L’ancien Premier ministre se réjouit de l’initiative de la France face à la situation en Lybie, mais il met en garde contre le risque d’engrenage militaire.
La France lance l’offensive contre la Libye. Qu’en pensez-vous?
Je me félicite de l’initiative de la France, portée par le président de la République et le ministre des Affaires étrangères ainsi que du vote de la résolution 1973 des Nations unies ouvrant la voie à une protection des populations civiles par tous les moyens nécessaires. À ce stade, il faut veiller à demeurer dans ce cadre précis et ne pas s’engager dans un engrenage militaire.
Vous avez trouvé le président de la République trop belliqueux?
Rien de ce que j’ai entendu dans son intervention ne va dans ce sens. Mais attention, l’objectif n’est pas de mener une campagne militaire. Il faut une réponse graduée qui procède par étapes. D’abord le survol de la Libye, ensuite des frappes ciblées contre des infrastructures, dans le but d’obtenir un cessez-le-feu.
Enfin, des frappes contre l’armée libyenne ne sauraient être justifiées que par une menace précise et urgente contre les populations civiles. Il ne s’agit pas pour nous d’être à l’offensive mais d’agir uniquement en réponse aux provocations du colonel Kadhafi. Cela s’inscrit dans un processus long afin de protéger les populations. Ce ne serait pas une bonne politique de vouloir tout faire en même temps et avec précipitation.
On vous sent très inquiet…
Il ne faut pas oublier que cette résolution 1973, contrairement à la 1441 (novembre 2002, le Conseil de sécurité ordonne à Bagdad de détruire tous ses programmes d’armes de destruction massive) n’a pas été votée à l’unanimité. Il y a eu cinq abstentions, dont l’Allemagne, et beaucoup de réserves. Ensuite, il est impératif d’éviter d’agir dans un cadre Otan, mais bien dans une coalition d’États en associant étroitement les pays arabes et africains. Enfin, que l’Europe prenne ses responsabilités et évite ainsi une trop grande exposition des États-Unis, en leur donnant un réel rôle d’appui et d’accompagnement.
Quelles sont pour vous les lignes rouges?
Qu’il n’y ait pas d’intervention au sol, que nous fassions très attention aux frappes militaires et enfin que nous respections le libre choix du peuple libyen. Nous ne pouvons pas espérer tout régler par une intervention militaire. C’est pourquoi la pression doit être maintenue sur le colonel Kadhafi : défèrement devant la Cour pénale internationale, gel des avoirs à l’étranger et intensification des sanctions économiques. C’est ainsi que nous pourrons obtenir son départ et redonner à la diplomatie tout son rôle.
Cette opération peut-elle restaurer l’image de la France dans le monde arabe?
La France a été dans ces circonstances à la hauteur de ses idéaux mais il faut travailler dans la durée. Prenons bien en compte la sensibilité des opinions arabes, à travers l’effet des moyens employés et des images diffusées. Faisons bien attention à ce qu’elles ne se retournent pas.
On a comparé le discours d’Alain Juppé jeudi à l’ONU au vôtre, contre la guerre en Irak. Qu’en avez-vous pensé?
C’est un discours qui marque la détermination de la France. C’est la politique étrangère que j’ai toujours défendue, en initiative mais aussi en responsabilité. Mais cette détermination doit être strictement encadrée pour éviter tout risque de dérapage et toute logique de guerre.
Source: Soazig Quéméner - Le Journal du Dimanche
lundi 21 mars 2011
Je me félicite de l’initiative de la France, portée par le président de la République et le ministre des Affaires étrangères ainsi que du vote de la résolution 1973 des Nations unies ouvrant la voie à une protection des populations civiles par tous les moyens nécessaires. À ce stade, il faut veiller à demeurer dans ce cadre précis et ne pas s’engager dans un engrenage militaire.
Vous avez trouvé le président de la République trop belliqueux?
Rien de ce que j’ai entendu dans son intervention ne va dans ce sens. Mais attention, l’objectif n’est pas de mener une campagne militaire. Il faut une réponse graduée qui procède par étapes. D’abord le survol de la Libye, ensuite des frappes ciblées contre des infrastructures, dans le but d’obtenir un cessez-le-feu.
Enfin, des frappes contre l’armée libyenne ne sauraient être justifiées que par une menace précise et urgente contre les populations civiles. Il ne s’agit pas pour nous d’être à l’offensive mais d’agir uniquement en réponse aux provocations du colonel Kadhafi. Cela s’inscrit dans un processus long afin de protéger les populations. Ce ne serait pas une bonne politique de vouloir tout faire en même temps et avec précipitation.
On vous sent très inquiet…
Il ne faut pas oublier que cette résolution 1973, contrairement à la 1441 (novembre 2002, le Conseil de sécurité ordonne à Bagdad de détruire tous ses programmes d’armes de destruction massive) n’a pas été votée à l’unanimité. Il y a eu cinq abstentions, dont l’Allemagne, et beaucoup de réserves. Ensuite, il est impératif d’éviter d’agir dans un cadre Otan, mais bien dans une coalition d’États en associant étroitement les pays arabes et africains. Enfin, que l’Europe prenne ses responsabilités et évite ainsi une trop grande exposition des États-Unis, en leur donnant un réel rôle d’appui et d’accompagnement.
Quelles sont pour vous les lignes rouges?
Qu’il n’y ait pas d’intervention au sol, que nous fassions très attention aux frappes militaires et enfin que nous respections le libre choix du peuple libyen. Nous ne pouvons pas espérer tout régler par une intervention militaire. C’est pourquoi la pression doit être maintenue sur le colonel Kadhafi : défèrement devant la Cour pénale internationale, gel des avoirs à l’étranger et intensification des sanctions économiques. C’est ainsi que nous pourrons obtenir son départ et redonner à la diplomatie tout son rôle.
Cette opération peut-elle restaurer l’image de la France dans le monde arabe?
La France a été dans ces circonstances à la hauteur de ses idéaux mais il faut travailler dans la durée. Prenons bien en compte la sensibilité des opinions arabes, à travers l’effet des moyens employés et des images diffusées. Faisons bien attention à ce qu’elles ne se retournent pas.
On a comparé le discours d’Alain Juppé jeudi à l’ONU au vôtre, contre la guerre en Irak. Qu’en avez-vous pensé?
C’est un discours qui marque la détermination de la France. C’est la politique étrangère que j’ai toujours défendue, en initiative mais aussi en responsabilité. Mais cette détermination doit être strictement encadrée pour éviter tout risque de dérapage et toute logique de guerre.
Source: Soazig Quéméner - Le Journal du Dimanche
lundi 21 mars 2011
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