A 90 ans, il est le fer de lance de la contestation
Surtout ne pas se fier à sa frêle silhouette. Les policiers qui ont tenté samedi dernier de l'empêcher de rejoindre le rassemblement de l'opposition place du 1er Mai s'y sont mordu les doigts. Malgré ses 90 ans, Ali Yahia Abdennour a toujours l'énergie de la révolte en lui et le regard acéré de la détermination. Il n'y a qu'à le voir, le doigt tendu et le ton ferme malgré sa voix chevrotante, appeler la nouvelle génération à l'action dans les réunions de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie.
Personne ne peut oublier ses discours enflammés, durant toutes ces longues années de la guerre contre les civils. Des discours pour tenter de juguler la folie et l’irresponsabilité des dirigeants algériens. Toute sa vie n’est que combat et espérance. Parfois incompris, parfois insulté, parfois marginalisé, Ali Yahia Abdennour ne baisse jamais les bras. Celui qui a vu le jour en Kabylie, le 18 janvier 1921, est aujourd’hui encore le fer de lance de la contestation en Algérie. Son parcours est immense. Il est jalonné d’une multitude de haltes qui font de lui, à bien des égards, l’honneur retrouvé de l’Algérie.
Il a fait la guerre contre le nazisme, tout comme il a contribué à libérer l’Algérie du joug colonialiste. La révolte toujours dans le sang, Ali Yahia Abdennour est parmi les militants du FFS qui s’élèvent, en 1963, contre ceux qui ont confisqué la Révolution algérienne. Ministre sous le pouvoir du colonel Houari Boumédiene, il claque la porte en 1967. A l’âge de 47 ans, il entame des études de droit et entre au barreau d’Alger en 1972.
Quand arrive le printemps berbère en avril 1980, il est parmi le collectif des avocats pour défendre les étudiants jugés à Alger en octobre 1981. Ali Yahia Abdennour est déjà une conscience nationale dont le pouvoir a peur. A Constantine, il défend les militants communistes avant d’être arrêté dans l’affaire Benchenouf, un ancien d’Air Algérie accusé de vouloir monter un maquis dans les Aurès.
Ali Yahia Abdennour retourne derrière les barreaux après la création de la première ligue algérienne des droits de l’homme en juin 1985. Arrivent les tragiques événements d’octobre 1988. L’Algérie s’ouvre un peu. Des partis sont légalisés, des journaux privés sont édités, la ligue des droits de l’homme tolérée. L’auteur de « la Dignité humaine » tente de rendre la démocratie irréversible en Algérie.
Mais le processus démocratique est vite arrêté au début de l’année 1992. Le pays entre alors dans un cycle infernal de violences multiples. Ali Yahia Abdennour défend les dirigeants du FIS. Ses « amis démocrates » ne lui pardonneront jamais d’avoir fait son métier d’avocat au profit des islamistes. Mais il continue son chemin malgré toutes les critiques, souvent infondées.
En janvier 1995, il participe à la signature du contrat national de Rome que les autorités algériennes refusent. Entre temps, les violences redoublent de férocité. Ali Yahia Abdennour aide les nombreuses familles des disparus et ne perd pas espoir d’un règlement politique de la crise algérienne. L’homme ne connait pas la rancune. Il défend Mohamed Benchicou, le directeur du quotidien le Matin, arrêté injustement par le pouvoir. Pourtant le quotidien le Matin l’avait violemment critiqué durant des années. C’est là un bel exemple d’humanisme et de tolérance de la part d’un militant sincère qui porte l’Algérie dans son cœur.
Ali Yahia Abdennour sait aujourd’hui que ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte aura inévitablement des conséquences sur l’Algérie. Il est encore là sur le terrain de la lutte pour que la liberté, la justice sociale, la démocratie et la dignité s’installent définitivement en Algérie. L’Algérie peut être fière d’avoir des hommes comme Ali Yahia Abdennour.
A. Zirem
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