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La croissance future de l’Algérie sera portée par l’entreprise privée. Ou ne sera pas. C’est le nouveau think tank « défense de l’entreprise », soutenu par de grands chefs d’entreprise qui, pour sa première rencontre, le suggère en partant de constats statistiques. Avec dans le débat une question inattendue: « la qualité de la gouvernance et le climat d’affaires ont-ils une conséquence sur la croissance et le développement d’un pays » ? Le professeur Abdelmadjid Bouzidi, a, dans son style bien imagé, planté le décor. « L’Algérie est déjà une économie privée en dehors des hydrocarbures ». Et c’est une bonne nouvelle, pour les nombreux chefs d’entreprise venus participer au siège du journal Liberté au premier forum du nouveau think tank « Défense de l’entreprise », animé notamment par des personnalités de la recherche universitaire et soutenu par d’importants mécènes, dont Cevital, le groupe Benamor ou le groupe Hasnaoui (Sidi Bel Abbes). Tous les ratios, valeur ajoutée, emploi, fiscalité, revenus distribués font donc des entreprises privées l’acteur principal de l’économie nationale, lorsque Sonatrach et le secteur énergie publique sont retirés du tableau. Mais alors ou est le problème ? « Le privé n’est pas dans les ISMME », c'est-à-dire pas dans les industries qui diffusent de l’industrialisation. Un ratage du début des années 1990 et la crise des risques de change, rappelle Zaïm Bensaci, le président du conseil national de la PME « qui a empêché les entreprises privées de se déployer dans l’industrie ». Mais encore ? En fait l’Algérie ne crée pas suffisamment d’entreprises et encore moins de gazelles, ces PME (29 à 249 employés) à forte croissance qui partout ailleurs tirent la croissance et l’emploi lorsque les éléphants (entreprises globales) ont tendance à en détruire. 70 PME à peine pour 100 000 habitants. Six fois moins qu’au Maroc. Effet d’éviction pour le crédit Les gazelles ne représentent que 4% du tissu d’entreprises privées contre 96% pour les souris, les très petites entreprises (TPE). Pas un hasard. Le professeur Bouzidi pointe un effet d’éviction du privé lorsqu’il s’agit de l’accès au crédit. 20 points d’écart entre son poids économique et sa part de crédits bancaires, rapporté à un total où figure l’entreprise publique. Le secteur privé est là. Mais l’Etat préfère soutenir l’entreprise publique. C’est le professeur Abdelhak Lamiri, intervenant dans le panel, qui notera dans un commentaire acerbe : « l’illusion est de croire qu’une réponse identique, déclinée à plus fortes doses peut réussir après avoir échoué tant de fois ». Il parlait de « la cinquième génération » d’assainissement financier du secteur public économique. « Avec 180 milliards de dollars depuis 20 ans, l’Algérie se serait offert un secteur privé industriel performant et trois millions d’emplois» a soutenu le professeur Lamiri. « L’Etat ne sait pas réguler » Plus rien à faire avec les entreprises publiques ? Ce n’est pas tout à fait le point de vue de Mustapha Mekidèche, consultant et vice-président du CNES, même si Abdelmadjid Bouzidi s’en défend aussi : « Le segment industrie automobile, qui va bien finir par démarrer avec les partenariats en cours de négociation, donnera l’opportunité de construire un réseau de sous-traitants privés autour d’une entreprise publique, je pense à la SNVI bien sûr. Même chose dans la filière de la plasturgie » où l’aval privé de la pétrochimie peut s’appuyer sur des activités encore portées par des entreprises publiques ou mixtes. L’idée dominante est cependant que l’Etat doit surtout apprendre son principal métier. Celui de régulateur «qu’il ne sait pas faire». La preuve: «les lois et règlements qui viennent tous les six mois télescoper un maquis réglementaire déjà très dense », a commenté un intervenant. « La grande nuisance de la LFC, devenue une règle » a été plusieurs fois évoquée. La tendance à répondre « à toutes les situations d’urgence par le recours au budget de l’Etat » décriée. « La demande sociale va exploser d’ici à 2025, l’Etat n’aura plus les moyens d’investir comme aujourd’hui » a prévenu le professeur Bouzidi. Le « pik-oil », pic de production de pétrole, sera passé par là. Les dernières mesures d’aide à l’emploi et à la création d’entreprises décidées par les deux Conseils des ministres de l’urgence durant le mois de février ont accompagné, en toile de fond, la première rencontre du think tank « Défense de l’entreprise ». Décisions dans le bon sens, selon plusieurs intervenants. La libération du foncier industriel, le renforcement de l’aide à l’embauche, le soutien de l’Etat aux cotisations sociales : «tout cela est bien, il manque toutefois un plan d’ensemble pour l’entreprise», déplore un patron. Plus encore, il manque une institution «cerveau», répète Abdelhak Lamiri: «un « cerveau » aurait fait rentrer dans un modèle global l’input les 600 milliards de dinars de dépenses budgétaires décidés depuis le début de l’année et sans doute tous les indicateurs seraient passés au rouge ». Le gouvernement a surinvesti dans les infrastructures publiques, «il a consacré 80% de ses dépenses à traiter la demande et 20% pour l’offre. C’est l’inverse qu’il fallait faire ». |
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