samedi 9 avril 2016

Entretien avec Mohamed Bedjaoui : « J’ai introduit Pierre Falcone auprès des autorités algériennes »

Ancien ministre des Affaires étrangères, ancien président du Conseil constitutionnel et ex-président la Cour internationale de justice de La Haye, Mohamed Bedjaoui a accordé un entretien exclusif à TSA. Notre journaliste l’a rencontré à Paris où elle lui a posé des questions sur le scandale de l’autoroute Est-Ouest, Pierre Falcone, Farid Bedjaoui…


Mohamed Bedjaoui
Le porte-parole de l’AACC a affirmé que vous détenez un compte offshore au Panama. Vous avez démenti. Il a insisté en réaffirmant qu’il s’agit d’un compte offshore numéroté. Que lui répondez-vous ?

Hadjadj avait prétendu, dans une première interview à TSA, que j’avais à Panama des comptes en banque alimentés par des commissions. Il s’est contredit dans une deuxième interview en niant avoir dit que j’y abritais des commissions. Hadjadj n’est pas à une contradiction près. Je l’avais pressé d’aller donner tous les détails de ses « révélations » au procureur de la République pour faire déclencher les poursuites judiciaires qui s’imposaient si ces « révélations » étaient exactes. Hadjadj s’est dérobé. Je lui suggère plus simple encore. S’il n’aime pas aller voir le procureur, je lui conseille simplement de donner, comme il en a l’habitude, une interview à TSA, dans laquelle il fournira à l’attention du parquet tous les détails de mes prétendues commissions et comptes bancaires offshore. Je le presse de le faire au plus vite. Chiche ! M. Hadjadj.


Dans l’affaire de l’autoroute Est-Ouest, vous avez été mis en cause…

Le point de départ de cette affaire de l’autoroute Est-Ouest était une question de défense nationale. C’est pour cette raison que j’ai préféré ne pas répondre par la suite aux accusations.

Avez-vous réellement introduit Pierre Falcone auprès des autorités algériennes ?

J’ai introduit Pierre Falcone auprès des autorités algériennes. Falcone est un homme d’affaires mondialement connu. Il m’a approché un jour pour m’entretenir de deux questions du plus haut intérêt touchant la défense nationale et m’assurer de toute son aide dans ce cadre au service de la sécurité de notre pays. Nos autorités compétentes, saisies par moi-même (Mohamed Bedjaoui était alors président du Conseil constitutionnel, NDLR), ne pouvaient refuser de la recevoir pour ces problèmes importants de défense. Mais après un certain nombre de rencontres avec lui, elles se sont aperçues, au bout de quelques mois, de l’inefficacité de son concours.

Comment s’est-il intéressé à l’autoroute Est-Ouest ?

Entretemps, il porta de l’intérêt pour l’appel d’offres concernant l’autoroute Est-Ouest qui venait d’être publié. Il s’est porté soumissionnaire au nom d’une société D’État chinoise. D’ailleurs, personne ne pouvait l’empêcher de soumissionner. Il a alors bénéficié de mon appui initial dans le respect des lois, d’autant plus qu’il était censé apporter incessamment une contribution espérée inestimable à notre défense nationale. Mais j’ai cessé tout contact avec lui lorsque j’ai appris qu’il n’avait pas apporté le concours escompté à notre défense nationale. Il s’était parfaitement conformé néanmoins à toute notre législation des appels d’offres. La presse m’informera plus tard qu’il gagna le marché.

Avez-vous été convoqué par la justice ?

La presse a souvent dit que j’ai été convoqué plusieurs fois par la justice de mon pays. Cela est totalement inexact.

Ces dossiers de corruption ont-ils été préfabriqués par le DRS ?

Ce n’est pas vrai !

Êtes-vous toujours en contact avec Farid Bedjaoui ?

Je ne suis plus en contact avec lui depuis dix ans. Quand Farid venait à Alger, il partait directement à l’hôtel. Je rappelle qu’il était homme d’affaires et qu’il voulait travailler dans l’industrie et l’énergie. Il en avait le droit. Je ne voulais savoir quoi que ce soit sur ses affaires.

Comment Farid Bedjaoui a-t-il pu connaître Chakib Khelil et créer son réseau ?

Je n’en sais absolument rien. Mon neveu était un homme d’affaires. Il a travaillé avec le ministère de l’Industrie et de l’Énergie. Je ne connais pas ses affaires. Je n’ai aucune relation avec l’affaire Saïpem.

Vous ne savez absolument pas ce que faisait votre neveu avec Chakib Khelil ?

Je savais qu’il était homme d’affaires. Sauf que je ne savais pas sur quel projet il était en discussion avec le ministre de l’Énergie. Je ne l’ai (Farid) pas rencontré une seule fois durant ses passages à Alger.

Son avocat avait confirmé le montant des commissions et assuré que cela était normal dans le monde de l’intermédiation. Êtes-vous d’accord là-dessus ?

Je ne savais pas qu’il avait un avocat. Je n’ai pas à me substituer à son avocat. S’il dit qu’il a reçu des commissions, je prends acte pour mon information personnelle mais je n’en déduis rien.

Regrettez-vous d’avoir introduit Pierre Falcone auprès des autorités algériennes ?

Je regrette totalement. À la fin de ma vie, on m’insulte et on me diffame. C’est une fin de vie épouvantable qu’on me fait. Cela est parfaitement injuste. À travers cette cabale, j’ai l’impression que je suis mal payé de tous ce que j’ai fait en tout bien tout honneur pour mon pays.

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