industrie légère et la priorité à l’agriculture dont on constate le niveau alarmant de la facture alimentaire. Et comme par enchantement c’est le slogan de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut et au moment qu’il faut.
2-La période historique de 1980 à 1999 : crise politique et économique
Après une période d’euphorie (investissement essentiellement dans les infrastructures, programme anti pénurie entre 1980/1985 avec les grandes entreprises commerciales étatiques), c’est la crise de 1986 avec l’effondrement des cours de pétrole de plus de 70%.
Comme conséquence, c’est le début timide d’une presse libre et d’un multipartisme que l’on tente de maîtriser par l’éclosion de Partis (une famille pouvant fonder un parti avec des subventions de l’Etat) avec la naissance d’une nouvelle constitution en 1989 qui introduit des changements fondamentaux dans notre système politique qui avait un caractère monocratique depuis l’indépendance conférant ainsi à notre système politique un caractère pluraliste.
Elle était cependant porteuse d’une vision hybride de la société, dans la mesure où certains articles renvoyaient à des options politico-économiques et politico-idéologiques contradictoires traduisant un non consensus sur la voie économique à suivre. Sur le plan économique, entre I989-I99O, c’est l’application des réformes avec l’autonomie de la banque centrale, à travers la loi sur la monnaie et le crédit, la libéralisation du commerce extérieur, une tendance à l’autonomie des entreprises et l’appel, très timidement, à l’investissement privé national et international sous le slogan secteur privé facteur complémentaire du secteur d’Etat.
Après le socialisme spécifique, c’est l’économie de marché spécifique avec la dominance du secteur d’Etat soumis à la gestion privée. Effet de la crise économique, nous assistons à une crise politique sans précédent qui couvait déjà puisque un ex chef de gouvernement qui agissait dans le cadre de la Constitution de 1976, amendée en 1989, s’est opposé au Chef de l’Etat refusant de démissionner en invoquant la responsabilité politique de son gouvernement devant la seule Assemblée nationale, qui était au mains du FLN dont le président n’était autre que le même Président.
La crise fut accélérée par des élections législatives, coordonnées par un nouveau chef de gouvernement issu des hydrocarbures. Une explosion sociale s’ensuivit avec des élections remportées par le courant islamique dont l’aboutissement sera la démission de ce Président après plus d’une décennie de pouvoir. Le procès est fait cette fois à la décennie noire de 1980/1990. Et c’est la liste interminable de chefs de gouvernement et de ministres, changement successif du à la profonde crise qui secoue le pays.
C’est la naissance du Haut Comité d’Etat (HCE), la venue d’un historique et figure charismatique qui donnera une première lueur d’espoir, présidera à peine six mois le HCE avant d’être assassiné, son remplacement par un autre membre du HCE, avec parallèlement, un Conseil Consultatif faisant œuvre de parlement désigné. L’on rappellera comme chef de gouvernement le père de l’industrie lourde des années I97O qui prônera l’économie de guerre. Son départ fut rapide du fait de la cessation de paiement.
Lui succèdera un premier ministre membre du HCE artisan du programme de Tripoli qui signera l’accord de rééchelonnement avec le FMI, démissionnant tout juste après, l’Algérie étant en cessation de paiement n’ayant pas de quoi acheter un kilo de farine. Les accords avec le FMI verront une baisse drastique de la valeur du dinar (75% environ) avec l’accord pour le rééchelonnement de la dette en mai 1993 avec le Club de Paris( dette publique) et le Club de Londres (dette privée ), accompagné d’un Programme d’ajustement structurel (PAS) entre l’Algérie, le FMI, la Banque mondiale (BIRD) et l’Union européenne afin de remédier aux déséquilibres de la balance des paiements fortement affectée par la chute des cours des hydrocarbures et du poids de la dette extérieure.
La période qui suit verra un Chef d’Etat avec un parlement de transition à savoir le C.NT (conseil national de transition) combinaison d’associations et de partis politiques désignés. Viendront les élections d’un Président dont le discours sera axé sur le rassemblement, pour sortir le pays de la crise et une nouvelle constitution (1996) qui va s’attacher à éliminer les éléments de dysfonctionnement de la
Constitution de 1989 en encadrant de manière sévère les mutations que je viens de rappeler. Elle crée la seconde chambre, dite Conseil de la Nation, et par le truchement de l’article 120, lui donne pratiquement le pouvoir de bloquer un texte de loi voté par la première chambre, l’APN. Mais fait nouveau et important, elle limite le mandat présidentiel à deux étalé sur cinq années.
Mais nous sommes toujours dans la même ambiguïté politique en maintenant le caractère dual de l’Exécutif,( ni régime parlementaire, ni régime présidentiel) tout en consolidant le système de Conseils existants dont l’institution d’un Haut Conseil Islamique et d’un Haut Conseil de Sécurité qui est présidé par le président de la République.
C’est à cette période que naît le Parti le rassemblement national démocratique (R.N.D) dont le fondement du discours est la lutte anti-terroriste qui raflera presque tous les sièges en 8 mois d’existence tant à l’APN qu’ au Sénat au détriment du Parti FLN et qui provoquera par la suite des protestations interminables et une commission sur la fraude électorale dont les conclusions ne verront jamais le jour.
Les parlementaires du fait de la situation sécuritaire de l’époque, auront surtout pour souci de voter des rémunérations dépassant 15 fois le SMIG de l’époque alors que la misère se généralise, oubliant naturellement du fait de la généralisation des emplois rentes, qu’un parlementaire aussitôt sa mission terminée retourne à son travail d’origine et qu’une retraite automatique revient à afficher un mépris total pour une population meurtrie.
Dans la foulée, la venue de deux chefs de gouvernement dont le premier technicien pratiquera le statut quo et le second l’application des accords du FMI qui aura à son actif le cadre macro-économique stabilisé mais avec des retombées sociales négatives du fait de la douleur de cet ajustement.
3-La période historique de 1999 à 2011 : la rente toujours la rente
Ce président démissionne et des élections sont programmées le 08 avril I999 avec l’élection d’un Président qui promet de rétablir l’Algérie sur la scène internationale de relancer la croissance économique pour atténuer les tensions sociales et de mettre fin à l’effusion de sang qui sera verra plus tard le référendum sur la réconciliation nationale avec un vote massif en faveur de la paix.
Un chef de gouvernement est nommé après plus de 8 mois d’attente mais son mandat sera de courte duré, à peine une année, du fait des conflits de compétences. Un second chef de gouvernement lui succèdera mais qui démissionne, tout en se présentant candidat à la présidence avec comme conséquence une dualité dans les rangs du FLN dont il est tissu.
Il est remplacé par le Secrétaire Général du RND. Viennent ensuite les élections du 08 avril 2004 qui sont largement remportées par le précédent Président avec trois chefs de gouvernement successifs : premièrement le secrétaire général du RND qui a été chargé des élections de 2004, puis le secrétaire général du FLN courant 2007, ce Parti avec les élections successives étant devenu majoritaire tant au niveau de l’APN que du Sénat, avec peu de modifications dans la composante ministérielle puisque l’ancien chef de gouvernement n’a pu nommer aucun ministre entre mai 2006 et juin 2008, assistant d’ailleurs à la même composante à quelques variantes près depuis 10 années, idem pour les walis et les postes clefs de l’Etat.
Puis à nouveau courant 2008 voilà le retour du secrétaire général du RND qui sera chargé des élections d’avril 2009. C’est également durant cette période courant novembre 2008 qu’est amendée la constitution non pas par référendum mais à la majorité des deux chambres.
Les députes et sénateurs feront comme leurs prédécesseurs se faire voter un salaire de plus de 300.000 dinars par mois, plus de quatre fois le salaire d’un professeur d’université en fin de carrière.
Cet amendement ne limite plus les mandats présidentiels, tout en supprimant le poste de chef de gouvernement en le remplaçant par celui de premier ministre consacrant un régime présidentiel. Dans la foulée l’élection présidentielle s’est tenue le 09 avril 2009 où l’ancien président est réélu pour un nouveau mandat de cinq années (2009/2014) en promettant la création de trois millions d’emplois durant cette période et d’augmenter le pouvoir d’achat des Algériens.
Mais fait nouveau, une crise mondiale sans précédent depuis la crise d’octobre 1929 est apparue en octobre 2008. Comme en 1986, courant 2008/2009 différents responsables politiques déclareront à la télévision officielle que la crise ne touche pas l’Algérie du fait de la non connexion avec le système financier mondial, de la non convertibilité du dinar et de l’importance des réserves de change oubliant que les dépenses réelles c’est-à-dire le plan de financement est largement tributaire du cours des hydrocarbures.
C’est également durant cette période où nous assisterons à deux politiques socio-économiques contradictoires : la période 2000/2004 où existe une volonté de libéralisation du moins à travers les textes juridiques avec l’accord signé pour une zone de libre échange avec l’Europe applicable depuis le 01 septembre 2005, une nouvelle loi sur l’investissement , sur la privatisation , les lois sur l’électricité et le transport du gaz par canalisation et l’amendement de la loi sur les hydrocarbures autorisant l’investissement étranger sans limites.
Revirement durant la période 2006/2010, où sous la couverture patriotisme économique est amendée la loi des hydrocarbures qui postule pour ce segment que la Sonatrach sera majoritaire au moins de 51% tant à l’amont, l’aval que pour les canalisations , la loi de finances complémentaire 2009 avalisée par la loi de finances 2010 où est introduit la préférence nationale avec pour le commerce 70% pour les Algériens et 30% pour les étrangers et pour les autres secteurs 51% pour le national minimum et 49% pour les étrangers étendue en 2010 également aux banques.
Dans ce cadre, le 11 juillet 2010 est adopté le décret présidentiel sur la réglementation des marchés publics, prévoyant une profonde révision de la réglementation en vigueur depuis près d’une décennie, la marge de préférence nationale passant de 15% à 25% dans les appels d’offres. Le texte prévoit aussi l’obligation de recours exclusif à l’appel d’offre national quand le besoin du service contractant est en mesure d’être satisfait par un produit ou une entreprise algérienne.
4-Non proportionnalité entre impacts économiques et dépenses monétaires
La période de 2000 à 2009 devait être consacrée à asseoir un État de droit avec la réforme des institutions, du système financier poumon des réformes, du secteur agricole et l’accélération des privatisations.
L’objectif était une dynamisation de la production et des exportations hors hydrocarbures. Le pré programme de soutien à la relance économique reposant sur les dépenses publiques (plus de 7 milliards de dollars US) ayant eu lieu avant 2004, celui programmé entre 2004/2009 clôturé à plus de 200 milliards de dollars US mais dont le bilan n‘ a pas eu lieu ne sachant pas si ces montants ont été intégralement dépensés. Et l’on a programmé 286 milliards de dollars entre 2010/2014 dont 130 milliards de dollars de restes à réaliser de la période 2004/2009 montrant une mauvaise gestion à tous les niveaux et un gaspillage des ressources financières en fait les hydrocarbures propriété de tout le peuple algérien.
Durant cette période, comme durant la période 1980/1985, du fait de la compression de la demande sociale durant la période du terrorisme, demande qui a explosée depuis 2000, la priorité a été accordé aux infrastructures et aux logements qui ne sont qu’un moyen du développement et non au management stratégique de l’entreprise seule source permanente de la richesse.
D’autant plus que l’on se rendit compte du fait de la mauvaise gestion à tous les niveaux, les effets escomptés ne sont pas proportionnels aux dépenses avec une corruption socialisée de la BADR, de Khalifa, de la BCIA, BNA ,BEA ,BDL bon nombre d’agences du CPA et d’autres banques et d’entreprises publiques dont Sonatrach, le projet du siècle autoroute Est-Ouest , et bien entendu qui touche tous les autres secteurs de l’économie nationale ce qui a fait dire aux observateurs que le risque est de passer de l’ancien terrorisme à un autre – entendu la corruption- plus mortel pour le pays.
D’autant plus qu’il a été programmé une nouvelle enveloppe de 256 milliards de dollars dont 130 milliards de dollars de restes à réaliser de la période 2004/2009 donc des réévaluations exorbitantes, et se pose cette question, l’Algérie aura t- elle cette capacité d’absorption de cette importante masse monétaire et ne risque t- on pas d’assister avec le divorce objectifs ambitieux, moyens de réalisation limités surtout par la ressource humaine dévalorisée et la faiblesse d’une régulation claire, faute d’institutions adaptées à la transition, à l’accélération de la mauvaise gestion pour ne pas dire corruption ?
C’est dans ce cadre, que l’on assiste à une relative aisance financière (plus de 146 milliards de dollars de réserve de change courant 2010 et un stock de la dette inférieur à 4 milliards de dollars US qu’il s’agit de ne pas confondre avec le service de la dette (moins de 1 milliard de dollars ) mais une régression économique et sociale ( exportation ors hydrocarbures inférieure à 3% du total) et un taux de croissance de 1,6% en 2006, inférieur à 4% moyenne entre 2000/2010, donc une faible création d’emplois à valeur ajoutée malgré des dépenses monétaires sans précédent.
Il s’ensuit un taux de chômage selon l’organe officiel ONS, de 11,6%, mais plus de 20%, selon les organismes internationaux, avec des tensions de plus en plus criardes avec le retour de l’inflation- plus de 4% selon l’officiel en 2007, 4,7% en 2008, plus de 5,7% pour 2009,4,5% en 2010 mais 12% selon certains organismes internationaux indépendants et donc la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité avec une nette concentration du revenu au profit d’une minorité de couches rentières, détérioration accélérée par un endettement croissant surtout des couches moyennes laminées.
Aussi les réévaluations (dont une partie de surcouts) estimées à environ 20/25% en moyenne, certains projets atteignant plus de 40% deviennent inquiétants par rapport aux normes internationales concernant la majorité des projets. Cela est corroboré par les scandales financiers expliquant que l’Algérie selon les organismes internationales est classée à un niveau de corruption très élevé entre 2004/2010, le problème n’étant pas temps le financement mais l’utilisation rationnelle des ressources financières.
Surtout, avec les impacts de la crise mondiale actuelle qui engendrera de nouvelles mutations économiques, monétaires et énergétiques entre 2015/2020 qui auront un impact sur l’économie algérienne, crise systémique qui sera d’une longue durée du fait des impacts mondiaux (l’interdépendance des économies) et selon l’avis unanime des observateurs internationaux jusqu’en 2013/2014 si les thérapeutiques appliquées s’avèrent efficaces.
Ce qui n’est pas évident car les fondamentaux de la crise sont toujours là, à savoir la dominance de la sphère financière sur la sphère réelle et les distorsions entre l’envolée des profits spéculatifs et la baisse du salaire réel comme en témoigne le taux de chômage élevé aux USA et en Europe.
Or, comme en 1986, courant 2008/2010 différents responsables politiques déclareront à la télévision officielle que la crise ne touche pas l’Algérie du fait du non connexion avec le système financier mondial, comme s’il fallait s’en féliciter, de la non convertibilité du dinar et de l’importance des réserves de change.
Tout en devant être attentif à l’ évolution du cours du dollar par rapport à l’euro qui représente 60% des importations algériennes ayant perdu plus de 40% de sa valeur depuis le 01 janvier 2000 (cotation 0,98 dollar un euro), le prix de cession du gaz connaît une chute d’environ 40% depuis une année, ( 4/5 dollars le MBTU) , avec l’entrée du gaz non conventionnel surtout aux USA, posant la problématique de la rentabilité des deux nouveaux GNL( Arzew et Skikda). Car, le calcul des réserves rentables financièrement, scientifiquement, est fonction des vecteurs couts/prix pouvant découvrir des milliers de puits mais non rentables financièrement.
Les USA, premier importateur les années passées, seront exportateur net horizon 2020, et la bulle gazière risquant d’aller au-delà de 2014/2015.
Ainsi est posé l’urgence d’une gestion active de nos réserves de change, en majorité à l’extérieur ( plus de 80% selon la déclaration officielle du Ministre des Finances en décembre 2008 à l’APN) au moment où le taux d’escomptes des principales banques centrales occidentales et asiatiques tend vers zéro , donc un rendement faible voire négatif pondéré par le taux d’inflation et à l’épuisement des ressources pétrolières et gazières ( pétrole 16ans à moins ‘un miracle).
Pour le gaz cela sera fonction du scenario cout/prix international l’option la plus optimiste tenant compte selon les prévisions officielles , de 100 milliards de mètres cubes d’exportation horizon 2020 plus 50/60 de consommation intérieure, étant 25/30 ans ( 4500 milliards de mètres cubes gazeux de réserve selon BP) si le cours du MTBU est de 11 dollars pour le gaz par canalisation (GN dont Medgaz et Galsi ) et 14/15 dollars pour le gaz naturel liquéfié ( GNL) dans moins de 30 années et dans moins de 20 ans si le cours fluctue entre 6/8 dollars.( voir ma contribution sur ce sujet au quotidien international financier Les Afriques 27 aout 2010).
Or, un jeune de 5 ans aujourd’hui aura 35 ans où la situation serait comparable à celle de certains pays les plus pauvres d’Afrique si l’Algérie entre 2010 et 2020, n’aurait pas préparé l’après hydrocarbures.
Le constat à travers ce cheminement historique est que durant cette période de transition difficile d’une économie étatisée à une économie de marché concurrentielle et l’Etat de droit et la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle est que les réformes sont timidement entamées malgré des discours apparemment libéraux, et moralisateurs que contredisent journellement les pratiques sociales.
Les banques, lieu de distribution de la rente, continuent de fonctionner comme des guichets administratifs, et du fait des enjeux les réformes souvent différés s’attaquant plus aux aspects techniques qu’organisationnels, alors qu’elles sont le moteur des réformes, la privatisation et le partenariat comme moyens d’investissement et de valeur ajoutée piétinent faute de cohérence et de transparence ; la facture alimentaire continue d’augmenter malgré le fameux programme agricole ( PNDA) dont il conviendra de faire le bilan du fait de dépenses de plusieurs de milliards de dollars , la bureaucratie et la corruption continuent de sévir.
Comme conséquence, résultats de la pratique de plusieurs décennies et non seulement de la période actuelle, nous assistons à des tensions à travers toutes les wilayates contre la hogra- la corruption, la mal vie, d’une jeunesse dont le slogan « nous sommes déjà morts » ce qui traduit l’impasse du système économique à générer une croissance hors hydrocarbures, seule condition d’atténuation des tensions sociales pour faire face à ce malaise social, comme en témoigne le passage de la musique Rai qui exprime la mal vie depuis les années 1980, puis ces jeunes qui tiennent les murs et le paradoxisme du désespoir les harragas, ces jeunes qui bravent la mort.
5- Une transition inachevée
Nos responsables ont–ils analysé l’impact de l’exode des cerveaux et vus les longues filles d’attente auprès des ambassades pour le visa, depuis l’aube du jour au crépuscule ou le rêve est de s’enfuir du pays et un émigré, opérateur, cadre ou intellectuel étant surtout attentif au sort de ses concitoyens locaux qui se dégrade de jour en jour et ces séminaires sur la diaspora à coup de millions de dollars sont-ils utiles, devant retenir le peu qui existe déjà ? A-t-on analysé objectivement l’importance de la sphère informelle drainant plus de 40% de la masse monétaire en circulation, employant plus du quart de la population occupée, fonctionnant dans un espace social de non droit, dont la croissance est proportionnelle au poids de la bureaucratie et de la corruption et les moyens de l’intégrer loin des mesures administratives autoritaires.
S’est-on soucié de la connaissance du bouleversement mondial et du rôle de notre diplomatie car n’existent pas de divergences fondamentales en termes géostratégiques entre les États-Unis et l’Europe mais pour paraphraser les militaires seulement des tactiques divergentes à court terme et notre diplomatie ne devrait-elle pas s’adapter à cette nouvelle donnée différente des années 1970, période de la guerre des blocs avec l’implication plus importante des organisations non gouvernementales crédibles et non crées artificiellement, car un chef d’Etat ou un ambassadeur n’obligeant pas les opérateurs à investir dans un pays désigné, ces derniers étant mus par la seule logique du profit fonction des contraintes internes/externes.
A t- on analysé sérieusement non pas en statique, ( à court terme l’Algérie perd entre 1,5 à 2 milliards de dollars dus au dégrèvements tarifaires) mais en dynamique (effets positifs à moyen e tong terme fonction de réformes internes) , des impacts réels de notre adhésion à la zone de libre échange avec l’Europe (applicable depuis le 01 septembre 2005) et du futur accord avec l’organisation mondiale du commerce (OMC) et les moyens de s’y adapter.
Le mal n’est-il pas surtout en nous (gouvernance mitigée) avant de faire porter la responsabilité à l’extérieur ? Comment ne pas rappeler les ambiguïtés dans la gestion des capitaux marchands de l’Etat qui traduisent en réalité la neutralité des rapports de forces au sommet de l’Etat. De cette situation il est utile de rappeler que de l’indépendance politique à nos jours, l’économie algérienne a connu différentes formes d’organisation des entreprises publiques.
Avant 1965, la forme d’autogestion était privilégiée ; de 1965 à 1980, nous avons de grandes sociétés nationales et de 1980 à 1988, nous assistons à une première restructuration découpant les grandes sociétés nationales. Comme conséquence de la crise de 1986 qui a vu le cours du pétrole s’effondrer, des réformes timides sont entamées en 1988 : l’Etat crée 8 fonds de participation qui étaient chargés de gérer les portefeuilles de l’Etat.
Comme conséquence de la cessation de paiement en 1994 (avec le rééchelonnement), en 1996, l’Etat crée 11 holdings en plus des 5 régionaux avec un Conseil national des privatisations ; en 2000, nous assistons à leur fusion en 5 mega holdings et la suppression du Conseil national des privatisations ; en 2001, nouvelle organisation et l’on crée 28 sociétés de gestions des participation de l’Etat (SGP).
Lors de différents Conseils de gouvernements tenus durant toute l’année 2007, une nouvelle organisation est proposée par le ministère de la Promotion de l’Investissement, ( les deux grandes sociétés hydrocarbures Sonatrach et Sonelgaz, régies par des lois spécifiques n’étant pas concernés), articulée autour de quatre grands segments : des sociétés de développement économique qui relèvent de la gestion exclusive de l’Etat gestionnaire ; des sociétés de promotion et de développement en favorisant le partenariat avec le secteur privé international et national ; des sociétés de participation de l’Etat appelées à être privatisées à terme ; et enfin, une société chargée de la liquidation des entreprises structurellement déficitaires.
Courant février 2008, cette proposition d’organisation, qui n’a pas fait l’unanimité au sein du gouvernement et certainement au niveau de différentes sphères du pouvoir, est abandonnée et le Ministre de l’investissement annonce en mars 2009 que les SGP seront dissoutes et remplacées par des groupes industriels qui seraient certainement sous la coupe des Ministères.
Or les assainissements des entreprises publiques ont couté au trésor algérien des dizaines de milliards de dollars et elles sont revenues à la case de départ, donc ce n’est pas une question d’argent. C’est qu’un groupe industriel peut –il naître par décret et des injonctions administratives par miracle et n’est-il pas come cela se passe de par le monde par la demande c’est-à-dire le marché.
En réalité, ces changements d’organisation périodiques, les interférences ministérielles sur la gestion des entreprises démobilisent les cadres du secteur économique public, les investisseurs locaux et étrangers montrant clairement la dominance de la démarche bureaucratique au détriment de la démarche opérationnelle économique assistant à un gaspillage des ressources financières et à un renforcement de la dynamique rentière montrant clairement que le blocage essentiel de l’investissement local et étranger est dans le terrorisme bureaucratique qui se nourrit du manque de visibilité et de cohérence dans la réforme globale, supposant la définition d’objectifs précis, des institutions solides au lie des relations personnalisées, impliquant essentiellement de poser la problématique du futur rôle de l’Etat dans le développement économique et social de l’Algérie à l’ère de la mondialisation.
Cette situation du divorce Etat citoyens est favorisé d’ailleurs par l’effritement du système d’information où nous assistons à un dialogue de sourd et comment ne pas se rappeler cette image de la télévision algérienne où à une question sur le taux de chômage un Ministre affirmera que les enquêtes donnent 11% et qu’un journaliste lui répliqua : êtes vous sur de vos données. Oui répond le Ministre.
C’est à quoi le journaliste répliqua sous l’œil amusé de la présentatrice non convaincue d’ailleurs, qu’il irait faire un tour dans les quartiers Algérie et qu’il dirait aux chômeurs que dorénavant leur appellation n’est plus chômeur mais travailleur.
Car comment avec un taux de croissance avoisinant 2/3% entre 2006/2009 peut-on, afficher un accroissement de l’emploi utile supérieur aux années précédentes inférieur au taux de croissance de la population active, où le taux était 5% sachant pertinemment que la majorité sont des emplois rentes sans compter les sureffectifs dans les administrations et les entreprises publiques.
6- L’Algérie, d’immenses potentialités pouvant devenir un pays pivot
En résumé, notre analyse montre clairement en effet, que le fondement du système, de 1962 à 2010, étant dans cette interminable transition ni économie de marché véritable, ni économie étatisée et comme le rappelle avec justesse Malek Chebel (Interview à El Watan 20 aout 2010) « l’Algérie à l’instar de bon nombre de pays musulmans est en transition et fonctionne entre l’imaginaire de la Oumma et la construction d’un Etat-nation ».
Le fondement des politiques socio-économiques repose sur la rente des hydrocarbures (cours du brent et cotation du dollar), existant une relation dialectique entre l’avancée des réformes ou leurs freins selon que le cours en termes réels hausse ou baisse, existant des liens dialectiques entre la logique rentière et l’extension de la sphère informelle produit des dysfonctionnement des appareils de l’Etat.
Le poids de cette dernière, contrôlant plus de 40% de la masse monétaire en circulation, rendant caduque bon nombre de décisions, varie proportionnellement avec l’extension de la bureaucratie, que l’on ne combat pas uniquement par des mesures techniques. Les exportations hors hydrocarbures et cela depuis fort longtemps, de moins de 3% du total des recettes devises, 80% de valeur ajoutée composant le produit intérieur brut ( PIB) l’étant directement ou indirectement par le biais de cette rente autant que la fiscalité qui dépasse 70%.
Le savoir est dévalorisé comme le montre la récente enquête, inquiétante, de l’importante revue américaine Foreign Policy de juillet 2010 précisant que l’élite algérienne est malmenée par les difficultés de la vie, la marginalisation sociale, classant l’Algérie parmi les plus vulnérables au monde avec une note de 8,6 sur 10 pour la disparition et la dispersion de l’élite, s’agissant d’une des notes les plus mauvaises du monde et de conclure : les très bas salaires et l’environnement politique défavorable hypothèquent l’avenir de l’Algérie qui risque de se retrouver sans son intelligentsia pour construire son avenir.
En fait réussir la transition implique la refonte de l’Etat. Pourtant, je suis optimise quant à l’avenir de l’Algérie pour peu qu’existe une volonté de changement supposant des réaménagements dans les structures du pouvoir. C’est que l’Algérie reste un pays dynamique plein de vitalité notamment notre jeunesse et comment donc ne pas penser un seul instant qu’elle constitue une force dynamique de développement, beaucoup plus importante et pérenne que toutes les ressources en hydrocarbures.
Aussi, il faut à tout prix éviter d’avoir un mépris pour ce grand peuple et le considérer comme un peuple mineur car la jeunesse algérienne est capable de miracles pour peu que les gouvernants lui tiennent un discours de vérité grâce à une nouvelle communication et une gouvernance rénovée.
Aussi l’’objectif stratégique , posant la question de la sécurité nationale est le passage d’une économie rentière à une économie productive en incluant les services qui en ce XXIème siècle ont un caractère de plus en plus marchands afin de construire une société basée sur plus de justice sociale, plus de libertés, une participation plus active de la femme à la gestion de la Cité, un Etat de droit et la démocratie tenant compte tant de notre anthropologie que des nouvelles mutations mondiales.
D’où l’importance à mes yeux de l’intégration maghrébine au sein de l’espace euro- méditerranéen, tout en n’oubliant pas le continent Afrique, tenant compte du nouveau défi écologique et des énergies alternatives, en ce monde impitoyable où toute Nation qui n’avance pas recule.
Les trois fondamentaux de réussite de développement en ce XXIème siècle sont la bonne gouvernance, la valorisation du savoir supposant une profonde moralité des dirigeants chargés de gérer la Cité. Le plus grand défis sera la maitrise du temps qui ne se rattrape jamais en économie.
Visibilité, visibilité, cohérence, cohérence, bonne gouvernance, bonne gouvernance, revalorisation du savoir, revalorisation du savoir, moralité, moralité, tels sont les axes fondamentaux du redressement national.
7- Seule solution pour l’Algérie : une transition démocratique pacifique
La bonne gouvernance se conjugue toujours au présent et se chante selon les hymnes des cultures et vit comme une harmonie entre la force et la politique.
La bonne gouvernance se vérifie dans la vision et les convictions des vrais acteurs et leurs capacités réelles à entreprendre les actions appropriées et engager la société dans la voie de l’efficacité et de la modernité fécondes et intelligentes, largement conditionnée par la démocratisation des régimes arabes. Pour l’instant force est de reconnaitre que cela est un mythe.
La révolution tunisienne, en espérant une transition démocratique réussie qui sera sans doute difficile, avec une possibilité d’interférences tant de forces occultes locales qu’étrangères pour faire échouer ce processus, au profit d’abord de la population tunisienne et d’une manière générale des populations arabes et africaines qui accusent le plus de retard dans ce domaine, vient de briser bon nombre de tabous.
Cette expérience démocratique aura des incidences inévitables sur l’ensemble des régimes arabes. Cette expérience doit être méditée par le régime algérien qui doit s’engager dans une transition démocratique pacifique.
Cette transition permettra de lutter efficacement contre la corruption et l’injustice sociale condition de l’efficacité économique à moyen terme et d’éviter des tensions inutiles. Il s’agit d’éviter le mythe de l’économicisme, certains ministres brandissant depuis des années des chiffres le niveau des réserves de change qui ne sont pas un signe de développement provenant des hydrocarbures et surtout des données erronées sur l’inflation ,le chômage et le taux de croissance qui sont en contradiction avec les réalités sociales et ce malgré des dépenses monétaires sans précédent depuis l’indépendance politique : 400 milliards de dollars entre 2004/2014 soit le programme américain ou chinois pour des résultats insignifiants témoignant un gaspillage des ressources financières.( voir mon interview à l’hebdo l’Express Paris France 10 janvier 2011).
Comme le notait le brillant économiste indien prix Nobel d’économie, A SEN il ne peut avoir de développement dans le temps, sans démocratie tenant compte des anthropologies culturelles des sociétés, l’Etat de droit pouvant être une étape intermédiaire. Espérons que le régime algérien aura l’intelligence pour les intérêts supérieurs du pays de tenir compte de pulsions de la société algérienne, loin des solutions autoritaires, supposant un réaménagement de la logique du pouvoir.
Cette transition démocratique, pour plus de développement des espaces de liberté, suppose de nouveaux réseaux qui dynamiseraient celles conservatrices, les actuels montrant leurs inefficacités vivant du transfert de la rente des hydrocarbures incapables de mobilisation et de sensibilisation, traduisant le divorce Etat/citoyens, laissant face à face en cas de manifestations, la population aux services de sécurité ce qui est nuisible à la sécurité du pays qui est l’affaire de tous.
L’Algérie nous l’aimons tous : le dialogue est la vertu des grands dirigeants. Un nouveau management stratégique s’impose, le plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir.
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