«Il faut que tout change pour que tout redevienne comme avant»Tancrède dans le film: “Le Guépard de Luchino Visconti”
Ça y est! Comme nous l’avons prédit dans un article précédent,l’Afghanisation du Mali est en marche! Pourquoi l’engouement des redresseurs de tort de l’Empire et de ses vassaux pour un pays qui, en théorie, est un désert au sens qu’il ne contient rien de comestible à moins que nous n’ayons pas toute l’information sur les réelles potentialités de ce pays voisin. (1)
Petit rappel: le Mali est devenu indépendant le 22 septembre 1960. Avec 14 517 176 habitants en 2009, la population malienne est constituée de différentes ethnies. Avec une économie encore essentiellement rurale, le Mali, pays enclavé, fait partie des 49 pays les moins avancés (PMA). La République du Mali tient son nom de l’ancien Empire du Mali fondé par Soundiata Keïta au XIIIe siècle et qui a connu son apogée au XIXe siècle. Le Mali, avec ses 1 241 238 kilomètres carrés, est le plus vaste État d’Afrique de l’Ouest après le Niger.
Le Mali est un pays en développement, avec 65% de son territoire en région désertique ou semi-désertique. L’activité économique est surtout limitée autour de la région fluviale irriguée par le fleuve Niger. Des entreprises multinationales ont développé les opérations de prospection de l’or en 1996-1998, et le gouvernement prévoit que le Mali deviendra un exportateur majeur d’or dans la région subsaharienne. En plus du coton (12e producteur mondial en 2004) et de ses dérivés (graine de coton), le Mali est un important producteur de mangues (200.000 tonnes). (2)
Le produit intérieur brut par habitant était estimé à 380 dollars en 2005 (selon World Development Indicators (WDI) database). Un important pourcentage de la population vit sous le seuil de pauvreté soit 36,1% (2005) avec un taux de chômage qui est très élevé soit de 30%. L’Indice de développement humain (IDH) est de 0,371 en 2007, 173e sur 177. L’Indicateur de pauvreté humaine place le Mali à la 107e sur 177. Avec 6,54 enfants par femme, le Mali possède l’un des taux de fécondité les plus élevés au monde. Le taux d’alphabétisation se situe entre 23 et 46% selon les sources. (2)
Ce n’est, donc, pas le Pérou bien que l’on parle de découvertes d’hydrocarbures et d’un gisement d’hydrogène unique au monde. Pourtant l’Empire veut le sauver malgré lui de ses démons islamistes, alors que le vrai problème est, comme nous le voyons, un problème de développement, la manipulation des foules au nom du Divin est plus facile quand les ventres sont vides, quand il n’y a plus de perspectives terrestres il reste l’Au-delà.
Source de la carte :
Mali: Sonatrach débutera ses forages pétroliers en 2012, La carte montre le potentiel pétrolier dans le Nord du Mali.
L’accélération des événements
Autre petit rappel du feuilleton tragique malien: le 30 mars 2012, la rébellion touarègue et les groupes islamistes armés alliés à Aqmi prennent le contrôle des capitales des trois régions du nord du Mali: Kidal, Gao puis Tombouctou. Le 1er avril, un coup d’Etat militaire à Bamako a renversé, le 22 mars, le régime du président Amadou Toumani Touré, la junte a invoqué l’échec du régime contre la rébellion. Le 13 avril, Dioncounda Traoré est investi président par intérim, en vertu d’un accord entre la junte et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) prévoyant le retour du pouvoir aux civils. Il menace d’une «guerre totale et implacable» les rebelles touareg et les groupes islamistes dans le Nord. Le 27 juin, Aqmi et ses alliés du Mouvement pour l’unicité du djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et d’Ansar Eddine écrasent les rebelles du Mnla, puis les chassent de Tombouctou et ses environs. Le Mnla, allié au début de son offensive aux groupes islamistes, puis marginalisé, ne contrôle plus aucune place forte dans la région. Le 28 juin, dès le lendemain, les islamistes armés, devenus les maîtres absolus du Nord, entament la destruction de mausolées de saints musulmans de Tombouctou. Le 12 octobre, l’ONU adopte une résolution préparant le déploiement d’une force militaire et donnant quarante-cinq jours aux pays ouest-africains, qui en constitueront le noyau, pour préciser leurs plans. Le 11 novembre, des dirigeants de la Cédéao et d’autres pays africains décident d’envoyer 3300 militaires pour un an afin d’aider l’armée malienne à chasser les groupes islamistes du Nord. Le 11 décembre, démission forcée de Cheick Modibo Diarra du poste de Premier ministre. Son successeur, Diango Cissoko, est nommé le lendemain. Le 20 décembre, le Conseil de sécurité de l’ONU donne son feu vert au déploiement d’une force internationale au Mali, sans fixer de calendrier précis. Le 10 janvier 2013, les islamistes s’emparent de la localité de Konna à 70 km de Mopti. Le 11 janvier, en fin d’après-midi, Francois Hollande confirme l’engagement des forces armées françaises au Mali, «le temps nécessaire».(3)
Curieusement, ces dernières semaines notamment avec les accords de Ansar Eddine et du Mnla à Alger, qui devaient ensuite être reçus par les responsables de la Cédéao pour une solution négociée, avaient fait miroiter une possible paix sans intervention militaire. Tout s’est précipité. Une résolution fut arrachée aux Nations unies le 20 décembre 2012, elle autorise une intervention en cas d’échec de la diplomatie. Cette diplomatie qui n’a pas eu à faire ses preuves puisque trois semaines après, la France intervenait pour stopper les mouvements se revendiquant d’un Islam fondamentaliste, sans accord du Conseil de sécurité.
La France, craignant, dit-on, que le nord du Mali ne devienne, au coeur de sa sphère d’influence en Afrique, un sanctuaire de groupes terroristes, a décidé d’intervenir militairement, déployant vendredi 11 janvier des Mirages et des hélicoptères de combat pour stopper une colonne de combattants avançant vers le Sud. Il s’agit, selon le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, de «stopper la menace terroriste». Cette menace, a-t-il déclaré lors d’une courte intervention télévisée samedi matin, porte non seulement sur les pays africains, mais aussi «sur la France et l’Europe». L’intervention au Mali a été engagée après le forcing français pour l’adoption, le 20 décembre 2012, de la résolution 2085 par le Conseil de sécurité de l’ONU. Pour autant, aucune résolution de l’ONU n’autorise (ni n’interdit du reste) l’intervention française. Lorsque Assad invoque la présence terroriste représentée par Al Qaîda (pourtant apparemment bien avérée, notamment dans le cas de la prise de la base militaire de Taftanaz), les intérêts de la France, ne l’oublions pas, résident aussi dans les ressources en uranium dont dépendent ses centrales, principalement situées au Niger. Il y a des intérêts stratégiques à protéger. Invité du journal de 20h de France 2 samedi soir, Jean-Yves le Drian n’a pas exclu que les troupes françaises remontent jusqu’à Tombouctou, une ville située dans le nord du Mali et contrôlée par les rebelles islamistes. «Il n’y a pas de blocage dans les plans d’action de nos forces, donc pourquoi pas, un jour. Toutes les hypothèses sont possibles.» Nous sommes donc partis pour un possible enlisement.
Les réactions
En France, l’unanimisme de la classe politique française est totale. Il y a tout de même des bémols. Marine Le Pen, quant à elle, semble bien plus prudente. Elle légitime l’intervention française tout en émettant ce paradoxe: «Cette intervention légitime révèle, cependant, un cruel paradoxe quand on sait que les gouvernements français ont contribué à faire le lit des islamistes en Libye et en Syrie en apportant aide, assistance et armes aux fondamentalistes de ces pays, utilisées aujourd’hui pour attaquer un allié historique de la France.»
Autre réaction à l’opposé de l’unanimisme « Umps» celle de Dominique de Villepin qui dans une tribune au Journal du Dimanche reprise par le journal le Monde. Dans ce texte intitulé “Non, la guerre ce n’est pas la France”, M. de Villepin s’interroge :
“Comment le virus néoconservateur a-t-il pu gagner ainsi tous les esprits ?” “L’unanimisme des va-t-en-guerre, la précipitation apparente, le déjà-vu des arguments de la “guerre contre le terrorisme” m’inquiètent”, écrit l’ancien ministre des affaires étrangères, qui avait porté en février 2003 à l’ONU le “non” de la France à la guerre en Irak. Pour lui, “au Mali, aucune des conditions de la réussite n’est réunie”. “Nous nous battrons à l’aveuglette, faute de but de guerre. Arrêter la progression des djihadistes vers le sud, reconquérir le nord du pays, éradiquer les bases d’AQMI(Al-Qaïda au Maghreb islamique) sont autant de guerres différentes”, ajoute-t-il. “Nous nous battrons seuls faute de partenaire malien solide”, développe-t-il.“Eviction du président en mars et du premier ministre en décembre, effondrement d’une armée malienne divisée, défaillance générale de l’Etat, sur qui nous appuierons-nous ?” Enfin, “nous nous battrons dans le vide, faute d’appui régional solide. La Communauté des Etats de l’Afrique Occidentale reste en arrière de la main et l’Algérie a marqué ses réticences”, dit encore celui qui se targue de n’avoir “jamais cessé” depuis 2003 et l’Irak de “(s’) engager pour la résolution politique des crises et contre le cercle vicieux de la force”. (4)
Pour sa part, la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a jugé hier que la reprise des affrontements au Mali rendait «nécessaire une accélération de l’engagement international» pour restaurer l’intégrité territoriale de ce pays. David Cameron offre ses avions cargos, et Les Etats Unis proposent de surveiller par satellite les mouvements des damnés de la terre. Même le secrétaire général de la Francophonie s’est fendu d’un communiqué sur une «mobilisation urgente» en faveur d’une intervention internationale au Mali.
Naturellement, les médias main stream ne tarissent pas de scoops sur une totale unanimité de la communauté internationale – comprenons les pays occidentaux – applaudissant la mort d’une centaine d’hommes parce que «ce sont des terroristes».
Jean-François Chalot y voit une ingérence malsaine au nom du grand capital:
«Ils sont tous là, droits dans leurs bottes, pour soutenir l’intervention militaire française au Mali. Ils sont bien alignés, au complet: le PS, les deux fractions de l’UMP unies en la circonstance et le FN… Il n’y a pas ici de contraintes budgétaires qui tiennent… L’intérêt supérieur des capitalistes prime avant tout. C’est le retour de la sainte France-Afrique, dénoncée, hier, par une gauche dans l’opposition et acceptée aujourd’hui par une gauche libérale au pouvoir. Il ne manque plus que l’Église pour aller bénir les bombardiers…. C’est comme en 14, vive les marchands de canons! Le matraquage médiatique a été bien mené: on présente les islamistes aguerris, sanguinaires qui attaquent le Mali en oubliant qu’au moment de la chute de Khadafi des hommes lourdement chargés et bien équipés militairement ont traversé le grand désert pour venir au Mali. Lorsque le Mnla, Mouvement national pour la libération de l’Azawed, a proclamé l’indépendance du nord du pays, il a obtenu le soutien bienveillant et actif financièrement et politiquement de la France…. La lutte contre l’islamisme radical n’est qu’un leurre… Ici, l’impérialisme le combat alors que là-bas, juste à côté, en Libye, le même impérialisme l’a aidé à accéder au pouvoir…. C’est la géopolitique et les intérêts économiques qui priment, c’est ainsi que les États-Unis essayent, de leur côté, de réduire l’influence française et d’assurer une présence politique et économique en Afrique… Voici les vrais enjeux. Le peuple du Mali est sacrifié.» (5)
Les actions décalées de l’Algérie
La solution politique à laquelle croit l’Algérie et qu’elle a martelée contre vents et marées, a fait long feu. Pourtant, on pensait que l’accord d’Alger de la semaine dernière entre les différentes factions, Mnla, et Ansar Eddine pour une résolution politique a fait miroiter, un moment, un début de solution. Il n’en fut rien, l’accord fut rapidement dénoncé. Avec un échec sur toute la ligne des tentatives diplomatiques algériennes d’éviter la guerre.
Un conflit est à nos portes, et la Télévision algérienne n’en parle pas. La rencontre tripartite Algérie-Tunisie-Libye sur la sécurisation des frontières a conforté la solution politique préconisée par l’Algérie. Même une tentative de mise en oeuvre des méthodes de résolution des conflits «à l’ancienne» a échoué.
Les factions maliennes ont boudé la rencontre d’Adrar. Les représentants des différentes factions maliennes n’ont pas fait le déplacement pour la rencontre prévue à Adrar. Côté algérien, même les personnalités politiques désignées pour ces négociations se sont abstenues de venir – hormis quelques membres de la société civile algérienne, des notables de Tamanrasset, d’Illizi et de Ouargla – à la réunion préparatoire du conclave qui s’est déroulée, au niveau de la zaouïa de cheikh Moulay Touhami.
Laurent Fabius s’est félicité hier de la collaboration de l’Algérie, qui, en ouvrant son espace aérien, a permis à la France de venir en aide au Mali. L’Algérie «a autorisé le survol de son territoire et je l’en remercie», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, à l’émission «Grand Jury LCI-Le Figaro-RTL». « La France se devait d’intervenir de toute urgence, sinon il n’y aurait plus de Mali, mais un État terroriste…(…) La décision d’Alger d’ouvrir son espace aérien aux appareils français basés sur le territoire national et qui frappent les islamistes dans le nord du Mali est significative compte tenu de la méfiance traditionnelle des autorités algériennes face à toute intervention militaire de Paris dans la région. Une fois que la force africaine aura pris le relais dans le nord du Mali, «il faudra que les Algériens ferment leurs frontières» pour couper les combattants islamistes de leurs bases, a ajouté le ministre. (6)
On le voit nous sommes, à notre corps défendant des « collaborateurs ». Nous sommes impliqués – qu’on le veuille ou non- et tout sera fait par les médias pour présenter cet acte d’autorisation comme un acte majeur dans la lutte que mène la France, d’autant que Laurent Fabius nous conseille de « fermer nos frontières » ce que nous n’arrêtons pas de faire mais qui a une nouvelle connotation celle d’étouffer les combattants d’Aqmi, d’Anser Eddine..
Il vient que l’échec de la médiation algérienne qui voulait barrer la route à l’intervention française était prévisible. On ne lutte pas contre l’Empire avec des tire-boulettes. Il est à craindre que l’Algérie ait de moins en moins de poids politique dans le Sahel. Il serait grand temps qu’elle reconsidère la préservation de ses intérêts à la lumière des nouveaux enjeux, de la nouvelle géopolitique des relations internationales. Il est grand temps aussi que l’on explique aux Algériens les vrais défis pour les mobiliser le moment venu pour défendre en connaissance de cause le pays.
Dans un discours célèbre, le grand Aimé Césaire parlant de l’indépendance des pays colonisés, écrivait: «La lutte pour l’indépendance c’est l’épopée, l’indépendance acquise c’est la tragédie ». Cette sentence sans concession s’applique merveilleusement aux pays africains suite à des décolonisations ratées. La France-Afrique – que l’on soit de droite ou de gauche – est un invariant. Elle n’est en fait qu’un post-colonialisme ou mieux encore un néo-colonialisme, où l’ancienne puissance coloniale tente de maintenir d’une façon ou d’une autre son pouvoir en adoubant, ou en éliminant, ceux qui contredisent ses intérêts. Cinquante après, le continent africain francophone est plus atomisé que jamais.
En fait, dans cette affaire, nous avons la pénible impression que les différents acteurs africains jouent une partition écrite ailleurs avec un champ, un rôle à jouer. D’abord, il faut que les médias diabolisent ad nauseam des barbus barbares qui coupent les mains, c’est ensuite la parodie de la Cédéao dont on sait que le mécanisme de fonctionnement est ailleurs. Cette Cédéao ayant reçu comme instruction de pousser à la roue de l’aventure militaire. C’est aussi l’énigme de l’Union africaine devenue aussi boutefeu avec un commissaire à la Sécurité totalement dépassé et une présidente qui en appelle à l’Otan pour la délivrer d’un monstre que ce dernier a créé et alimenté en armes après le lynchage de Kadhafi et l’ouverture de son arsenal à tout vent.
Le partage du monde en sphère d’influence fait que les Etats-Unis laissent la bride sur le cou à la France car traditionnellement l’Afrique lui «appartient». Cependant, il ne faut pas se leurrer puisque le Mali s’avère comestible, il n’est pas interdit de voir apparaître l’Otan d’autant que l’Union africaine appelle l’Otan à son secours pour déloger des Africains entre eux. Le forcing est fait à travers la Cédéao, club de tyrans sous la botte française pour pousser à la roue, elle va participer à la curée. Il est hors de doute que les islamistes vont être laminés, des troupes étrangères resteront à demeure pour stabiliser le pays qui va plonger dans le chaos et ne se relèvera pas de sitôt. Il faut que tout change dans le sens il faut retracer les nouvelles frontières avec de “nouveaux peuples”, pour que tout redevienne comme avant comme au “bon vieux temps des colonies”.
La néo-colonisation est en marche elle a besoin d’un nouveau découpage des territoires peuples faibles comme cela a été fait il y a un siècle pour l’empire ottoman . Ce charcutage est rendu nécessaire par les besoins grandissants en ressources minières et énergie. Peut importe les espérances des peuples, ils ne comptent pas. Le Mali est en miettes, à qui le tour? Dans cette nouvelle aventure coloniale, et curieusement, le colonialisme anglais, aussi répréhensible soit-il, a su créer une structure post-décolonisation: le Commonwealth qui est accepté plus sereinement. Il est à craindre que la France continue de croire que seule la force lui permettra de protéger son pré carré. Pourtant, la France peut contribuer à faire émerger une vraie alternance si elle veut un jour continuer à apporter son génie dans le cadre d’un partenariat win-win et surtout avec une égale dignité. On fermera alors la parenthèse honteuse d’une colonisation européenne abjecte avec l’élimination de Lumumba au profit d’un Mobutu, d’un Tschombé et autres scories de l’histoire.
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
2. Le Mali: Encyclopédie Wikipédia
3. Mali: De l’occupation du Nord…Le Monde.fr | 11.01.2013; Source de la carte : http://bamada.net/derriere-lenjeu-malien-la-france-coloniale-cherche-a-punir-lalgerie-historique/
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