jeudi 16 août 2012

Élections Québec 2012--Djemila Benhabib bouscule les choses

Trois-Rivières) Le débat sur la laïcité des institutions politiques et la place du crucifix sur le mur de l'Assemblée nationale a été avivé hier par des propos controversés du maire de Saguenay, Jean Trembay, qui y est allé d'attaques personnelles envers la candidate péquiste dans Trois-Rivières, Djemila Benhabib. Celle-ci a préféré ne pas répondre aux propos du maire Tremblay qui entre-temps, ont trouvé écho auprès de son homologue trifluvien, Yves Lévesque.
Djemila Benhabib n'a pas voulu commenter les propos du maire de Saguenay, Jean Tremblay, qui ont beaucoup fait jaser hier.
«Je n'ai rien à lui répondre. Je ne souhaite pas que le débat se cristallise sur ma petite personne et il n'est pas question de me laisser distraire, pendant cette campagne électorale, par des événements comme celui-là», a-t-elle indiqué hier matin alors qu'elle avait convoqué la presse pour présenter ses orientations en matière de santé.
Djemila Benhabib a demandé aux journalistes qui la pressaient de questions sur les propos du maire Tremblay, de respecter sa volonté de ne pas commenter.
Plus tôt hier matin, le maire de Saguenay, bien connu pour sa croisade visant à maintenir la récitation de la prière aux séances publiques du conseil municipal de Saguenay, avait fait une sortie contre les positions de Mme Benhabib concernant la laïcité des institutions et la présence du crucifix à l'Assemblée nationale.
«Ce qui me choque, ce matin, c'est de voir que nous, les mous, les Canadiens français, on va se faire dicter comment se comporter, comment respecter notre culture par une personne qui arrive d'Algérie, et on n'est même pas capable de prononcer son nom», a-t-il lancé en interview avec Paul Arcand au 98,5 FM. Tout au long de la journée d'hier, le maire Tremblay a tenu un discours semblable, sur de nombreuses autres tribunes médiatiques.
En tant que militante laïque, Mme Benhabib s'est déjà prononcée contre le crucifix à l'Assemblée nationale. Depuis qu'elle est candidate, elle a décidé de se rallier à la position du PQ, même si elle n'a pas changé d'avis. Ce combat reste secondaire pour elle. Ce qui est urgent, a-t-elle expliqué, c'est d'adopter une charte de la laïcité. Le PQ en propose une.
Une telle charte interdirait notamment la récitation d'une prière aux séances publiques des conseils municipaux. Hier, Jean Tremblay a répété que ce qui le choquait le plus, ce n'était pas la charte elle-même, mais plutôt le fait que Mme Benhabib l'approuve, comme le font tous les autres candidats péquistes.
Hier matin, elle s'est dite consciente que le débat sur la laïcité des institutions en est un qui «soulève des passions». «Il va falloir faire tout un travail pédagogique pour respecter les sensibilités des gens. Et je suis prête, si Mme Marois m'interpelle pour le faire, à participer à ce travail pédagogique», a-t-elle mentionné.
Le maire de Saguenay a attaqué Djemila Benhabib avec virulence en insistant sur ses origines étrangères et en confondant son engagement laïque avec une forme de prosélytisme. «Notre culture du Québec, nous autres, là, notre drapeau du Québec, là, elle le sait-tu que c'est la croix chrétienne qu'il y a là-dessus?», a-t-il demandé. M. Tremblay a prétendu que Mme Benhabib voulait «enlever les croix des villes». Ni Mme Benhabib ni le programme du PQ n'en ont jamais fait mention.
«Ils vont faire disparaître la religion et notre culture de partout. Vous ne vous rendez pas compte de ça», a-t-il dit. Il a ensuite affirmé que la chef du PQ, Pauline Marois, songe à retirer le crucifix du Salon bleu, ce qui est faux.
Il a aussi accusé Mme Benhabib  - dont il s'est dit incapable de prononcer le nom - de vouloir «établir les règles». L'animateur lui a rappelé que Mme Benhabib, comme les autres candidats, n'a fait que reprendre la position de son parti, qui a été votée démocratiquement par ses membres.
«Y a juste elle qui prend ça à coeur de même», a lancé le maire.
Paul Arcand lui a demandé s'il ne serait pas raciste.
«Pas du tout, a-t-il répondu. Je n'aime pas que ces gens-là viennent ici et nous établissent leurs règles. Elle est de quelle religion, elle? On ne le sait pas.»
Il s'est inquiété de la voir siéger à l'Assemblée nationale. «Je les vois aller, là. Elle va arriver au Parlement. Le Parlement, là, ça applaudit ça. Je les vois faire, là.»

Lévesque en remet

Le maire de Trois-Rivières, Yves Lévesque, a pour sa part donné raison à son homologue Jean Tremblay sur certains points. «On connaît Jean et sa façon de dire les choses; il va un petit peu loin. Mais ses propos donnent un portrait de ce que la majorité des gens pensent de façon silencieuse au Québec par rapport à la charte sur la laïcité», a-t-il dit hier.
Le maire Lévesque a été particulièrement critique envers celle qui pourrait devenir sa députée. Les militants péquistes locaux ne voulaient pas de Mme Benhabib, a-t-il prétendu, sans donner de sources. «Sur le coin de la rue, les gens sont étonnés de voir qu'il y avait de bons candidats pour représenter le PQ à Trois-Rivières et on a dû faire venir quelqu'un de l'extérieur pour représenter la région», a-t-il dit. Il a parlé cette fois de la «masse silencieuse», qui est «un peu offusquée de la situation».
Yves Lévesque a aussi fait remarquer que le débat sur la laïcité est très secondaire selon lui. «On a des enjeux tellement plus importants comme l'économie, la santé, l'éducation», a-t-il insisté. Questionné sur le fait qu'il ait dû abandonner la récitation de la prière à l'hôtel de ville, le maire a une fois de plus plaidé pour le respect des traditions et a déploré le pouvoir que peut avoir une seule personne qui porte plainte contre la prière. «On a des traditions qui existent au Québec depuis très longtemps, et des minorités font en sorte qu'on enlève ces traditions-là, a-t-il dit. Souvent, ce ne sont pas des immigrants. À Trois-Rivières c'était une Québécoise pure laine qui a revendiqué ses droits par rapport à la prière.»
Martin Francoeur
Le Nouvelliste
lapresse.ca

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