Les soldats français déployés en Centrafrique sont une nouvelle fois au centre d'une polémique. Certains d'entre eux auraient forcé des jeunes filles à avoir des relations sexuelles avec un chien contre de l'argent alors que les dénonciations d'abus sexuels par les soldats se multiplient.
«Les cas d'abus et d'exploitation sexuels allégués sont particulièrement révoltants et odieux». L'ambassadeur français auprès des Nations unies François Delattre a dénoncé jeudi les nouvelles accusations de violences sexuelles et même de bestialité révélées par l'ONU quelques heures plus tôt. Il a promis de «faire toute la lumière» sur ces allégations visant des soldats de la force française Sangaris, qui faisait déjà l'objet d'une enquête de la justice française pour d'autres cas présumés de viols dans ce pays meurtri par des années de guerre. L'ONU enquête de son côté sur les nouvelles accusations «révoltantes» de sévices commis par ces soldats français ainsi que des Casques bleus de l'ONU, son secrétaire général Ban Ki-moon se disant «profondément choqué». Des responsables de l'ONU ont pu interroger 108 victimes présumées d'abus sexuels, en «grande majorité» des mineures, a indiqué son porte-parole, Stephane Dujarric. «Nous sommes confrontés au fait que des soldats envoyés pour protéger les habitants ont au contraire plongé au coeur des ténèbres», a-t-il déploré.
L'organisation internationale a reçu des informations indiquant que des soldats français de Sangaris auraient forcé en 2014 des jeunes filles à avoir des rapports sexuels avec des animaux en échange d'une petite somme d'argent, a indiqué à l'AFP un de ses responsables à New York. Selon l'ONG AIDS-Free World, trois jeunes filles ont affirmé à un officier des Nations unies qu'elles avaient été déshabillées et attachées par un militaire de Sangaris dans un camp puis forcées d'avoir des relations sexuelles avec un chien. Ces faits «n'ont pas été confirmés», a souligné Stephane Dujarric, un porte-parole de L'ONU.
Des cas d'abus sexuels en augmentation en 2015
La France a envoyé sa force d'intervention Sangaris en Centrafrique en décembre 2013 pour stopper les massacres intracommunautaires. Ces soldats ne font pas partie des Casques bleus mais le Conseil de sécurité les a chargés d'aider au rétablissement de la paix. La France, qui a mobilisé jusqu'à 2 500 soldats au plus fort des violences, compte encore 900 hommes en Centrafrique. La Minusca compte quelque 12 600 militaires et policiers. Le Haut-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Zeid Ra'ad Al Hussein, a déclaré prendre les dernières accusations, «dont certaines sont particulièrement odieuses, extrêmement au sérieux».
Mais derrière ces déclarations fortes apparaît une organisation des Nations unies qui peine à agir face au problème endémique des abus perpétrés par ses Casques bleus. Un phénomène particulièrement aigu en Centrafrique. Pis, le nombre d'abus sexuels qui auraient été commis par des Casques bleus a connu «une nette augmentation» en 2015 par rapport à l'année précédente, avec 69 cas, selon l'ONU. Devant l'avalanche de cas, Ban Ki-moon avait renvoyé le chef de la Minusca en août mais de nouvelles accusations sont apparues depuis. Le système de sanctions des troupes de l'ONU explique en partie cette lenteur à agir: seuls les pays d'origine des soldats accusés peuvent sanctionner pénalement les coupables et ils le font à reculons.
Comment endiguer le fléau?
Avant même les dernières accusations, le chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU Hervé Ladsous proposait donc, dans un entretien à l'AFP, d'«obliger les Etats contributeurs à agir». Il s'agirait notamment de prélever l'ADN des soldats au moment de leur recrutement afin de mieux pouvoir enquêter si besoin ensuite, ainsi que d'accepter «d'organiser des cours martiales in situ, dans le pays» où ils servent. S'attaquant pour la première fois à ce fléau, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté avec difficulté le 11 mars une résolution qui prévoit de rapatrier des contingents entiers de Casques bleus en cas de soupçon de viols ou d'abus. Et pour la première fois, Stephane Dujarric a annoncé jeudi que l'ONU mènerait conjointement avec le Burundi et le Gabon l'enquête portant sur les dernières accusations de sévices.
Outre la France, la centaine d'allégations concerne les contingents burundais et gabonais de la mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca), présents dans la région de Kémo entre 2013 et 2015.
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