Mardi, des manifestants ont forcé l'entrée de l'ambassade des Etats-Unis au Caire et des militants armés ont attaqué le consulat américain de Benghazi, en Libye, tuant l'ambassadeur américain John Christopher Stevens. La tragédie a soulevé de nombreuses questions.
Quelques heures après l'attaque, le président Obama a ordonné un renforcement de la sécurité autour des infrastructures américaines à l'étranger. Qui va aller protéger ces ambassades et ces consulats?
Les Marines. Quand la sécurité normale des ambassades est prise en défaut, une unité d'élite de Marines, l'«Equipe de sécurité de la flotte antiterroriste», est appelée à la rescousse. Chaque peloton est constitué d'environ 50 marines formés au combat urbain, au contre-espionnage et aux arts martiaux. Renforcer la sécurité d'ambassades assiégées est l'une de leurs missions les plus courantes.
En 1998, ils avaient été dépêchés au Kenya et en Tanzanie, par exemple, et en 2001, ils avaient permis l'évacuation de l'ambassade américaine en Macédoine pendant des émeutes ethniques.
Pour le président Obama, l'ambassadeur Stevens était un«représentant courageux et exemplaire des Etats-Unis». Sur le plan des relations internationales, quelle différence fait un ambassadeur talentueux?
Tout dépend du pays et de la situation. Dans les Bahamas ou au Canada, vous pouvez être un ambassadeur tout à fait convenable en entretenant simplement des relations amicales avec les dirigeants locaux, en suivant les instructions du département d’Etat à la lettre et en vous gardant de toute déclaration controversée en public. Au moins, cela devrait vous éviter d’être déclaré persona non grata par le gouvernement hôte et de vous faire expulser.
En réalité, de nombreux postes diplomatiques requièrent si peu de talent réel pour la diplomatie qu'environ 15% d'entre eux ont été historiquement attribué à des donateurs politiques. En 1971, Richard Nixon avait dit à son directeur de campagne que «si quelqu'un veut devenir ambassadeur, il doit débourser au moins 250.000 $». Une loi de 1980 était censée mettre fin à cette pratique, mais elle n'a pas changé grand-chose.
L'ambassadeur nommé par Obama au Royaume-Uni, par exemple, était un mécène si prolifique que la presse britannique l'avait surnommé «l'aspirateur». Cynthia Stroum, nommée par Obama au Luxembourg, était une donatrice de premier plan qui démissionna après que l'inspecteur général du département d’État a qualifié son action de «brutale et brouillonne». Elle fut accusée d'avoir dépensé 3.400 dollars en alcool simplement pour arriver au bout de son allocation annuelle et d'avoir acheté un nouveau matelas sans l'autorisation du département d’État.
Mais heureusement pour la politique étrangère des Etats-Unis, dans des coins stratégiques comme l’Egypte et la Libye, les ambassadeurs sont en général des diplomates de carrière, des universitaires estimés ou des politiciens expérimentés. S'ils reçoivent les instructions du département d’État, les relations avec leur navire amiral vont dans les deux sens. Ils remettent souvent en question ces instructions et refusent même de les suivre, obligeant le secrétaire d’État à intervenir.
En 1990, à l'approche de l'élection présidentielle au Mozambique, par exemple, l'ambassadeur Dennis Jett refusa de signer un accord d'aideappuyé par le département d’État tant que le gouvernement n'avait pas démobilisé l'armée. Les ambassadeurs les plus actifs savent aussi anticiper les mauvais conseils et contourner les lenteurs de Washington en rédigeant leurs propres ordres: ils informent le département d’État de leurs intentions, et les poursuivent tant qu'ils ne reçoivent pas de contre-ordre de la part de leur hiérarchie.
Les attaques pourraient avoir été une violente réaction à labande-annonce d'un film islamophobe, réalisé aux Etats-Unis, et qui montrerait les ébats sexuels du prophète Mahomet. Des chrétiens ont-ils déjà réagi de la sorte à un film blasphématoire?
Oui. En 1988, le film de Martin Scorcese La dernière tentation du Christ avait déclenché plusieurs réactions violentes. A Paris, un groupe catholique avait jeté des cocktails Molotov dans un cinéma lors d'une séance matinale et des émeutes de chrétiens orthodoxes avaient eu lieu à Athènes. L'an dernier, dans une galerie d'art d'Avignon, des fondamentalistes catholiques français avaient saccagé le «Piss Christ», une photographie controversée d'Andres Serrano. Et à la fin de l'année 2011, deux hommes avaient été arrêtés pour avoir essayé de désactiver les systèmes de sécurité d'un théâtre parisien qui jouaitGolgota Picnic, du dramaturge argentin Rodrigo Garcia. La police antiémeute avait été dépêchée sur place, mais aucun acte de violence grave ne fut à déplorer.
La bande-annonce islamophobe qui a provoqué les attaques du 11 septembre 2012 est loin d'être le premier film à saper les efforts diplomatiques des Etats-Unis. En 1922, déjà, un colonel américain avait qualifié les films américains de «pire ambassadeur possible» et un professeur de l'université de Columbia a un jour déclaré que «les productions cinématographiques américaines en ont (…) fait davantage pour noircir la réputation de la race blanche en général et des Etats-Unis en particulier que toute la perversité et la perfidie des propagandistes antiaméricains les plus farouches».
Brian Palmer
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