La brigade Al-Mouthalimin ("les signataires par le sang"), dirigée par Mokhtar Bel-Mokhtar, alias Khaled Aboul Abbas ou "Le Borgne", a revendiqué la prise de 41 otages, mercredi 17 janvier, sur le site gazier du géant pétrolier britannique BP à In Amenas, dans l'est de l'Algérie. L'opération a été baptisée du nom de Abdel RahimAl-Mauritani, un combattant décédé.
Ancien chef charismatique d'Al-Qaida au Maghreb islamique – AQMI, l'Algérien Mokhtar Bel-Mokhtar a une trajectoire remarquable dans la nébuleuse islamiste. Né le 1er juin 1972 à Ghardaïa, il s'est engagé dans la guerre en Afghanistan aux côtés des moudjahidin entre 1991 et 1993 avant de rejoindre le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien, dont émane AQMI. Lorsqu'il était affilié à AQMI, Mokhtar Bel-Mokhtar a mené avec sa katiba de nombreuses prises d'otages, dont celles de deux Français à Niamey, au Niger, en janvier 2011.
"Cette brigade est issue d'un groupe qui a fait dissidence ou a été exclue d'Al-Qaida au Maghreb islamique — AQMI à la fin de l'année 2012", indique Dominique Thomas, spécialiste des réseaux islamistes. "Le groupe s'est reconstitué autour de son chef, Mokhtar bel Mokhtar et fort de cette nouvelle indépendance, il s'est rapproché du Mouvement unicité et djihad en Afrique de l'Ouest — Mujao, mouvement qui contrôle une partie de l'est de la région du Mali, à Gao et autour de cette ville", précise-t-il.
La brigade serait constituée d'environ 200 à 300 militants, bien entraînés et bienarmés. On ne sait pas exactement qui compose cette brigade, toutefois un otage algérien à In Amenas a indiqué au site Internet Maghreb Emergent que "plusieurs membres parmi le groupe qui nous détient ici parlent en arabe avec des accents étrangers. J'ai relevé des accents égyptiens, tunisiens et même un élément qui parle en syrien". Mokhtar Bel Mokhtar serait lui-même présent sur le site.
UNE ACTION CONCERTÉE
Par cette action, la brigade, restée calme depuis son retrait d'AQMI, fait un retour spectaculaire au sein de la coalition des groupes islamistes combattants au Mali."On voit bien qu'il y a une communauté de vues et une coordination entre ces groupes. La brigade Al-Mouthalimin rappelle ainsi son existence et assoit sa légitimité vis-à-vis des autres organisations armées", commente Dominique Thomas. "Son organisation est entrée dans une gestion concertée avec le Mujao mais on ne lui prêtait pas une influence dans le territoire algérien. Pourtant, étant lui-même Algérien, il a une connaissance du terrain et des complicités", poursuit le chercheur. Par ailleurs, l'homme avait montré avant sa scission d'AQMI à la fin de l'année des vélléités de cultiver ses réseaux libyens, indique le chercheur.
"Les divergences du passé, tenant notamment à des égos incompatibles, sont gommées au profit de cette opération, opérée d'une manière concertée", poursuit Dominique Thomas. Mokhtar Bel Mokhtar était critiqué au sein de l'organisation pour sa propension à s'intégrer au paysage local, notamment en acceptant derentrer dans les trafics. "Cela diverge avec la ligne officielle d'AQMI, qui se présente comme une organisation vertueuse et rigoureuse contre les trafics. Mais, pragmatiquement, sur le terrain, elle s'intègre aux réalités locales", indique Dominique Thomas. Chez Bel Mokhtar, l'implication dans les trafics était devenu un "axe trop structurant", note le spécialiste.
Hélène Sallon
lemonde.fr
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