Le plan de l’armée égyptienne pour affaiblir l’opposition radicale semble se résumer en quatre points. Le premier est la répression. Le deuxième est la neutralisation des Frères musulmans, autorisés à créer un parti. Le troisième est la désignation des collectifs les plus modérés comme porte-paroles exclusifs de la contestation. Le quatrième, enfin, est la nomination au poste de Premier ministre d’une personnalité moins impliquée qu’Ahmed Chafik dans la gestion catastrophique de ces dernières années. La pression incessante des franges les plus radicales de l’opposition a eu raison d’Ahmed Chafik. Le Chef du gouvernement égyptien a dû présenter sa démission au Haut conseil des forces armées (HCFA), qui règne sur l’Egypte depuis la chute de Hosni Moubarak. Son remplacement quasi instantané par Essam Charaf, un ancien ministre des Transports (2002-2005), suggère qu’il a été « encouragé » à quitter son poste par les militaires. Bien qu’issu des rangs de l’ancien parti officiel, le PND (Parti national démocratique), le nouveau Chef du gouvernement est présenté par la presse quotidienne égyptienne comme un « homme intègre », qui a participé aux manifestations réclamant le départ de Moubarak. Le portail électronique du journal public «Al Ahram» affirme qu'en quittant son poste de ministre dans l’équipe d’Ahmed Nazif, en 2005, il entendait exprimer son rejet de la politique gouvernementale. Pour donner au personnage une dimension de militant de la société civile, il est souligné qu’il a claqué la porte de la commission d’administration de l’Ordre des architectes pour protester contre la mise sous tutelle judicaire de cette organisation visant à l’empêcher de jouer un rôle politique comparable à celui de l’Ordre des médecins. Objectif de l’armée : arrêter la contestation En acceptant la démission d’Ahmed Chafik, le HCFA entend mettre fin aux manifestations des groupes de jeunes issus de l’intifada du 25 janvier, notamment un sit-in tenu depuis quelques jours au centre du Caire et dont une des revendications principales était le départ du gouvernement. Ces manifestations sont organisées par des collectifs radicaux, qui refusent de donner carte blanche à l’armée pour qu’elle gère à sa guise la période de transition. L’une d’elles, prévue pour le 4 mars 2011, est maintenue en dépit de la nomination d’un nouveau Premier ministre. Elle sera centrée sur la levée de l’état d’urgence, la libération des prisonniers d’opinion et l’élection d’une assemblée constituante souveraine. Les militaires tentent d’éliminer toute opposition à leur gestion de la transition en utilisant trois tactiques. La première est la neutralisation des Frères musulmans. En échangé de l’extrême modération dont elle a fait preuve depuis la chute de Moubarak, la confrérie islamiste s’est vue représentée au sein de la commission chargée de proposer des réformes constitutionnelles et, surtout, a été autorisée à créer un parti. Ses dirigeants emprisonnés commencent à être libérés. Deux d’entre eux, victimes des procès hâtifs de l’ère du chef d’Etat déchu, ont été relâchés le 2 mars 2001. Il s’agit de Khayrat Al Chater et d’Hassan Malik, arrêtés en 2006 et condamnés en 2008 par un tribunal militaire pour «blanchiment d’argent et terrorisme». Un manifestant jugé par une cour martiale La deuxième tactique consiste à isoler les collectifs de jeunes radicaux au sein même du camp de l'opposition non islamiste. Elle se manifeste à travers le choix des collectifs les plus modérés comme interlocuteurs exclusifs et une ouverture marquée envers des opposants libéraux aux prétentions présidentielles, comme Mohamed Al Baradeï, reçu par le HCFA, le 1er mars dernier. La troisième tactique, enfin, est la répression. La police militaire, accusée d’avoir torturé des dizaines de détenus ces dernières semaines, a violemment dispersé plusieurs sit-in pacifiques à Suez, au Caire et ailleurs. Interpellé le 26 mars 2011 lors d’une de ses interventions musclées, un jeune manifestant, Amr Abdallah El Bihiry, a été déféré devant une cour martiale et sans avoir bénéficié de défense librement choisie, il a été condamné à cinq ans d’emprisonnement pour «agression d’agent de police» et «non-observance du couvre-feu». YASSIN TEMLALI |
jeudi 3 mars 2011
Egypte - Les militaires limogent le Premier ministre mais ne renoncent pas à la répression
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