vendredi 18 mars 2011

Libye, les dessous d'une intervention internationale

Libye, les dessous d'une intervention internationale

Le Conseil de sécurité de l'ONU a donné jeudi son feu vert à une action militaire contre le régime de Muammar Kadhafi. Décryptage


Par JEAN GUISNEL
Pourquoi avoir tant attendu ?
La révolution libyenne a démarré le 17 février et il n'aura donc pas fallu un mois pour que la communauté internationale décide d'intervenir en soutien aux insurgés. Le 24 février, trois jours avant de quitter le ministère de la Défense pour celui des Affaires étrangères, Alain Juppé souhaitait que Muammar Kadhafi "vive ses derniers moments de chef d'État". Il précisait alors qu'une intervention militaire n'était pas d'actualité, mais que l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne était une option. Une position qui sera reprise par le chef de l'État, l'Élysée évoquant rapidement la possibilité d'attaques au sol. 


Très en pointe dans cette affaire, la France avait précisé, dès le départ, qu'elle ne ferait rien sans une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Soutenue par le Royaume-Uni, qui l'a soumise avec Paris, la résolution a cependant eu les plus grandes peines à obtenir le nihil obstat de deux membres permanents du Conseil de sécurité disposant d'un droit de veto et très réticents pour une intervention : la Russie et la Chine. Finalement, ces deux pays se sont abstenus, et le vote tant attendu est intervenu dans la nuit du 17 au 18 mars. La résolution 1973 définit précisément le cadre d'une possible intervention en lui donnant l'indispensable cadre juridique.
Quel type d'intervention la résolution 1973 permet-elle ?
Le Conseil de sécurité a décidé "d'interdire tous vols dans l'espace aérien de la Jamahiriya arabe libyenne pour protéger la population civile et pour faire cesser les hostilités". Cette formulation interdit à la Libye d'utiliser son espace aérien. Le texte ajoute que le Conseil de sécurité "a décidé également que cette interdiction ne s'appliquera pas aux vols dont le seul objectif est d'ordre humanitaire ou encore l'évacuation d'étrangers". Surtout, les conditions de la mise en place de la zone d'interdiction aérienne sont extensives, puisque les États membres sont autorisés "à prendre au besoin toutes mesures nécessaires pour faire respecter l'interdiction de vol imposée (...) et faire en sorte que des aéronefs ne puissent être utilisés pour des attaques aériennes". Ce qui permet, à tout le moins dans l'acception française, de prendre des mesures préventives qui permettraient de détruire des sites d'armes antiaériennes, des pistes d'aviation, des centres de commandement. Mais il faudrait recourir à une analyse très extensive du texte pour s'en prendre aux cibles dites "L", pour leadership, et s'en prendre directement aux bunkers de la famille Kadhafi.
Quelles sont les modalités d'ouverture du feu ?
Les pays autorisés à participer à une opération militaire contre la Libye sont les "États membres qui ont adressé aux secrétaires généraux de l'Organisation des Nations unies et de la Ligue des États arabes une notification à cet effet, agissant à titre national ou dans le cadre d'organismes ou d'arrangements régionaux".
À ce stade, les modalités d'ouverture du feu ne sont pas précisées, bien que la résolution stipule que le Conseil de sécurité "demande aux États concernés, en coopération avec la Ligue des États arabes, de procéder en étroite coordination avec le secrétaire général s'agissant des mesures qu'ils prennent pour appliquer cette interdiction".
Quelles sont à ce stade les options des différents pays concernés ?
- OTAN : à ce stade, l'organisation internationale ne participera pas directement à l'opération, mais ses États membres "vont se réunir dans les prochains jours pour essayer d'achever la planification dans les délais les plus brefs en vue d'une assistance humanitaire, d'un soutien à un embargo sur les armements ou d'une zone d'interdiction aérienne".
- La France : nation leader dans cette opération, elle va devoir contribuer de façon très significative à sa réalisation. Elle dispose de toute la panoplie nécessaire (avions-radar et de guerre électronique AWACS et E2-C Hawkeye, ravitailleurs C-135 FR, Super-Étendard Marine, Mirage 2000 et Rafale, avions de transport, et groupe aéronaval).
- Le Royaume-Uni participera à l'opération avec des avions Eurofighter Typhoon (défense aérienne) et Tornado (attaque au sol et reconnaissance), ainsi que des ravitailleurs, qui rejoignent leurs bases de déploiement. Les Britanniques disposent d'une base aérienne à Chypre, et deux frégates, HMS Cumberland et HMS Westminster, se trouvent dans la zone, où elles peuvent participer à la guerre électronique.
- Norvège : elle mettrait à la disposition de l'opération des avions de transport Hercules et des chasseurs F-16, selon des modalités à définir avec l'Otan.
- Danemark : il mettra à la disposition de l'opération des avions de transport Hercules et des chasseurs F-16, après accord du Parlement.
- Suède : selon le ministre des Affaires étrangères Carl Bildt, "la Suède prend de façon indépendante ses décisions sur l'engagement de ses forces militaires. Si on nous sollicite, nous prendrons position. Mais l'Otan doit d'abord prendre sa décision et établir sa contribution militaire. Nous verrons alors s'ils ont besoin de solliciter les autres."
- Le Canada envoie six avions de chasse CF-18.
- Pays arabes : la Ligue soutient l'établissement de la zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye, dont elle a souhaité la mise en place. Plusieurs pays disposent de moyens aériens importants et pourraient contribuer avec des avions-ravitailleurs ou des autorisations de survol de leur territoire.
- Grèce : "C'est un peu tôt pour parler de quelque chose de concret. On attend la réunion de l'Otan", a déclaré, vendredi, le ministre de la Défense Evangelos Venizelos.
- Espagne : elle met à la disposition de l'Otan les bases de Rota et Moron et ajoutera des moyens aériens et navals avec l'accord nécessaire du Parlement. 
- Italie : elle met à disposition des bases aériennes
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