mardi 2 août 2011

Le bain de sang en Syrie pousse l'ONU à réagir


Image tirée d'une captation vidéo montrant l'entrée des chars dans Hama, en Syrie, lundi 1er août.
NEW YORK, NATIONS UNIES - Pour la première fois depuis le déclenchement du soulèvement populaire contre le régime de Bachar Al-Assad, en mars, le Conseil de sécurité des Nations unies a semblé vouloir réagir lundi 1er août.
Vingt-quatre heures après la sanglante offensive lancée par les forces syriennes contre la ville de Hama, l'un des foyers de l'opposition, les 15 pays membres ont tenu une réunion d'urgence, convoquée à la demande de l'Allemagne, pour débattrede la situation en Syrie. "Le silence du Conseil de sécurité a encouragé la répression à se poursuivre", a souligné un diplomate occidental, regrettant de voirl'instance onusienne prise en otage par quelques pays membres récalcitrants.

Si les derniers événements en Syrie, dont les 140 morts de la veille du début du ramadan, semblent avoir fait émerger un consensus sur la nécessité d'une action du Conseil de sécurité, les diplomates restaient divisés sur la nature de cette action. Les partisans d'une riposte ferme, Européens en tête, souhaitent l'adoption d'une résolution, avec ou sans abstention. Les adversaires de toute ingérence dans les affaires intérieures d'un pays tiers, dont la Russie et la Chine, penchent pour une simple déclaration, requérant l'unanimité mais n'ayant aucune valeur contraignante.
"CONVERGENCE DE PENSÉE ET DE PRÉOCCUPATION"
"Les lignes ont clairement bougé, confiait toutefois une source onusienne à l'issue de cette réunion de deux heures à huis clos, certains pays refusaient jusqu'à présent de s'asseoir autour de la table pour parler de la Syrie. C'est la première fois que le principe de négociations est accepté par tous." Une impression confirmée par l'ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Susan Rice, qui a estimé qu'il y avait "eu une assez large expression de préoccupation, voire de condamnation".
Le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et le Portugal, soutenus par les Etats-Unis, ont profité de ces consultations pour soumettre une version actualisée du projet de résolution condamnant la répression syrienne qu'ils avaient présentée en mai, mais qui était restée lettre morte après la menace des veto russe et chinois.
Selon des sources diplomatiques, le texte soumis par les Européens condamne les violations systématiques des droits de l'homme, exige la fin immédiate des violences et exhorte les autorités syriennes à mettre en place des réformes politiques. Pas un mot sur d'éventuelles sanctions ou sur une saisine de la Cour pénale internationale. En revanche, le texte appelle Damas à ouvrir une enquête sur les violations des droits de l'homme et à juger les responsables d'attaques contre des manifestants pacifiques.
Les 15 pays membres du Conseil devaient se retrouver mardi 2 août pour discuterde l'opportunité du vote d'un texte, quel qu'il soit. L'ambassadeur indien, Hardeep Singh Puri, qui assure la présidence du Conseil de sécurité ce mois-ci, a confiéavoir "observé une certaine convergence de pensée et de préoccupation face à l'escalade de la violence". En coulisses, plusieurs diplomates soulignaient "l'ironie de cette présidence indienne"New Delhi étant apparu depuis quatre mois comme le "chantre de la cause syrienne" au sein de l'exécutif onusien, reprenant parfois mot pour mot la propagande de Damas contre "ces groupes armés étrangers et terroristes à l'origine du désordre en Syrie".
SPECTRE DU "PRÉCÉDENT LYBIEN"
L'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud s'étaient ralliés ces derniers mois au mouvement de résistance des Russes et des Chinois, défenseurs de la souveraineté nationale de leur allié syrien, contre toute condamnation du régime de Bachar Al-Assad. A l'instar de Moscou, ces pays redoutent la répétition du"précédent libyen". L'adoption du moindre texte hostile à Damas risque, selon eux, d'ouvrir la voie à une intervention militaire occidentale en Syrie.
"Bobard", a rétorqué Susan Rice face à la presse, assurant que la résolution présentée par les Européens ne comporte aucune similarité avec la résolution 1973 autorisant une action armée en Libye. "Franchement, à mon avis, tout ceci n'est qu'une excuse dont se servent ceux qui refusent de voir la réalité de ce qui se passe en Syrie", a fait valoir MmeRice.
Quelques heures avant la tenue de la réunion d'urgence du Conseil de sécurité,Sergueï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, avait exhorté "le gouvernement de Syrie et l'opposition à faire preuve de retenue maximale", estimant que "l'usage de la force" contre "des civils et des représentants des structures de l'Etat est inadmissible".
BARACK OBAMA "HORRIFIÉ"
Cette fermeté a surpris au siège des Nations unies. Si l'ambassadeur russe, Vitali Tchourkine, a jugé la proposition de résolution "quelque peu excessive", il a estimé qu'une déclaration pouvait faire l'objet d'un accord. A huis clos, les représentants indien, brésilien et sud-africain auraient soumis un projet commun visant àdépêcher à Damas, "dans un futur proche", des envoyés spéciaux. L'objectif : fairepart aux autorités syriennes de leur inquiétude concernant la situation. Une initiative présentée comme "complémentaire" à toute action du Conseil, mais perçue par les Occidentaux comme une alternative au vote d'une résolution.
Avant d'entamer leurs discussions, les 15 pays membres de l'exécutif onusien ont entendu le sous-secrétaire général aux affaires politiques de l'ONU leur rendrecompte de la situation en Syrie. L'état des lieux a été jugé "inquiétant" par l'ambassadrice américaine. Outre les 140 personnes tuées lors des violences du week-end, Oscar Fernandez-Taranco a estimé à 3 000 le nombre des disparus et à 12 000 celui des personnes emprisonnées depuis mars.
Selon les associations de défense des droits de l'homme, quelque 2 000 personnes, dont plus de 1 600 civils, ont été victimes de la répression syrienne. Lundi, alors que l'Union européenne alourdissait ses sanctions contre le régime syrien, le président américain Barack Obama se disait "horrifié" par les violences du week-end et le département d'Etat faisait savoir que les Etats-Unis envisageaient d'imposer de nouvelles sanctions, visant en particulier "le pétrole et le gaz".
Alexandra GenesteArticle paru dans l'édition du 03.08.11

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