mercredi 3 juillet 2013
Egypte : le jour où Mohamed Morsi a été destitué
Klaxons, feux d'artifice, tambours, pétards, sifflets et cris de joie. La bande son de la deuxième révolution égyptienne, c'est tout ça à la fois. Une cacophonie hilare, une sarabande jubilatoire, qui ont commencé dès les premiers mots, à la télévision, du général Abdel Fattah Al-Sissi, le ministre de la défense. Quelques minutes plus tard, il mettait un point final à la présidence Morsi.
Mais Esra Ahmed, une comptable de 35 ans, n'a même pas attendu la fin de son discours pour filer sur le pont Kasr El-Nil, en direction de la place Tahrir, une main dans celle de son mari, l'autre dans celle de sa meilleure amie. "C'est un nouveau début, un recommencement, on va corriger tout ce qui a été raté après la chute de Moubarak, a-t-elle confié à l'envoyé spécial du Monde, Benjamin Barthe, en zigzagant entre les roulottes de patates douces et les vendeurs de fanions rouge-blanc-noir, aux couleurs de l'Egypte. Le peuple a repris le pouvoir. On vareconstruire le pays tous ensemble et on fera une place aux Frères musulmans, qui sont une composante de la société [...]. Ce que l'on a fait en trois jours, c'est un modèle pour le monde arabe et un modèle aussi pour l'Occident. La BBC n'a-t-elle pas dit qu'il s'agissait des plus grosses manifestations de l'histoire de l'humanité ?"
Depuis dimanche 30 juin, ils étaient des centaines de milliers à demander le départ du président Mohamed Morsi, un an après son arrivée au pouvoir. La journée de mercredi s'annonçait alors sous tension : l'ultimatum de quarante-huit heures qu'avait fixé l'armée à ce dernier pour "satisfaire les revendications du peuple", sous peine de se voir imposer une "feuille de route" expirait à 16 h 30.
Relire notre récit en direct de la soirée en Egypte : Mohamed Morsi dénonce un 'coup d'Etat complet'
Morsi destitué, la Constitution suspendue
A 19 heures, l'armée égyptienne a signifié au président islamiste qu'il n'était plus président. Vers 21 heures, dans une allocution télévisée, le chef d'état major Abdel Fattah Al-Sissi, béret vissé sur la tête, entouré des principaux chefs religieux du pays et du représentant de l'opposition Mohamed El-Baradei, annonçait que la Constitution était suspendue et que M. Morsi était remplacé par le président de laHaute Cour constitutionnelle, Adly Mansour. Ce dernier prêtera serment jeudi.
Lire l'analyse : "La revanche du chef d'état-major Abdel Fattah Al-Sissi"
L'armée annonçait peu après la tenue d'une élection présidentielle anticipée et la mise à l'écart de fait de Mohamed Morsi, une annonce accueillie par une explosion de joie par ses opposants qui manifestaient en masse à travers le pays. "Un comité chargé d'examiner les propositions d'amendements constitutionnels sera formé", a précisé le général. Un gouvernement regroupant "toutes les forces nationales" et "doté des pleins pouvoirs" sera chargé de "gérer la période actuelle". Ce plan a été discuté durant la journée entre l'armée, les responsables de l'opposition et les chefs religieux.
Morsi appelle à résister au "coup d'Etat" : "Je suis le président élu d'Egypte"
Après avoir rejeté l'ultimatum mardi et mis en avant la "légitimité" que lui conférait son élection démocratique, M. Morsi a jusqu'au dernier moment tenté de régler la crise mercredi en proposant "un gouvernement de coalition et de consensus afin d'organiser des législatives à venir". Mais comme depuis le début de la crise, le président avait encore un temps de retard sur les événements.
Lire l'analyse : "Depuis le début de la crise, Morsi a toujours un temps de retard sur les événements"
Réagissant à son éviction, Mohamed Morsi a appelé les Egyptiens à résister"pacifiquement" à ce qu'il a qualifié de "coup d'Etat", a déclaré un de ses proches collaborateurs sous couvert de l'anonymat. "Ce qu'ils ont fait est illégal, ils n'ont pas autorité pour le faire", a-t-il ajouté.
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